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Automobile

Le gazogène et sa réglementation.

La période actuelle que nous traversons, période transitoire entre la guerre et la paix, pose à la construction automobile de redoutables problèmes. La pénurie subite d’essence nous a valu la mise en vedette des carburants de remplacement des provenances les plus diverses. Nous avons, dans ces colonnes, examiné le gazogène au bois, charbon de bois, etc., la voiture électrique, la marche à l’acétylène, à l’alcool, au butane, méthane, ammoniaque, gaz de ville, etc.

Peut-être serait-il utile de faire le point de la question. Et, pour l’établir en connaissance de cause, il y aura lieu de se placer en regard de la difficulté actuelle à se procurer de la matière première pour la construction des appareils d’une part et de la rareté des combustibles d’autre part. C’est pour essayer d’aplanir tous ces obstacles et de mettre un peu d’ordre dans l’offre et la demande que le ministère de la Production industrielle est intervenu et a créé les licences de construction.

Il a poussé même plus loin ses investigations puisqu’il a exigé des constructeurs que ceux-ci présentent des types d’appareils répondant, au point de vue technique, à certaines conditions de fonctionnement et de construction stipulées dans un cahier des charges. C’est ce qu’il est convenu d’appeler l’homologation. Bien mieux, nul ne peut construire lesdits appareils, ceux-ci étant destinés à la revente, s’il n’est, au préalable, agréé à cet effet. Précisons cependant que tout usager qui construit lui-même son gazogène, ou qui le fait construire sous ses directives, est dispensé de l’homologation et, bien entendu, de l’agrément.

Et, maintenant, un peu d’histoire. C’est en septembre 1940 que les premiers décrets concernant le gazogène parurent. On fut d’accord pour la mise en chantier d’une première tranche de cinquante mille gazogènes. Il restait un stock assez important de tôle. Les appareils sortirent en série. On compta bientôt près de deux cents homologations, pour la zone occupée, concernant des gazogènes à bois, charbon de bois, houille maigre, semi-coke, coke, etc.

Le charbon de bois permettant l’utilisation de gazogènes simples, sans appareils épurateurs lourds, encombrants et coûteux, des départs faciles et rapides, idéal pour l’équipement de camionnettes légères et voitures touristes, ne tarda pas à prendre les devants sur ses concurrents. Bientôt le charbon de bois manqua. Dès mars 1941, il devint difficile à trouver et son prix ne cessa de s’accroître pour dépasser bientôt trois francs le kilo. Plus cher qu’un kilo de blé. De nouvelles restrictions furent alors apportées à la délivrance des licences au charbon de bois. Seul pouvait, dès cet instant, acquérir un tel gazogène l’usager qui était en mesure de produire lui-même son combustible et sous réserve que son activité intéresse la vie économique du pays.

On attendait beaucoup des fours à carboniser constitués par deux ou trois viroles en tôle. Il semble bien que ceux-ci ne soient pas à l’abri de sérieux reproches du côté facilité de conduite et surtout rendement. On gâche beaucoup de tôle précieuse, pas mal de bois et tous les sous-produits. Mais il fallait aller vite. Il semble que, maintenant, on s’oriente vers une solution plus rationnelle de la question si l’on se reporte aux derniers perfectionnements remarqués à la Foire de Paris. On peut dire que la récupération du goudron paie presque le prix du bois. Et, du goudron, on extrait, comme on le sait, les huiles de graissage, si précieuses aujourd’hui. Il semble que le régime de délivrance des licences se soit stabilisé au moment où nous écrivons ces lignes, et la logique a remédié aux errements du début. C’est ainsi qu’un nombre de licences mensuel est affecté suivant chaque département. Il est variable et plus ou moins élevé suivant les besoins et les ressources en combustibles de la région. Il est prévu des licences pour gazogènes à bois, charbon de bois et polycombustibles. Les propriétaires de voitures de tourisme peuvent obtenir une licence pour leur véhicule, sous réserve qu’ils prennent l’engagement de produire, par leurs propres moyens, leur combustible.

Quant aux véhicules utilitaires, ils ne peuvent espérer les faveurs des services des Ponts et Chaussées que si leur tonnage, en charge utile, est égal ou supérieur à 1t,800, dans le cas d’appareils fonctionnant au charbon de bois. Avec l’emploi du charbon minéral, la largesse des Pouvoirs publics permettra d’équiper des véhicules descendant jusqu’à 500 kilos de charge utile, c’est-à-dire pratiquement tous les véhicules, même une tourisme transformée en camionnette légère. Il n’y a aucune restriction pour les cars et les tracteurs.

Ainsi, rien de plus clair et de plus logique que les disponibilités locales en bois, charbon de bois ou combustibles servent de base pour fixer le nombre de licences. Espérons que nous ne verrons plus les usines à gaz de certaines grandes villes regorger de coke alors que des usagers des plus intéressants attendent vainement leur licence en polycombustibles.

À propos de combustibles, disons deux mots de la braise, retirée du four du boulanger et dont le prix varie autour de un franc le kilo. Cette braise constitue un excellent combustible pour les gazogènes, mais qui ne peut cependant être vendu comme tel, car il ne répond pas aux normes. Cette braise est donc meilleur marché que le charbon de bois et de plus très douce dans son emploi, c’est-à-dire qu’elle respecte plus longtemps les tuyères et les grilles si quelque faute du conducteur survient ; on ne saurait trop la recommander.

Enfin, avant de clore ce chapitre, signalons la dernière réglementation survenue dans la question des combustibles pour gazogène. Une loi en date du 18 juillet 1941 stipule que la distribution et le commerce des combustibles pour gazogènes ne pourra s’effectuer que par l’intermédiaire de personnes agréées par le secrétaire d’État à la Production industrielle. Toutefois, les producteurs préparateurs de charbon de bois en forêt produisant moins de quinze tonnes par mois pourront vendre directement sous certaines conditions.

Espérons que l’usager trouvera son compte dans une telle organisation.

G. AVANDO,

Ingénieur E. T. P.

Le Chasseur Français N°606 Février 1942 Page 90