Accueil  > Années 1942 à 1947  > N°606 Février 1942  > Page 83 Tous droits réservés

Le lancer léger

Le chevesne (1).

Appâts naturels.

Le ver.

— Nous avons rapidement parlé de la façon de pêcher à la plombée, au moyen du matériel de lancer léger, le chevesne et les autres cyprins et, à cette occasion, dit un mot de l’emploi du ver.

Mais il est aussi une autre façon, peut-être plus intéressante, d’utiliser le ver de terre. Cet appât peut être assez grand pour peser largement ses 3 ou 4 grammes et ainsi être lancé à bonne distance.

Ce que j’en dis, en ce moment, se rapporte d’ailleurs aussi bien à la pêche de la truite et de la perche qu’à celle du chevesne et d’autres cyprins. Il faut que le ver soit solide et élastique pour résister aux lancers successifs. Pour cela, il doit avoir été récolté au moins quatre ou cinq jours à l’avance et conservé à jeun dans une petite caisse de bois pleine d’un mélange de mousse et de marc de café, maintenu à la cave, au frais et à l’obscurité. Il ne faut y admettre que des vers absolument indemnes de toute blessure. Sinon, certains mourraient et leur décomposition ferait périr les autres. Donc pas de vers récoltés en bêchant le jardin !

On peut en trouver en soulevant les pots de fleurs, les pierres, en secouant le sol avec un bâton profondément enfoncé, mais surtout en explorant le jardin le soir, à la nuit close, après une averse. Avec une lampe de poche, on voit les vers allongés sur le sol, aux quatre cinquièmes sortis de leur trou. On pose le doigt sur l’extrémité qui est encore en terre, afin d’interdire toute retraite et on tire doucement le reste. Si un ver a réussi à rentrer et qu’on ne tienne que sa tête, inutile d’insister, on le briserait. Et, si l’on en blesse un, il faut bien se garder de le joindre à la récolte.

Les vers ainsi recueillis peuvent rester vivants plusieurs semaines et sont d’autant plus vifs, fermes et élastiques qu’ils jeûnent depuis plus longtemps.

Si on pêche avec un grand ver en l’enfilant sur un gros hameçon, il a une fâcheuse allure, est paralysé et de plus la partie qui pend librement est si grande qu’on est forcé de laisser le poisson avaler longuement l’appât avant de ferrer. Encore, deux fois sur trois, le poisson coupe-t-il le ver au ras de l’hameçon et s’en va.

Bien préférable est l’emploi de la monture dite « de Stewart » à trois petits hameçons no 8 10, 12 ou 14. Très facile à faire soi-même en empilant trois petits hameçons à la suite l’un de l’autre, à intervalle de 2 ou 3 centimètres. On ligature les deux du haut contre l’empile avec du fil rouge et l’on vernit les ligatures, afin d’éviter que l’hameçon ne s’écarte de l’empile. C’est tout. Pour escher, on passe l’hameçon du haut entièrement à travers la tête du ver. On tourne le corps du ver autour de l’empile. On traverse le milieu du corps avec le second hameçon. On refait un ou deux tours (dans le même sens). On traverse le ver avec le troisième hameçon et on laisse pendre 4 ou 5 centimètres de queue. Tout poisson qui y touche peut être ferré immédiatement.

Le ver peut être employé tel quel, sans plomb, dans les eaux peu profondes et à courant modéré, lent ou nul. S’il pèse plus de 2 grammes, on peut le lancer. On peut aussi le lester d’un grain de plomb no°4 ou 2 placé tout près de sa tête, ce qui permet de le laisser piquer vers le fond, le faire remonter, redescendre, etc., en une sorte de dandinette lente, plus attractive pour les perches et mêmes les truites que les chevesnes.

Il y a lieu de relier la monture au gut du moulinet par un petit émerillon à link. Car, monté en spirale ainsi que je vous l’ai indiqué, le ver tourne quand on le ramène et produit alors l’effet d’un véritable appât de « spinning » qui fait son effet non seulement vers les chevesnes, perches et truites, mais même vers les brochets qui le prennent, je suppose, pour une petite anguille.

Pour pratiquer le « spinning » au ver, si on veut se spécialiser dans cette méthode, il existe d’ailleurs dans le commerce une excellente monture à trois hameçons précédée d’une bille lourde munie d’une hélice qui produit en tournant les vibrations attractives.

