L’importance du régime alimentaire des animaux pour leur
entretien et leur santé n’a pas besoin d’être démontrée, car nul n’ignore qu’il
faut « manger pour vivre », la vieille sagesse populaire ajoutant à
cette loi de la Nature ce dicton de circonstance : « Bonne nourriture
fait belle créature ».
L’ensemble des aliments, apprécié en quantité et variété,
qu’un animal consomme journellement dans une période de vingt-quatre heures,
constitue sa ration, qui, pour être suffisante, doit être formée de deux facteurs :
la ration d’entretien et la ration de production.
La ration d’entretien comporte la quantité d’aliments
nécessaires pour maintenir les animaux en état, sans leur faire rien produire,
mais en leur permettant de récupérer les pertes et de réparer l’usure de la
machine animale.
La ration de production est formée par les aliments
consommés en plus de la ration d’entretien, pour obtenir par leur
transformation du travail, du lait, de la viande, etc. ...
La composition d’une ration est appelée à varier sensiblement,
selon l’espèce animale qui doit en profiter, et selon les ressources culturales
ou industrielles dont on peut disposer avantageusement, compte tenu des prix
des différentes denrées pouvant être utilisées. Signalons, en passant, que
celles-ci sont beaucoup plus nombreuses que ne l’imaginent les intéressés,
ignorant sans doute ce qu’enseignait le professeur Sanson dans la chaire de
Zootechnie des Écoles d’Alfort et de Grignon : « Tout ce qui n’est
pas poison est aliment ».
Le conseil vaut surtout dans son esprit, sinon à la
lettre ; mais les régimes alimentaires qui sont actuellement imposés aux
personnes et les substitutions plus ou moins imprévues auxquelles ils nous
condamnent doivent mettre les intéressés en bonnes dispositions pour l’accepter
et en user ... sans en abuser !
Malheureusement, dans la plupart des milieux agricoles, les
propriétaires de chevaux restent encore persuadés qu’ils ne sauraient bien
nourrir leurs animaux qu’avec de l’avoine, du foin et de la paille, comme cela
se fait depuis toujours en puisant dans les greniers ou dans les coffres,
souvent sans peser ni compter.
Aussi un grand nombre d’entre eux se trouvent-ils
actuellement ennuyés et inquiets de ne pas pouvoir se procurer d’avoine autant
qu’ils le désireraient pour maintenir à son taux habituel la ration de leurs
chevaux, parce qu’ils restent convaincus qu’un cheval qui ne mange pas d’avoine
ou pas assez ne saurait être capable des efforts journaliers qui sont
actuellement réclamés aux « bons ouvriers » de la ville et des champs.
Disons tout de suite que la supériorité accordée à l’avoine
sur les autres grains pouvant entrer dans la ration des chevaux n’a jamais été
démontrée ni scientifiquement, ni pratiquement, et la fameuse avénine, principe
excitant et source d’énergie que l’on considérait comme la cause des propriétés
particulières qu’on lui attribuait, n’a jamais pu être isolée à nouveau, malgré
les expériences répétées de nombreux chimistes parmi les plus qualifiés.
Du reste, nous pouvons faire remarquer d’ores et déjà que,
dans l’Afrique du Nord, par exemple (Algérie, Tunisie, Maroc), les chevaux
arabes ou barbes, qui sont si réputés pour leurs qualités d’énergie et
d’endurance, sont nourris exclusivement avec de l’orge ; qu’en Angleterre
beaucoup de chevaux ne consomment que des féveroles, tandis qu’en Amérique le
maïs est utilisé dans les mêmes conditions, alors que le riz est employé
couramment en Indochine, etc. ..., la composition de la ration variant
avec la situation géographique et les ressources culturales des pays
considérés.
De plus, la question du remplacement de l’avoine dans
l’alimentation des chevaux a déjà été étudiée à plusieurs reprises pour des
raisons diverses et a donné lieu à des recherches et essais, faits sur une
vaste échelle, par des hommes de laboratoire et des praticiens, dont les
conclusions se sont trouvées concluantes pour en adopter la possibilité, grâce
à l’appoint de certaines denrées, appelées pour la circonstance « aliments
de remplacement ou de substitution ».
