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Nouvelles dispositions limitant le divorce

Au cours de ces dernières années, une campagne avait été menée en vue d’inciter les Pouvoirs publics à abroger l’institution du divorce, auquel on reprochait de trop faciliter la destruction des ménages.

Le Gouvernement n’a pas adopté une mesure aussi radicale, mais il a cependant promulgué une loi qui aura sans doute pour conséquence de freiner le divorce.

Les dispositions contenues dans cette loi peuvent se classer sous quatre rubriques :

    I. Sévérité plus grande pour l’admission par les tribunaux des causes de divorce.

    II. Augmentation de la durée des délais de procédure pour l’obtention du divorce.

    III. Condamnation de l’époux responsable de la dissolution du mariage à des dommages-intérêts.

    IV. Interdiction d’offres de services et d’autres interventions par tous moyens pour provoquer, soutenir ou hâter toutes procédures en vue d’obtenir le divorce.

Cette loi, qui est celle du 2 avril 1941, contient aussi quelques dispositions qui ont pour but de restreindre les demandes en séparation de corps, mais il n’en sera pas question pour le moment, en raison de la longueur de la présente étude.

I. La loi nouvelle admet, comme précédemment, trois causes de divorce. Pour les deux premières, elle n’apporte aucune modification à la législation antérieure, c’est seulement pour la troisième qu’elle s’est montrée plus sévère quant à son acceptation comme motif valable de dissolution du mariage.

    1° Le mari peut, en vertu de l’article 229 du Code civil, demander le divorce pour cause d’adultère de sa femme. De son côté et par application de l’article 230, la femme peut demander le divorce pour cause d’adultère de son mari.

    2° La condamnation de l’un des époux à une peine afflictive et infamante constitue pour l’autre époux, aux termes de l’article 231, une cause de divorce.

    3° Les excès, sévices ou injures de l’un des époux envers l’autre peuvent constituer, comme précédemment, un cas de divorce. Mais le nouvel article 232 exige, pour que le divorce puisse être prononcé, que ces faits constituent une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations résultant du mariage et rendant intolérable le maintien de la vie conjugale.

II. Les modifications apportées par la loi du 2 avril 1941 à la procédure suivie en matière de divorce ont aussi pour but de restreindre les demandes ou de décourager les demandeurs.

Tout d’abord, l’article 233, qui est une véritable innovation en la matière, dispose que « aucune demande en divorce ne sera reçue pendant un délai de trois ans à dater du jour de la célébration du mariage ».

Ainsi, les conjoints sont prévenus que, quoi qu’il arrive, ils auront à vivre matrimonialement pendant un délai minimum de trois ans avant de pouvoir entamer, s’il y a lieu, la procédure de divorce.

La procédure à suivre ensuite est la suivante. L’époux qui veut former une demande en divorce doit présenter en personne sa requête au Président du Tribunal civil.

Celui-ci, après avoir entendu le demandeur et lui avoir fait les observations qu’il croit convenables, ordonne en bas de la requête que les parties comparaissent devant lui à l’heure qu’il a indiquée et désigne un huissier pour notifier la citation.

Au jour indiqué, le juge entend les parties en personne. En cas de non-conciliation ou de défaut, il rend une ordonnance qui constate la non-conciliation ou le défaut et autorise le demandeur à assigner son conjoint devant le tribunal.

Toutefois, le juge, avant d’autoriser le demandeur à citer, peut, suivant les circonstances, ajourner les parties. Ce délai d’ajournement n’excédait pas en principe vingt jours, mais la nouvelle loi a porté la durée de ce délai à un an maximum ; en outre, il est susceptible de renouvellement pour une seule fois avec une durée d’un an au plus.

Ensuite, la cause est instruite en la forme ordinaire et débattue en Chambre de conseil, le ministère public entendu. Seul désormais le jugement est rendu en audience publique ; il n’y a plus de publicité des débats. De même, en appel, la cause n’est plus instruite comme affaire urgente et l’affaire est débattue en Chambre de conseil, seul le jugement étant rendu en audience publique.

Le nouvel article 246 du Code civil, remanié par la loi du 2 avril 1941 en question, prévoit aussi que, lorsque la demande en divorce a été formée pour adultère ou pour excès, sévices ou injures, le tribunal pourra, bien que cette demande lui paraisse bien établie, ne pas prononcer immédiatement le divorce, mais l’ajourner à un délai de deux ans maximum au lieu de six mois précédemment.

L’article 249, également modifié, dispose que « le jugement ou l’arrêt qui prononce le divorce n’est pas susceptible d’acquiescement, à moins qu’il n’ait été rendu sur conversion de séparation de corps à la demande de l’époux au profit duquel la séparation de corps a été présentée ».

La modification apportée à cet article par la loi du 2 avril 1941 consiste dans l’addition suivante à la fin de la phrase : « à la demande de l’époux au profit duquel la séparation de corps a été présentée ».

Pour bien saisir la portée de cette dernière rectification, il faut se rappeler que, acquiescer à une décision de justice, c’est renoncer à l’attaquer.

III. Un moyen de décourager les demandes en divorce, c’est de condamner à des dommages-intérêts celui des époux aux torts duquel le divorce sera prononcé. La loi nouvelle poursuit ce but.

D’après l’article 301 du Code civil, si les époux ne s’étaient fait aucun avantage ou si ceux stipulés ne paraissaient pas suffisants pour assurer la subsistance de l’époux qui a obtenu le divorce, le tribunal pourra lui accorder, sur les biens de l’autre époux, une pension alimentaire qui ne pourra excéder le tiers des revenus de cet autre époux. Cette pension sera révocable dans le cas où elle cesserait d’être nécessaire.

Mais la loi du 2 avril 1941 a ajouté à cet article un deuxième alinéa qui est ainsi conçu :

« Indépendamment de toutes autres réparations dues par l’époux contre lequel le divorce a été prononcé, les juges pourront allouer au conjoint qui a obtenu le divorce des dommages-intérêts pour le préjudice matériel ou moral à lui causé par la dissolution du mariage. »

II faut dire que ce nouveau texte n’est en somme que la consécration d’une nombreuse jurisprudence qui avait été déjà rendue en ce sens par divers tribunaux.

IV. Enfin la loi du 2 avril 1941 punit les agissements de tous ceux qui offriraient, par certains moyens qu’elle énumère, leur entremise pour entamer ou soutenir une procédure de divorce.

L’article 5 de cette loi dispose, en effet, que « sera punie d’un emprisonnement d’un à six mois et d’une amende de 100 à 10.000 francs toute personne convaincue d’avoir offert ou fait offrir ses services, soit par la voie de la presse ou par affichage, soit d’une façon habituelle, par lettres, circulaires, visites, toutes autres démarches ou tout moyen de publicité en vue de faire engager ou poursuivre une procédure de divorce ou de séparation de corps ».

Il semble logique de conclure qu’une stricte application de cette nouvelle réglementation doive amener une diminution du nombre des divorces.

CROUZATIER.

Le Chasseur Français N°605 Janvier 1942 Page 51