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La lutte contre le varron du bœuf

Un arrêté du 31 juillet paru au Journal officiel du 23 août a donné des précisions sur la date à laquelle, en application de l’article 3 de la loi du 22 février 1941, les détenteurs d’animaux de l’espèce bovine sont tenus de traiter ceux qui sont porteurs de lésions d’hypodermose ou varron.

Chaque année, l’évarronnage doit être réalisé avant une date qui est fixée dans chaque département par arrêté du préfet pris sur rapport du chef des services vétérinaires.

Passé la date fixée, tout détenteur d’animaux porteurs de lésions sera mis en demeure de procéder dans les dix jours au traitement desdits animaux. S’il ne s’est pas conformé à cette mise en demeure, le contrevenant verra le vétérinaire sanitaire procéder lui-même à cette opération, aux frais du défaillant, sans préjudice des poursuites qui peuvent être exercées pour infraction à la loi du 22 février 1941.

On s’explique d’autant mieux, dans les circonstances actuelles, le caractère obligatoire donné à cette lutte contre le varron, quand on connait toute l’importance des dégâts causés au cuir des bovins par cette larve, dégâts qui se chiffrent annuellement par des centaines de millions de francs (1).

La pénurie de cuir dont nous souffrons doit inciter tous les propriétaires de bovins à redoubler de soins et de vigilance pour combattre cette affection courante dans le cheptel français. C’est du reste leur intérêt constant : une vache varronnée mange moins, donne moins de lait, et, à l’abatage, elle laisse un cuir percé, dans la meilleure partie, le croupon, d’une multitude de trous qui lui ôtent beaucoup de sa valeur.

Comment le varron arrive-t-il dans la peau du bœuf ? Par un trajet assez curieux : en juillet, une mouche, l’hypoderme du bœuf, dépose sur les pattes du ruminant une larve d’un millimètre, enfermée dans un œuf. Au printemps suivant, cette larve est devenue un gros ver, enfermé dans une tumeur, sur la croupe de l’animal. On est assez mal renseigné sur ses pérégrinations. On suppose cependant que le bœuf, en se léchant, introduit la larve dans son tube digestif, où elle hiverne dans la sous-muqueuse œsophagienne et que, de là, le varron se fraye un passage à travers les tissus jusqu’à la région du croupon où il se fixe. En juin cependant, la larve tombe sur le sol et se transforme en pupe à coque, d’où sortira, trois semaines plus tard, une mouche qui continuera le cycle de ses dégâts.

Un certain nombre de méthodes de destruction du varron ont été préconisées, avec des fortunes diverses ; la plus couramment employée est celle qui consiste à extraire la larve par pression des doigts sur la boursouflure qu’elle provoque et à la détruire aussitôt.

Voici, cependant, un procédé nouveau, remarquable tout à la fois par sa simplicité et par les résultats obtenus :

La Leder Industrie Zeitung de Vienne a publié dernièrement le résultat d’expériences de M. Albin Hambrusch relatives à la destruction des larves de varron. Sa méthode a été expérimentée dans une région du Tyrol particulièrement éprouvée :

« Après des applications répétées et énergiques au moyen d’un chiffon imbibé d’une dissolution de sel, les boursouflures traitées ont été arrêtées dans leur développement, et, quelque temps après, il n’en restait aucune trace. Il semble que les larves de varron ont été arrêtées dans leur développement ou détruites et résorbées ensuite par l’organisme de l’animal. Les expériences ont donné un résultat de cent pour cent, et il est surprenant qu’un procédé aussi simple et aussi peu coûteux ne soit pas encore appliqué partout. »

Une autre revue a publié également le résultat de l’application de cette méthode par des cultivateurs de la Haute-Styrie :

« L’essentiel, disent ceux-ci, est de détruire la larve dès le début de sa formation. Au début de janvier, quand les premiers boursouflements se produisent sur le dos des animaux, faire bouillir de l’eau dans un vase à moitié rempli ; y ajouter une quantité équivalente de sel. Quand le mélange est devenu tiède, frotter le dos des animaux avec un chiffon ou un bouchon de paille, imbibé de la solution. Les poils d’hiver disparaissent, mais, avec eux, les germes et les petites larves de varron existant sous la peau des animaux. »

Il nous a paru intéressant de vulgariser une méthode aussi simple et aussi efficace de destruction.

Rappelons, en guise de conclusion, les magnifiques résultats obtenus au Danemark, à la suite d’une campagne méthodique d’évarronnage :

En 1922, quand l’évarronnage fut déclaré obligatoire, 34 p. 100 du cheptel bovin danois était varronné. Un an après ce pourcentage tombait à 18 p. 100 ; deux ans après, à 5 p. 100. En 1926 enfin, la destruction des varrons pouvait être considérée comme totale. De tels résultats se passent de commentaires.

L.

(1) Des 2.500.000 cuirs vendus annuellement, représentant une valeur de 1.200 millions de francs, un tiers environ subit une perte moyenne de 5 p. 100, soit 20 millions de francs et deux tiers subissent une perte de 15 p. 100, soit 120 millions de francs ; au total, pour la matière brute seulement, la perte serait de l’ordre de 140 millions de francs.

Si l’on tient compte de la dépense inutile que subit la tannerie sur un cuir inutilisable, de la diminution de la qualité de la viande de la bête abattue, de la diminution de la production laitière, il n’est pas exagéré de chiffrer a 300 ou 400 millions la perte que subit l’économie nationale française, chaque année, du fait du varron.

Le Chasseur Français N°605 Janvier 1942 Page 39