Accueil  > Années 1942 à 1947  > N°605 Janvier 1942  > Page 61 Tous droits réservés

Photographie

Les « à-côtés » de l’agrandissement.

L’agrandissement photographique, qui se bornait autrefois à inspirer un vif intérêt de curiosité, s’est affirmé comme un procédé de pratique courante et d’usage indispensable, depuis que le format des appareils a été réduit à la dimension d’un timbre-poste. Il n’a plus pour unique objet la mise en valeur d’images normales pour leur permettre exceptionnellement de participer à la décoration des habitations ou d’affronter l’examen à distance, dans les expositions et les salons de photographie. L’agrandissement est devenu partie intégrante du procédé photographique ; son achèvement n’a pas moins d’importance que l’exécution du cliché lui-même, car c’est à lui qu’est dévolu, en somme, le rôle de restituer au motif représenté sa perspective correcte pour l’œil placé au point de vue, et à reconstituer, pour les objets qui le composent, leurs dimensions relatives et l’espacement normal des plans qu’ils occupent dans le sujet.

Il avait autrefois ses lois et ses prophètes — nous voulons dire ses enseignements et ses initiés — plutôt rares que l’état embryonnaire de leur science récente, et la pénurie des moyens dont ils disposaient mettaient en face de difficultés réelles, qu’il serait puéril de sous-estimer maintenant que l’évolution est faite.

Il en est tout autrement aujourd’hui : la facilité d’emploi des modernes agrandisseurs est devenue telle qu’il est actuellement plus simple et plus expéditif d’exécuter un agrandissement à une échelle donnée que d’imprimer une épreuve directe au contact du cliché.

En quoi cela consiste-t-il, au surplus ? L’installation étant réalisée moyennant une petite mise de fonds, consentie une fois pour toutes, on règle la mise au point pour l’échelle adoptée, on expose, on développe, on fixe, on lave, on vire au besoin, absolument comme on le ferait pour une épreuve directe et par les mêmes moyens. Un choix abondant de papiers variés comme sensibilité, comme gradation, comme qualité de la surface, permet d’aborder tous les genres et de rechercher tous les effets.

En dehors de la discussion du temps d’exposition, qui formerait à elle seule une ample leçon dont l’aridité rebuterait présentement le débutant, et mises à part les instructions visant l’emploi de tels ou tels dispositifs du commerce, il nous serait impossible, quelque désir que nous en ayons, d’écrire un cours ou un précis d’agrandissement photographique, pour autant qu’il s’agirait de productions courantes, et notre rôle, en pareille occurrence, serait bien limité s’il n’existait un certain nombre de notions « à côté » dont la connaissance est précieuse lorsqu’il s’agit d’œuvres plus soignées, tableaux de concours ou d’exposition, sujets de genre ou portraits plus étudiés, nécessitant une certaine recherche des voies et moyens aptes à leur conférer le cachet de bon goût qui s’attache aux productions artistiques. Pour en donner un court aperçu, il nous suffira de mentionner les interventions visant l’obtention des dégradés, des fonds nuageux ou vaporeux, des ciels rapportés, des suppressions d’accessoires gênants, d’intercalations de détails empruntés à d’autres clichés, etc., autant d’applications qui ont leurs règles et leurs techniques. Et ceci avant toute velléité de retouche !

Il ne peut pas être question pour nous de passer en revue toutes ces possibilités, mais nous parlerons de quelques-unes d’entre elles que nous choisirons parmi les plus simples et les plus accessibles à tout amateur dépourvu de préparation. Le nombre en sera encore assez important pour que nous soyons probablement amené à leur consacrer plus d’un de nos entretiens.

