L’agrandissement photographique, qui se bornait autrefois à
inspirer un vif intérêt de curiosité, s’est affirmé comme un procédé de
pratique courante et d’usage indispensable, depuis que le format des appareils
a été réduit à la dimension d’un timbre-poste. Il n’a plus pour unique objet la
mise en valeur d’images normales pour leur permettre exceptionnellement de
participer à la décoration des habitations ou d’affronter l’examen à distance,
dans les expositions et les salons de photographie. L’agrandissement est devenu
partie intégrante du procédé photographique ; son achèvement n’a pas moins
d’importance que l’exécution du cliché lui-même, car c’est à lui qu’est dévolu,
en somme, le rôle de restituer au motif représenté sa perspective correcte pour
l’œil placé au point de vue, et à reconstituer, pour les objets qui le
composent, leurs dimensions relatives et l’espacement normal des plans qu’ils
occupent dans le sujet.
Il avait autrefois ses lois et ses prophètes — nous
voulons dire ses enseignements et ses initiés — plutôt rares que l’état
embryonnaire de leur science récente, et la pénurie des moyens dont ils
disposaient mettaient en face de difficultés réelles, qu’il serait puéril de
sous-estimer maintenant que l’évolution est faite.
Il en est tout autrement aujourd’hui : la facilité
d’emploi des modernes agrandisseurs est devenue telle qu’il est actuellement
plus simple et plus expéditif d’exécuter un agrandissement à une échelle donnée
que d’imprimer une épreuve directe au contact du cliché.
En quoi cela consiste-t-il, au surplus ? L’installation
étant réalisée moyennant une petite mise de fonds, consentie une fois pour
toutes, on règle la mise au point pour l’échelle adoptée, on expose, on
développe, on fixe, on lave, on vire au besoin, absolument comme on le ferait
pour une épreuve directe et par les mêmes moyens. Un choix abondant de papiers
variés comme sensibilité, comme gradation, comme qualité de la surface, permet
d’aborder tous les genres et de rechercher tous les effets.
En dehors de la discussion du temps d’exposition, qui
formerait à elle seule une ample leçon dont l’aridité rebuterait présentement
le débutant, et mises à part les instructions visant l’emploi de tels ou tels
dispositifs du commerce, il nous serait impossible, quelque désir que nous en
ayons, d’écrire un cours ou un précis d’agrandissement photographique, pour
autant qu’il s’agirait de productions courantes, et notre rôle, en pareille
occurrence, serait bien limité s’il n’existait un certain nombre de notions
« à côté » dont la connaissance est précieuse lorsqu’il s’agit
d’œuvres plus soignées, tableaux de concours ou d’exposition, sujets de genre
ou portraits plus étudiés, nécessitant une certaine recherche des voies et
moyens aptes à leur conférer le cachet de bon goût qui s’attache aux
productions artistiques. Pour en donner un court aperçu, il nous suffira de
mentionner les interventions visant l’obtention des dégradés, des fonds nuageux
ou vaporeux, des ciels rapportés, des suppressions d’accessoires gênants, d’intercalations
de détails empruntés à d’autres clichés, etc., autant d’applications qui ont
leurs règles et leurs techniques. Et ceci avant toute velléité de
retouche !
Il ne peut pas être question pour nous de passer en revue
toutes ces possibilités, mais nous parlerons de quelques-unes d’entre elles que
nous choisirons parmi les plus simples et les plus accessibles à tout amateur
dépourvu de préparation. Le nombre en sera encore assez important pour que nous
soyons probablement amené à leur consacrer plus d’un de nos entretiens.
L’examen attentif du négatif à agrandir révèle un certain
nombre d’imperfections relatives qu’il importe de supprimer ou de dissimuler.
En premier lieu, certains clichés gris et plats peuvent bénéficier d’une
intensification modérée ; par contre, il est plus fréquent de rencontrer
des clichés durs et heurtés, qu’il convient d’harmoniser par des méthodes
correctives telles que celles auxquelles nous avons fait allusion récemment.
