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Au rucher

La partition en zinc perforé.

La partition en zinc perforé a de nombreuses applications en apiculture. Les apiculteurs anglais et américains la désignent d’un seul mot, excluder, qu’on pourrait traduire en français par « isolateur », parce qu’elle est destinée à isoler la reine, à l’exclure des parties de la ruche que veut lui interdire l’apiculteur.

Dans les opérations où la reine doit être confinée dans le nid à couvain, cette partition ajourée, laissant passer les ouvrières et non la reine, peut rendre de grands services.

C’est donc une excellente invention, due à un apiculteur français, l’abbé Collin, très appréciée en particulier de ceux qui se livrent à des expériences ou à des pratiques apicoles qui sortent du commun, comme l’élevage des reines, etc. ...

Mais, dans la conduite ordinaire du rucher, quels avantages offre cette partition !

La réponse à cette question serait longue, si nous voulions l’envisager sous tous ses aspects. Nous nous contenterons d’exposer le pour et le contre d’après les rapports de bons praticiens qui ont fait usage de l’excluder.

Le principal avantage du zinc perforé dans la conduite ordinaire du rucher est de cantonner la reine dans la chambre à couvain et de lui interdire l’accès des hausses ou sections destinées à l’emmagasinement de la récolte.

En dehors de là, la grille à reine, nous l’avons dit, peut avoir beaucoup d’emplois que nous n’essaierons pas d’énumérer, notre but étant uniquement de considérer les avantages et les inconvénients qu’elle peut présenter dans les ruchers traités en vue de la production du miel extrait ou en rayon.

La récolte du miel se fait généralement dans des hausses ou compartiments distincts du nid à couvain, réservé à la ponte de la reine et à l’approvisionnement de la ruche en miel et en pollen.

Mais il arrive que la reine, soit qu’elle manque d’espace dans le corps de ruche pour sa ponte, soit qu’elle soit attirée dans la hausse par la température plus chaude ou par des rayons à grandes cellules, y étend sa ponte, occupant ainsi, par des œufs et du couvain, des rayons destinés à recevoir le miel.

Et quand l’apiculteur vient procéder à la récolte, il a la désagréable surprise de trouver du couvain dans ses magasins à miel. Et s’il veut enlever ses hausses en bloc, sans avoir examiné chaque rayon, il court le risque d’emporter du couvain et parfois même la reine, ce qui nous est arrivé un jour où, pressé par le temps, nous faisions en toute hâte le prélèvement des hausses.

D’autre part, si on use de chasse-abeilles pour faire évacuer les hausses, on constate que l’évacuation n’a pas lieu, les abeilles étant retenues par la reine et le couvain.

Pour obvier à ces inconvénients, on place entre la chambre à couvain et la hausse une séparation en zinc perforé qui permet aux ouvrières de circuler, mais retient la mère dans le corps de la ruche.

Le procédé est ingénieux, mais il a ses inconvénients.

D’abord, c’est une complication et une dépense. Or, en apiculture, comme en toute industrie, on doit viser à l’économie et à la simplification des méthodes, lorsque les résultats ne compensent pas largement les frais et le travail.

De plus, on a fait remarquer, avec raison, que cette partition constitue un obstacle qui entrave plus ou moins l’activité des ouvrières.

En outre, cet écran métallique, dont les perforations, ont des arêtes plus ou moins rudes, use à la longue les ailes des abeilles. Il est vrai qu’il existe aussi dans le même genre des grilles en fil de fer et même en bois qui sont plus douces, mais les grilles en tôle ou en zinc sont les plus répandues.

On peut donc dire que, si les ouvrières de la ruche acceptent l’obstacle qu’on leur impose, elles ne l’acceptent qu’à contre cœur et qu’elles regardent plutôt l’excluder comme un instrument de torture.

Elles le considèrent aussi comme une sorte de fermeture de la ruche, et la preuve, c’est que, si on met par-dessus cette séparation un corps de ruche muni d’un trou de vol et contenant des œufs ou de jeunes larves, elles y feront un élevage de reines, considérant cette ruche comme une colonie séparée.

Lorsqu’on produit du miel en rayon, dans des casiers à petites sections, l’excluder peut avoir son utilité, pour empêcher la reine de monter pondre dans les sections, chose qui n’arrive que rarement ; mais, dans la production du miel à extraire, s’il y a du couvain dans quelques hausses, ce n’est pas un grand mal. D’ailleurs, sans faire usage du zinc perforé, on évite ordinairement que la reine porte sa ponte dans la hausse en y supprimant les rayons de bourdons et surtout en veillant à ce que le nid de couvain ne soit pas encombré au point de ne plus offrir d’espace à la reine pour sa ponte.

Puisque nous parlons de l’encombrement du nid à couvain, faisons remarquer que le zinc perforé en est souvent la cause. Nous avons dit qu’il constituait un obstacle à l’activité des abeilles. De fait, celles-ci, en présence de cette partition, sont moins portées à entreposer leurs apports dans la hausse, alors elles remplissent de miel le nid à couvain, qui s’en trouve congestionné. Le résultat est que, la reine n’ayant plus d’espace pour sa ponte, la colonie se prépare à essaimer. Ainsi, pour avoir voulu éviter un peu de couvain dans la hausse, l’apiculteur a, sans s’en douter, provoqué un essaimage qui compromettra sa récolte. C’est là un inconvénient de l’isolateur auquel on ne pense pas assez.

Certains lui ont aussi reproché de diminuer la production. Ce reproche paraît exagéré. La vérité est qu’il porte les abeilles à entreposer le miel dans le corps de ruche, et l’apiculteur qui ne récolte que les hausses, ne les trouvant pas aussi pleines que celles des ruches qui n’ont pas eu de zinc perforé, s’imagine que celui-ci a été cause d’une diminution dans la récolte, mais, si l’on tient compte que le nid à couvain est amplement approvisionné, on conclura que la récolte a été la même dans l’un et l’autre cas, s’il n’y a pas eu essaimage.

Il faut dire, pour être juste, que certaines ruches, moins spacieuses, nécessitent davantage l’emploi de la grille à reine, autrement le nid à couvain, c’est-à-dire le compartiment formant le corps de ruche proprement dit, se trouvant vite trop étroit pour que la reine donne libre cours à sa ponte, celle-ci montera vite dans le compartiment servant de hausse, s’il n’y a pas de partition entre les deux. C’est souvent le cas dans la ruche Langstroth, lorsque le nid à couvain n’est composé que d’une section.

Pour terminer, disons que la divergence d’appréciation qu’on rencontre dans nos revues apicoles au sujet du zinc perforé semble venir de la diversité des ruches, des méthodes et des miellées, d’où nous concluons que c’est à chaque apiculteur de faire l’expérience de cet engin et de peser le pour et le contre avant de l’adopter définitivement ou de le proscrire.

P. PRIEUR.

Le Chasseur Français N°605 Janvier 1942 Page 44