Appâts naturels.
Le ver.
— Nous avons rapidement parlé de la façon de pêcher à
la plombée, au moyen du matériel de lancer léger, le chevesne et les autres
cyprins et, à cette occasion, dit un mot de l’emploi du ver.
Mais il est aussi une autre façon, peut-être plus
intéressante, d’utiliser le ver de terre. Cet appât peut être assez grand pour
peser largement ses 3 ou 4 grammes et ainsi être lancé à bonne distance.
Ce que j’en dis, en ce moment, se rapporte d’ailleurs aussi
bien à la pêche de la truite et de la perche qu’à celle du chevesne et d’autres
cyprins. Il faut que le ver soit solide et élastique pour résister aux lancers
successifs. Pour cela, il doit avoir été récolté au moins quatre ou cinq jours
à l’avance et conservé à jeun dans une petite caisse de bois pleine d’un
mélange de mousse et de marc de café, maintenu à la cave, au frais et à l’obscurité.
Il ne faut y admettre que des vers absolument indemnes de toute blessure.
Sinon, certains mourraient et leur décomposition ferait périr les autres. Donc
pas de vers récoltés en bêchant le jardin !
On peut en trouver en soulevant les pots de fleurs, les
pierres, en secouant le sol avec un bâton profondément enfoncé, mais surtout en
explorant le jardin le soir, à la nuit close, après une averse. Avec une lampe
de poche, on voit les vers allongés sur le sol, aux quatre cinquièmes sortis de
leur trou. On pose le doigt sur l’extrémité qui est encore en terre, afin
d’interdire toute retraite et on tire doucement le reste. Si un ver a réussi à
rentrer et qu’on ne tienne que sa tête, inutile d’insister, on le briserait.
Et, si l’on en blesse un, il faut bien se garder de le joindre à la récolte.
Les vers ainsi recueillis peuvent rester vivants plusieurs
semaines et sont d’autant plus vifs, fermes et élastiques qu’ils jeûnent depuis
plus longtemps.
Si on pêche avec un grand ver en l’enfilant sur un gros
hameçon, il a une fâcheuse allure, est paralysé et de plus la partie qui pend
librement est si grande qu’on est forcé de laisser le poisson avaler longuement
l’appât avant de ferrer. Encore, deux fois sur trois, le poisson coupe-t-il le
ver au ras de l’hameçon et s’en va.
Bien préférable est l’emploi de la monture dite « de
Stewart » à trois petits hameçons no 8 10, 12 ou 14. Très
facile à faire soi-même en empilant trois petits hameçons à la suite l’un de
l’autre, à intervalle de 2 ou 3 centimètres. On ligature les deux du haut
contre l’empile avec du fil rouge et l’on vernit les ligatures, afin d’éviter
que l’hameçon ne s’écarte de l’empile. C’est tout. Pour escher, on passe
l’hameçon du haut entièrement à travers la tête du ver. On tourne le corps du
ver autour de l’empile. On traverse le milieu du corps avec le second hameçon.
On refait un ou deux tours (dans le même sens). On traverse le ver avec le
troisième hameçon et on laisse pendre 4 ou 5 centimètres de queue. Tout poisson
qui y touche peut être ferré immédiatement.
Le ver peut être employé tel quel, sans plomb, dans les eaux
peu profondes et à courant modéré, lent ou nul. S’il pèse plus de 2 grammes,
on peut le lancer. On peut aussi le lester d’un grain de plomb no°4
ou 2 placé tout près de sa tête, ce qui permet de le laisser piquer vers le
fond, le faire remonter, redescendre, etc., en une sorte de dandinette lente,
plus attractive pour les perches et mêmes les truites que les chevesnes.
Il y a lieu de relier la monture au gut du moulinet par un
petit émerillon à link. Car, monté en spirale ainsi que je vous l’ai indiqué,
le ver tourne quand on le ramène et produit alors l’effet d’un véritable appât
de « spinning » qui fait son effet non seulement vers les chevesnes,
perches et truites, mais même vers les brochets qui le prennent, je suppose,
pour une petite anguille.
Pour pratiquer le « spinning » au ver, si on veut
se spécialiser dans cette méthode, il existe d’ailleurs dans le commerce une
excellente monture à trois hameçons précédée d’une bille lourde munie d’une
hélice qui produit en tournant les vibrations attractives.
