La guerre n’a pas interrompu les recherches scientifiques ou
techniques, et, en particulier, celles qui se rapportent à la
radio-électricité. Sans doute, dans la plupart des pays européens, est-on
obligé de considérer d’abord les applications militaires ; mais les
recherches entreprises dans des buts militaires servent souvent, par la suite,
au développement ultérieur de l’industrie dans des buts plus pacifiques. C’est
ainsi que les premiers appareils à lampes à vide, qui devaient donner naissance
aux récepteurs modernes, ont été créés pendant la guerre de 1914-1918.
Il ne faut pas s’attendre, à notre époque, à des
transformations aussi complètes de la technique, désormais déjà arrivée à un
stade de perfectionnement élevé ; les laboratoires de recherches ne
chôment pourtant pas, leurs travaux permettent d’améliorer constamment le
matériel utilisé et même d’étudier quelques procédés d’avenir.
Dans les pays encore neutres, les travaux de recherches ont
toujours pour but les progrès techniques et pratiques du matériel industriel
normal destiné à la réception ou à l’émission radiophonique, à la diffusion
sonore, ou même à la télévision.
C’est ainsi que les recherches entreprises aux États-Unis
portent toujours sur la qualité la meilleure de la réception et l’élimination
des perturbations parasites ; à ce point de vue, on peut noter deux
catégories d’études : celles qui sa rapportent aux procédés d’émission et
celles qui concernent les appareils de réception.
Pour l’émission, les Américains ont inauguré, depuis déjà
quelques mois, un réseau de postes émetteurs à modulation en fréquence. Il
s’agit là d’une nouvelle méthode d’émission radiophonique sur laquelle nous
aurons l’occasion de revenir et qui permettrait, d’après son principal
réalisateur, l’ingénieur Armstrong, de réduire l’influence des parasites, aussi
bien atmosphériques qu’industriels, et d’augmenter la qualité musicale de
l’audition.
Ces émissions à modulation en fréquence ne peuvent cependant
être effectuées sur la gamme ordinaire de longueurs d’onde généralement
utilisée en Europe, c’est-à-dire de 200 à 2.000 mètres ; il faut
employer des ondes courtes, ou même très courtes, de l’ordre d’une dizaine de
mètres de longueur. On peut ainsi obtenir les avantages indiqués par les
partisans de cette méthode, sans avoir à craindre les brouillages mutuels
produits entre eux par les différentes émissions de cette catégorie.
Ces ondes très courtes ont des propriétés toutes
spéciales, elles se propagent plus ou moins à la façon des ondes lumineuses,
c’est-à-dire qu’en principe les postes émetteurs et récepteurs peuvent être
dans une zone de visibilité directe, et, en tout cas, dans un rayon très
restreint autour de l’émetteur qui ne dépasse guère régulièrement quelques
dizaines de kilomètres.
Ces émissions sont donc essentiellement des émissions
locales destinées à des régions où la population est très dense, par exemple, à
des régions industrielles.
Ces émissions locales ont de très grandes qualités, puisque
leur audition est pure et musicale ; leur intérêt semble donc certain, du
moins d’après les récits qu’on nous en fait, et dont nous devons nous contenter
pour le moment.
Pour recevoir ces émissions particulières, il a fallu créer
évidemment des appareils de réception correspondants.
Les industriels américains ont établi également des
dispositifs adapteurs pouvant être combinés avec des récepteurs du type
ordinaire. L’auditeur américain peut donc avoir un appareil qui lui permette de
recevoir ces nouvelles émissions à modulation en fréquence provenant des stations
locales et les émissions ordinaires radiophoniques transmises par les stations
plus ou moins éloignées.
Le phénomène « d’évanouissement » est généralement
très gênant pour les auditeurs de T. S. F. On sait qu’il se produit pour
la réception des émissions sur ondes courtes et se manifeste par une variation
plus ou moins lente de l’intensité de réception. Celle-ci s’affaiblit
graduellement jusqu’à un minimum, puis augmente de nouveau progressivement
jusqu’à un maximum, et ainsi de suite, avec une cadence qui dépend de la
longueur d’onde, des conditions atmosphériques et astronomiques, et aussi du
dispositif émetteur.
Nous ne pouvons modifier les conditions atmosphériques de
propagation, mais on a déjà atténué, dans certains cas, ce phénomène gênant en
employant des antennes de formes particulières, permettant d’envoyer les ondes
radiophoniques non pas vers les hautes régions de l’atmosphère, mais dans la
direction de la terre, en réduisant l’importance de « l’onde
d’espace » et en augmentant celle « de surface » beaucoup plus
régulière suivant les techniciens.
On a également monté dans les appareils récepteurs des
dispositifs ayant pour but de s’opposer aux variations continuelles d’intensité
de réception, en maintenant cette intensité à une valeur moyenne aussi
constante que possible. On ne peut l’amplifier au delà d’un maximum, mais on
peut la réduire, au moment des maxima, et utiliser au maximum la sensibilité du
récepteur, au moment où la réception est la plus faible ; c’est ce qu’on
appelle le contrôle automatique de volume sonore.