L’examen attentif du négatif à agrandir révèle un certain nombre d’imperfections relatives qu’il importe de supprimer ou de dissimuler. En premier lieu, certains clichés gris et plats peuvent bénéficier d’une intensification modérée ; par contre, il est plus fréquent de rencontrer des clichés durs et heurtés, qu’il convient d’harmoniser par des méthodes correctives telles que celles auxquelles nous avons fait allusion récemment. L’usage des papiers « donnant doux » permet de remédier en grande partie à ce défaut, que l’on peut atténuer par une légère surexposition, par l’intercalation d’une trame légère ou d’un tissu diffusant pour amortir la brutalité d’un effet de contraste trop violent. Certaines méthodes de développement conduisent au même résultat : par exemple, l’emploi d’un révélateur assez largement dilué réussit généralement. Mais on arriverait plus sûrement au but poursuivi en adoptant le procédé de contrôle qui porte le nom de procédé Sterry : dans sa plus grande simplicité, il consiste à passer le feuillet de bromure exposé dans l’agrandisseur dans une solution au 1/1.000e de bichromate de potasse ; il y demeure immergé pendant une durée de deux à trois minutes, avant d’être porté dans le bain de développement, où l’image se révèle lentement, harmonieuse et nuancée, avec ses gradations les plus légères, pour autant, bien entendu, que toutes les opérations auront été accomplies normalement.

Les procédés dont nous venons de parler visent les modifications qui intéressent l’ensemble des images, et c’est le cas le plus général ; mais il peut arriver cependant qu’une partie du sujet appartenant à une région d’ombres épaisses n’ait pas suffisamment influencé la couche sensible et demeure d’une transparence excessive. On est alors amené à pratiquer une intensification partielle, soit par l’emploi d’un renforçateur posé localement, sous forme de touches séparées par des affusions d’eau pure, afin d’éviter la visibilité des lignes de démarcation, soit en recourant au maquillage, qui consiste à recouvrir l’envers du cliché de teintes ou enduits colorés propres à ralentir l’impression trop active de ces zones de transparence extrême ; cela peut être une poudre colorée que l’on pose à l’estompe, au crayon ou au pastel, une teinte légère de carmin dans l’eau gommée, etc., ces diverses applications étant strictement limitées aux surfaces qu’elles doivent intéresser.

Par réciprocité, on atténuerait par voie d’affaiblissement chimique l’opacité exagérée prise par certains objets lumineux ou violemment éclairés, dont l’image formerait une tache blanche du plus mauvais effet. On profiterait de l’occasion pour combattre de la même manière les voiles accidentels causés par des coups de jour, des infiltrations, etc.

Enfin, il conviendrait d’aborder la retouche sommaire du cliché s’il présentait des traces d’égratignures, points transparents, etc., qui se traduiraient à la projection par des surcharges noires dont la visibilité serait accrue en raison de l’amplification, et qu’il serait très difficile de dissimuler en les attaquant au grattoir, tandis qu’il est toujours assez facile d’en effacer les traces en recouvrant les taches blanches correspondantes de teintes de lavis ou de crayon se confondant avec les parties voisines.

Abordant le portrait, nous devons parler du vignettage, qui consiste à dégrader progressivement les bords de l’image de telle façon qu’ils arrivent à se perdre dans la marge blanche. On en a beaucoup usé dans le passé, avec plus ou moins de bonheur. À la vérité, la technique du dégradé en agrandissement n’est pas sans présenter beaucoup d’aléas ; pour tourner la difficulté, les professionnels de l’agrandissement exécutent de toutes pièces les fonds dégradés en leur donnant des valeurs étudiées pour faire ressortir, par contraste ou par similitude, les visages qu’ils entreprennent de faire valoir. Ces fonds artificiels se font à la sauce (poudre de crayon, de fusain, etc.), au pinceau, au crayon, mais surtout à l’aérographe, qui donne des facilités particulières pour fondre et harmoniser les teintes. Mais, pour cela, il faut que le cliché de portrait ait été silhouetté au préalable, c’est-à-dire qu’on ait obturé tout ce qui ne constitue pas essentiellement la tête et les épaules (dans un buste) au moyen d’un enduit opaque ou inactinique étendu au pinceau en suivant exactement les contours du modèle.

À peine avons-nous entamé cette petite étude des « à-côtés » de l’agrandissement qu’il nous faut l’interrompre pour céder la place à des délassements plus aimables ! Espérons qu’il nous sera donné d’y revenir.

Jacques BÉRYL.

Le Chasseur Français N°605 Janvier 1942 Page 61