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La patate

La culture de la patate constitue, en Espagne, une branche lucrative d’industrie agricole. Cette culture, à quelques soins insignifiants près, est praticable en Provence avec autant de succès qu’en Espagne. Dans l’Inde et en Amérique, la patate est regardée comme la reine des plantes alimentaires et il s’en fait une consommation prodigieuse. Dans ces pays, il est fort rare de rencontrer des personnes qui n’aiment pas les patates ; il est encore plus rare que celles qui ont une répulsion naturelle pour cette nourriture s’accoutument à l’aimer et que celles qui l’ont aimée une fois la dédaignent jamais ; enfin, certaines peuplades la considèrent comme providentielle et rendent en son honneur des actions de grâces quotidiennes au soleil. Des personnes dignes de foi qui ont parcouru les colonies ont confirmé ces données.

Pour arriver à l’appréciation des chances de progrès que présente la culture de la patate en France, nous jetterons un coup d’œil sur le rôle qu’elle joue en Espagne de nos jours. La culture de la patate en Espagne paraît y avoir atteint son apogée. Nulle part, cette plante alimentaire ne donne de produits plus riches en qualité et nulle part elle ne peut être cultivée plus communément et économiquement. La ville de Marseille tire annuellement d’Espagne pour sa consommation des milliers de kilogrammes de patates.

Malheureusement, dans toute l’étendue de la France, la culture de la patate reste toujours jardinière, parce que, par toute la France, l’éducation du plan exige une chaleur artificielle quelconque et certains soins qui sont du ressort de l’horticulteur et tout à fait étrangers au travail des champs.

La patate est une plante tuberculeuse de la famille des liserons, qui fournit un aliment agréable, sain et abondant, et qui peut être cultivée dans toutes les parties du monde. On en connaît plusieurs variétés, notamment la rouge, plus précoce, la jaune, plus farineuse et plus sucrée, et la blanche plus grosse. Les tiges rampantes se traînent parfois à deux ou trois mètres et peuvent prendre racines à tous les petits renflements qui se trouvent en opposition avec les pétioles des feuilles : il s’y forme ainsi de nouvelles racines, et c’est du collet de ces racines que partent les tubercules dont la récolte est l’objet de cette culture. En effet, les racines et les tubercules sont très distincts dans cette plante et ont des fonctions différentes.

Dans le Midi de la France, la culture de la patate exige peu de soins, elle y croît sans plus de façons que celles que l’on donne aux pommes de terre : on en augmente les produits par des sarclages et des buttages, mais, dans les provinces septentrionales, elle demande une culture particulière. On commence par les faire germer sur une couche chaude, puis on les coupe en morceaux, dont chacun est garni de plusieurs germes : ces morceaux sont ensuite plantés sur des buttes de terre riche et légère, formées au-dessus de trous remplis de fumier jusqu’au niveau du sol. Les racines pénètrent au sein du fumier et y trouvent une nourriture abondante. Les tubercules, au contraire, ne dépassent pas la limite du sable et y acquièrent de la grosseur.

Au lieu d’élever des mottes isolées, on peut creuser une tranchée de 30 centimètres de profondeur et de 1 mètre de large, la remplir de fumier, la couvrir ensuite de terre légère en forme d’ados à la hauteur de 30 centimètres et planter sur ces ados les fractures de racines garnies de leurs germes. On bine, on sarcle ; le moment de la récolte venu, on donne les tiges aux bestiaux et on arrache les tubercules pour les mettre en tas dans la maison. On ne peut les conserver hors de terre qu’en les préservant avec le plus grand soin des influences de la gelée et de l’humidité. Le point le plus essentiel pour faciliter la conservation des tubercules de la patate à l’état frais, c’est de l’arracher avant que les gelées blanches n’aient atteint les feuilles. Aussitôt les tubercules arrachés par un temps sec et bien ressuyés à l’air libre, sans leur laisser passer la nuit au contact de l’air, on les met dans de petits silos, recouverts d’une bonne épaisseur de litière, ou dans des caisses bien fermées et déposées en un lieu sec dont la température ne descend jamais au-dessous de 7° à 8°, avec très peu de variations. On les stratifie aussi par lits successifs, séparés entre eux par une couche de paille.

Au Jardin des Plantes de Paris, on conserve les patates dans de grands pots de terre cuite ; elles y sont recouvertes de sable lavé et très sec. Les pots sont placés dans des lieux secs dont la température se maintient entre 7° et 9°. Plusieurs cultivateurs, afin de conserver les tubercules réservés pour les plantations, les stratifient avec du sable lavé et bien séchés dans des jarres que l’on place dans le coin de l’âtre de la cheminée de la cuisine ; d’autres les disposent sur les tablettes d’une armoire fermée par une porte en tôle qui est adossés à une cheminée journellement chauffée.

Les patates, étant beaucoup plus sucrées que les pommes de terre, ne se prêtent pas aux nombreuses préparations, aux divers assaisonnements que la cuisine donne à celles-ci. Elles s’accommodent plus volontiers du beurre, de la sauce blanche ou de la crème que de la friture.

Patates au beurre.

— On cuit les patates dans l’eau, avec du sel, comme les pommes de terre bouillies, mais un peu moins de temps, parce qu’elles sont plus délicates et qu’elles se brisent facilement. On les pèle, on les coupe en tranches de la grandeur et de l’épaisseur d’une pièce de 2 francs. On les saute dans du beurre fin avec un peu de sel et on les sert brûlantes. Cuites à l’eau de sel de la même manière et coupées en tranches, elles peuvent être mises dans une sauce à la crème ou une sauce blanche.

Louis TESTART.

Le Chasseur Français N°606 Février 1942 Page 95