On a cependant reconnu que ce phénomène ne se produisait pas
de la même manière, au même moment, en différents points où l’on peut placer
les récepteurs. De là, l’idée récente d’utiliser non pas une seule antenne,
mais plusieurs antennes distinctes, placées à une certaine distance les unes
des autres, disposées de façons différentes et reliées soit à différents
récepteurs, soit à différents étages d’un récepteur unique. On obtient, en tout
cas, à la sortie du dispositif, une réception unique, dont les variations sont
atténuées, grâce aux variations compensées, en quelque sorte, des différents
courants recueillis par les antennes séparées. Il s’agit là d’un dispositif
complexe de caractère plus ou moins professionnel, mais qui pourra être mis à
la disposition d’amateurs de T. S. F. tout au moins privilégiés.
Notons, encore, l’intérêt que continue à susciter le poste
batterie, toutefois presque complètement abandonné en France. Cet appareil
n’est plus celui des débuts de la T. S. F. ; il a pu être doté
de la majorité des perfectionnements autrefois réservés aux appareils secteur.
Les batteries d’alimentation ont été perfectionnées, la consommation réduite,
surtout en ce qui concerne la batterie de chauffage ; les frais d’entretien
sont ainsi plus minimes.
En 1941, les appareils à batterie sont donc en vogue aux
États-Unis, et spécialement les postes portatifs, ou, tout au moins,
transportables. Il existe une grande diversité de ces modèles ; les uns
sont très perfectionnés et relativement lourds, les autres sont vraiment
minuscules et de dimensions comparables à celles des appareils photographiques.
La plupart des appareils portatifs sont munis d’un cadre ; la réception
peut donc être obtenue sans aucune installation extérieure, sans antenne et
sans prise de terre, à l’aide de ce cadre intérieur, soit également au moyen
d’une antenne extérieure ; le cadre du poste sert alors de bobinage
d’accord.
Il s’agit d’un cadre de type spécial, en général, et blindé,
permettant surtout de réduire les perturbations parasites ; mais, malgré
ces perfectionnements, le poste à cadre et à batterie reste généralement un peu
moins sensible que le poste secteur et à antenne. Le cadre est déjà un capteur
d’ondes moins efficace que l’antenne, et les lampes batterie sont moins
sensibles que les lampes secteur, car il est impossible de leur appliquer une
tension plaque aussi élevée.
Mais le cadre n’est pas toujours uniquement disposé sur des
postes à batterie ; il a fait de nouveau son apparition sur des postes
secteur et permettrait alors d’avoir des avantages certains, en ce qui concerne
l’élimination de certaines perturbations parasites. On voit ainsi combien il
est regrettable de négliger complètement des solutions techniques que le
changement des conditions industrielles peut remettre un jour en honneur !
La télévision, dont on parle peu en Europe pour le moment,
continue à être étudiée outre-Atlantique. Les tubes de réception à vision
directe ont des dimensions de plus en plus grandes, et des modèles particuliers
à grande luminosité permettent la réception sur écran séparé dans de bonnes
conditions. La prise de vue est possible, même en plein jour, grâce aux
nouvelles caméras électroniques ; la finesse de la transmission est
également augmentée, sans pouvoir bien entendu encore rivaliser avec celle de
la projection cinématographique normale.
On s’attache surtout à établir des installations pratiques
et mobiles, et des réseaux de diffusion d’images pouvant être comparés aux
réseaux de diffusion radiophoniques.
Les émissions de télévision sont transmises au moyen d’ondes
très courtes, qui ne se propagent que dans un rayon restreint de l’ordre de
quelques dizaines de kilomètres ; pour transmettre à grande distance, on
est obligé d’utiliser des systèmes de stations-relais, qui commenceraient,
paraît-il, à être mises en service.
Bien que les transmissions d’images en blanc et noir
puissent encore être perfectionnées, les techniciens étudient, dès maintenant,
la transmission d’images en couleurs, et même en relief. Des progrès très
intéressants auraient été réalisés dans la transmission des images en couleurs.
Signalons, dans un ordre d’idées analogue, mais d’un intérêt
plus immédiat, du moins pour les Américains, la transmission des fac-similés et
de véritables petits journaux illustrés à domicile par l’intermédiaire des
émetteurs et des récepteurs radiophoniques.
Pendant les premières heures du jour et dans les intervalles
des émissions radiophoniques, les postes de diffusion transmettent des
émissions spéciales recueillies par les postes récepteurs ordinaires, auxquels
on adjoint seulement un dispositif récepteur spécial portant un rouleau de
papier de grande longueur, se déroulant automatiquement, et sur lequel vient
s’imprimer le petit journal illustré transmis par radiophonie. Cet appareil
récepteur est très simple, fonctionne automatiquement et son prix est modique
(du moins pour les Américains !).
Il est possible ainsi, grâce aux récepteurs radiophoniques,
d’avoir un document illustré tout prêt, sans être forcé d’écouter constamment
les émissions !
Les conditions actuelles nous obligent à nous priver pour un
temps plus ou moins long des avantages que nous avaient apportés les progrès
des sciences appliquées. Les archaïsmes qui en résultent nous auront servi à mieux
apprécier, lorsqu’ils seront revenus, les progrès des découvertes
modernes ! Ce retour provisoire en arrière, le manque de pièces détachées,
les difficultés économiques nous interdisent sans doute de songer pour le
moment à appliquer, chez nous, les nouveautés que nous venons de décrire ;
il n’en est pas moins intéressant de les connaître, car le devoir des
techniciens et des praticiens doit être toujours de songer à l’avenir et de
préparer les perfectionnements futurs.
A. RONGERE,
Ingénieur radio.
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