Mais, avec la monture simple, on peut se livrer à des manœuvres très variées et assez compliquées, suivant les places que l’on rencontre. Par exemple, lancer classiquement le ver en amont, le laisser s’enfoncer et récupérer doucement de façon à ne pas accélérer sa descente. Le laisser longuement tourner dans un remous. Lui faire border un buisson surplombant, une souche, une roche.

L’envoyer en travers et un peu en aval, le laisser décrire son arc de cercle jusqu’à ce qu’il parvienne en aval d’une roche, dans le remous, où on le laisse descendre profondément.

L’envoyer dans un coin absolument calme, en se dissimulant derrière le feuillage, et le laisser descendre au fond par son propre poids, doucement, sans plomb. S’il n’est pas saisi pendant la descente, le laisser tranquille sur le fond un long moment, se tortiller tant qu’il voudra. Il suffit de surveiller le point où le gut s’enfonce dans l’eau. Si on voit un déplacement quelconque, on ferre.

Enfin, quelle que soit la manœuvre qui a précédé, en récupérant avant de relancer, le ver tourne et on fait bon gré mal gré le « spinning », parfois productif.

L. K. (Kumslers) a inventé une cuiller dont la monture d’hameçon est conçue pour recevoir plusieurs vers de terreau. Je vous le signale en passant, car je lui ai dû bien des réussites tant pour la perche que pour le chevesne.

Insectes.

— Il n’existe pas d’insecte assez lourd par lui-même pour être lancé avec le tambour fixe, sans adjonction de plomb. Mais on peut très bien avec la canne de 200 grammes lancer une sauterelle, un papillon, un grillon alourdis d’un plomb double zéro pincé juste contre la tête. L’appât que cette adjonction défigure le moins est le grillon. Il est même possible, dans le cas du grillon, de remplacer la tête de l’insecte par une chevrotine peinte en noir sans en modifier sensiblement l’aspect.

Dans un courant, ces appâts sont très bien saisis par le chevesne et même la truite.

Le truc du bouchon dont je vous ai parlé à propos de mouches artificielles permet d’envoyer assez loin un insecte et de le faire sautiller en surface. Mais l’appât ne peut guère être à plus de 0m,60 du bouchon et la présence de celui-ci met souvent en méfiance les gros chevesnes.

Ce sont plutôt les jeunes naïfs qui s’y laissent tromper.

Lignes flottantes.

— On peut très bien envoyer au loin avec le tambour fixe une ligne flottante. Plume, plomb, hameçon et appât pèseront toujours plus de 2 grammes, minimum. Mais attention, au contraire, à ne pas dépasser la puissance de la canne ! Seulement, nos petites cannes à lancer de 2m,25 environ ne permettent pas l’emploi d’un très long bas de ligne. Un mètre est à peu près le maximum. Cela va pour un coup à goujons en aval d’un banc de sable, ou pour cueillir ça et là des perches au ver sur les berges peu inclinées, d’un lac ou d’un étang. Mais, si vous voulez envoyer à 15 ou 20 mètres une ligne flottante dans un fond de 3 mètres, par exemple, il faut avoir une canne ordinaire de pêcheur au coup en roseau ligaturé, tiercée et bien équilibrée, avec des anneaux et un porte-moulinet. Et, sur le moulinet, non pas du gut, qui coulerait à fond et empêcherait tout ferrage précis, mais de la soie fine légèrement paraffinée, qui flottera à condition que toute la bannière soit en soie, celle-ci se continuant jusqu’à la pointe du flotteur. Dans ces conditions et en employant un appât qui tient : ver de terreau, asticot, blé, par exemple, vous piquerez très bien à distance des poissons à touche franche comme le chevesne, le barbillon ou la carpe. Cela peut vous permettre de réussir dans certains coins où le bon fond est loin et où vous n’avez pas de bateau. Le grand problème est alors d’envoyer l’amorce aussi loin que la ligne. Je connais un pêcheur qui envoie du blé à 20 mètres avec un lance-pierre à caoutchouc !

A. ANDRIEUX.

(1) Voir Chasseur Français de septembre 1941 et suivants.

Le Chasseur Français N°606 Février 1942 Page 83