D’autre part, MM. Grandeau et Leclerc, un chimiste et
un vétérinaire, ont, sur le même sujet, écrit ce qui suit : « Le
cheval de trait, comme le bœuf et le mouton, peut avec profit, sous tous les
rapports, être alimenté à l’aide de mélanges plus ou moins complexes, dont la
composition variera d’après les prix des denrées offertes par le commerce. Le
maïs, la féverole, les divers tourteaux et d’autres aliments, concentrés (les
aliments mélassés tous spécialement), peuvent avec tout avantage être
substitués à l’avoine, proportionnellement à leur composition immédiate. »
Et en 1918, à la suite de la Grande Guerre, mais pour d’autres raisons ...
la disette d’avoine s’étant également fait sentir, le professeur de Zootechnie,
M. Dechambre, donnait aussi l’assurance que le cheval de travail pouvait
être nourri avec autre chose que de l’avoine pure et du foin sec. Et il
ajoutait : « On peut sans inconvénient, pour la santé des animaux et
leur rendement, et avec avantage au point de vue économique, remplacer la
ration en partie et même la totalité de l’avoine par d’autres aliments. Dès
l’instant où les animaux continuent à recevoir les principes nutritifs (azotés,
hydrocarbonés, gras et minéraux), dont ils ont besoin pour leur entretien et
leur production, il importe peu que ces principes soient tirés de l’avoine, du
maïs, du seigle, du tourteau, etc. ..., il suffit que les opérations
extractives de l’estomac et de l’intestin s’exercent sur des matériaux d’une
digestibilité convenable et d’une productivité suffisante ». Sous la
réserve, pourtant, devons-nous ajouter que la substitution d’un autre aliment à
l’avoine doit être faite avec précaution, très progressivement, et en tenant
compte que le poids et le volume de la nouvelle ration ainsi constituée seront
non moins actifs que les aliments individuels entrant dans sa composition.
Actuellement, la préoccupation des avantages économiques de
ce remplacement doit céder le pas à l’impérieuse obligation de travailler et de
produire à tout prix. Nécessité fait loi ; faute de n’avoir pas ce que
l’on désire, il faut s’ingénier à utiliser au mieux ce que l’on a, ou ce que
l’on peut se procurer dans les meilleures conditions. Fort heureusement, les
denrées alimentaires susceptibles de remplacer l’avoine dans la ration des
chevaux sont nombreuses et variées. Dans un prochain article, nous passerons en
revue celles qui peuvent être utilisées le plus couramment et le plus
pratiquement, en laissant à chacun des intéressés le soin de faire son choix en
connaissance de cause et au mieux de ses intérêts et de la santé de ses
animaux.
D’une communication faite à l’Académie d’agriculture par M. Dechambre,
nous extrayons les combinaisons d’aliments, ci-dessous indiquées, dont chacune
d’elles possède la même valeur alimentaire et énergétique que 1 kilogramme
d’avoine, mélangées à parties égales en poids :
1° Drèches desséchées, déchets de riz, son de blé, tourteau de lin ;
2° Son de blé, drèches desséchées, farine de tourteau d’arachide ;
3° Son de sorgho ou d’orge, drèches desséchées, farine de soja ;
4° Son de blé : 0kg,900 ; déchets de riz : 0kg,600 ;
5° Brisures de riz : 0kg,750 ; tourteau d’arachides :0kg,150 ;
6° Radicelles d’orge : 0kg,700 ; son : 0kg,400.
Nous savons bien que plusieurs de ces denrées sont
excessivement rares ou atteignent des prix excessifs, limitant d’autant leur
emploi, mais nous ne donnons ces formules qu’à titre d’indication, pour
permettre à chacun de les modifier, selon le but qu’il se propose et surtout
selon les ressources dont il dispose.
J.-H. BERNARD.
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