Mais, avec la monture simple, on peut se livrer à des
manœuvres très variées et assez compliquées, suivant les places que l’on
rencontre. Par exemple, lancer classiquement le ver en amont, le laisser
s’enfoncer et récupérer doucement de façon à ne pas accélérer sa descente. Le
laisser longuement tourner dans un remous. Lui faire border un buisson
surplombant, une souche, une roche.
L’envoyer en travers et un peu en aval, le laisser décrire
son arc de cercle jusqu’à ce qu’il parvienne en aval d’une roche, dans le
remous, où on le laisse descendre profondément.
L’envoyer dans un coin absolument calme, en se dissimulant
derrière le feuillage, et le laisser descendre au fond par son propre poids,
doucement, sans plomb. S’il n’est pas saisi pendant la descente, le laisser
tranquille sur le fond un long moment, se tortiller tant qu’il voudra. Il
suffit de surveiller le point où le gut s’enfonce dans l’eau. Si on voit un
déplacement quelconque, on ferre.
Enfin, quelle que soit la manœuvre qui a précédé, en
récupérant avant de relancer, le ver tourne et on fait bon gré mal gré le
« spinning », parfois productif.
L. K. (Kumslers) a inventé une cuiller dont la monture
d’hameçon est conçue pour recevoir plusieurs vers de terreau. Je vous le
signale en passant, car je lui ai dû bien des réussites tant pour la perche que
pour le chevesne.
Insectes.
— Il n’existe pas d’insecte assez lourd par lui-même
pour être lancé avec le tambour fixe, sans adjonction de plomb. Mais on peut
très bien avec la canne de 200 grammes lancer une sauterelle, un papillon,
un grillon alourdis d’un plomb double zéro pincé juste contre la tête. L’appât
que cette adjonction défigure le moins est le grillon. Il est même possible,
dans le cas du grillon, de remplacer la tête de l’insecte par une chevrotine
peinte en noir sans en modifier sensiblement l’aspect.
Dans un courant, ces appâts sont très bien saisis par le
chevesne et même la truite.
Le truc du bouchon dont je vous ai parlé à propos de mouches
artificielles permet d’envoyer assez loin un insecte et de le faire sautiller
en surface. Mais l’appât ne peut guère être à plus de 0m,60 du
bouchon et la présence de celui-ci met souvent en méfiance les gros chevesnes.
Ce sont plutôt les jeunes naïfs qui s’y laissent tromper.
Lignes flottantes.
— On peut très bien envoyer au loin avec le tambour
fixe une ligne flottante. Plume, plomb, hameçon et appât pèseront toujours plus
de 2 grammes, minimum. Mais attention, au contraire, à ne pas dépasser la
puissance de la canne ! Seulement, nos petites cannes à lancer de 2m,25
environ ne permettent pas l’emploi d’un très long bas de ligne. Un mètre est à
peu près le maximum. Cela va pour un coup à goujons en aval d’un banc de sable,
ou pour cueillir ça et là des perches au ver sur les berges peu inclinées, d’un
lac ou d’un étang. Mais, si vous voulez envoyer à 15 ou 20 mètres une
ligne flottante dans un fond de 3 mètres, par exemple, il faut avoir une
canne ordinaire de pêcheur au coup en roseau ligaturé, tiercée et bien
équilibrée, avec des anneaux et un porte-moulinet. Et, sur le moulinet, non pas
du gut, qui coulerait à fond et empêcherait tout ferrage précis, mais de la
soie fine légèrement paraffinée, qui flottera à condition que toute la bannière
soit en soie, celle-ci se continuant jusqu’à la pointe du flotteur. Dans ces
conditions et en employant un appât qui tient : ver de terreau, asticot,
blé, par exemple, vous piquerez très bien à distance des poissons à touche
franche comme le chevesne, le barbillon ou la carpe. Cela peut vous permettre
de réussir dans certains coins où le bon fond est loin et où vous n’avez pas de
bateau. Le grand problème est alors d’envoyer l’amorce aussi loin que la ligne.
Je connais un pêcheur qui envoie du blé à 20 mètres avec un lance-pierre à
caoutchouc !
A. ANDRIEUX.
(1) Voir Chasseur Français de septembre 1941 et suivants.
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