L’usage des papiers « donnant doux » permet de remédier en grande
partie à ce défaut, que l’on peut atténuer par une légère surexposition, par
l’intercalation d’une trame légère ou d’un tissu diffusant pour amortir la
brutalité d’un effet de contraste trop violent. Certaines méthodes de
développement conduisent au même résultat : par exemple, l’emploi d’un
révélateur assez largement dilué réussit généralement. Mais on arriverait plus
sûrement au but poursuivi en adoptant le procédé de contrôle qui porte le nom
de procédé Sterry : dans sa plus grande simplicité, il consiste à passer
le feuillet de bromure exposé dans l’agrandisseur dans une solution au 1/1.000e
de bichromate de potasse ; il y demeure immergé pendant une durée de deux
à trois minutes, avant d’être porté dans le bain de développement, où l’image
se révèle lentement, harmonieuse et nuancée, avec ses gradations les plus
légères, pour autant, bien entendu, que toutes les opérations auront été
accomplies normalement.
Les procédés dont nous venons de parler visent les
modifications qui intéressent l’ensemble des images, et c’est le cas le plus
général ; mais il peut arriver cependant qu’une partie du sujet
appartenant à une région d’ombres épaisses n’ait pas suffisamment influencé la
couche sensible et demeure d’une transparence excessive. On est alors amené à
pratiquer une intensification partielle, soit par l’emploi d’un renforçateur
posé localement, sous forme de touches séparées par des affusions d’eau pure,
afin d’éviter la visibilité des lignes de démarcation, soit en recourant au
maquillage, qui consiste à recouvrir l’envers du cliché de teintes ou enduits
colorés propres à ralentir l’impression trop active de ces zones de
transparence extrême ; cela peut être une poudre colorée que l’on pose à
l’estompe, au crayon ou au pastel, une teinte légère de carmin dans l’eau
gommée, etc., ces diverses applications étant strictement limitées aux surfaces
qu’elles doivent intéresser.
Par réciprocité, on atténuerait par voie d’affaiblissement
chimique l’opacité exagérée prise par certains objets lumineux ou violemment
éclairés, dont l’image formerait une tache blanche du plus mauvais effet. On
profiterait de l’occasion pour combattre de la même manière les voiles
accidentels causés par des coups de jour, des infiltrations, etc.
Enfin, il conviendrait d’aborder la retouche sommaire du
cliché s’il présentait des traces d’égratignures, points transparents, etc.,
qui se traduiraient à la projection par des surcharges noires dont la
visibilité serait accrue en raison de l’amplification, et qu’il serait très
difficile de dissimuler en les attaquant au grattoir, tandis qu’il est toujours
assez facile d’en effacer les traces en recouvrant les taches blanches
correspondantes de teintes de lavis ou de crayon se confondant avec les parties
voisines.
Abordant le portrait, nous devons parler du vignettage, qui
consiste à dégrader progressivement les bords de l’image de telle façon qu’ils
arrivent à se perdre dans la marge blanche. On en a beaucoup usé dans le passé,
avec plus ou moins de bonheur. À la vérité, la technique du dégradé en
agrandissement n’est pas sans présenter beaucoup d’aléas ; pour tourner la
difficulté, les professionnels de l’agrandissement exécutent de toutes pièces
les fonds dégradés en leur donnant des valeurs étudiées pour faire ressortir,
par contraste ou par similitude, les visages qu’ils entreprennent de faire
valoir. Ces fonds artificiels se font à la sauce (poudre de crayon, de fusain,
etc.), au pinceau, au crayon, mais surtout à l’aérographe, qui donne des
facilités particulières pour fondre et harmoniser les teintes. Mais, pour cela,
il faut que le cliché de portrait ait été silhouetté au préalable, c’est-à-dire
qu’on ait obturé tout ce qui ne constitue pas essentiellement la tête et les
épaules (dans un buste) au moyen d’un enduit opaque ou inactinique étendu au
pinceau en suivant exactement les contours du modèle.
À peine avons-nous entamé cette petite étude des « à-côtés »
de l’agrandissement qu’il nous faut l’interrompre pour céder la place à des
délassements plus aimables ! Espérons qu’il nous sera donné d’y revenir.
Jacques BÉRYL.
|