Accueil  > Années 1942 à 1947  > N°606 Février 1942  > Page 100 Tous droits réservés

La pomme de terre

Pratique du contrôle

Une véritable armée de contrôleur a parcouru, l’été dernier, les zones favorables du Massif Central et d’ailleurs pour rechercher les bonnes plantations de pommes de terre. Le but de ces fouilles approfondies était de découvrir des champs susceptibles de fournir des plants dits de multiplication.

Le métier de contrôleur n’est pas une sinécure, c’est au contraire un métier fort pénible car les investigations s’effectuent, le plus souvent, en pays montagneux plus ou moins accidenté. Il faut sans s’attarder aller d’un champ à un autre, apprécier et noter au fur et à mesure la valeur sanitaire des cultures visitées.

Dans notre précédent article, nous avons signalé rapidement les conditions de réussite du contrôle et montré les difficultés parfois grandes qui concernent l’appréciation. Il nous reste aujourd’hui à parler de l’instruction des contrôleurs et de la pratique du contrôle.

L’Instruction des contrôleurs.

— Contrairement à ce que pense le grand public agricole, on ne s’improvise pas contrôleur. Une certaine instruction, un apprentissage préalable sont nécessaires. Le plus beau champ de pommes de terre, j’entends celui qui a le feuillage le plus puissant, les plantes les plus élevées, n’est pas forcément recevable pour la semence. La puissance végétative, en effet, est fonction non seulement de la valeur des plants employés, mais d’autres facteurs, tels que l’abondance de la fumure, la profondeur du labour, les soins culturaux.

L’instruction des contrôleurs comprend surtout la reconnaissance sur place des variétés à examiner et l’étude des divers symptômes morbides de la pomme de terre.

La détermination des variétés est assez délicate, car plusieurs ont un feuillage et des tubercules qui se ressemblent. Il faut avoir vu en moyenne une centaine de champs pour pouvoir bien se reconnaître dans les variétés locales, pour avoir un aperçu de leurs caractères botaniques.

Par l’observation on se rend compte de la couleur plus ou moins foncée des feuilles, de la coloration des fleurs, de la forme des folioles et aussi de certains signes particuliers visibles sur les tiges. Au besoin, on déterre un ou plusieurs tubercules pour juger de leur forme, de la couleur de la peau et de la chair.

L’apprentissage des symptômes morbides s’effectue de deux façons, en étudiant la question dans des ouvrages techniques de pathologie et en examinant attentivement les plantes malades en voie de végétation. On apprend ainsi à reconnaître les caractères de l’enroulement vrai et ceux du faux enroulement, les facies des plantes à frisolée, les symptômes cardinaux de la jambe noire, du rhizoctone. L’étude des diverses sortes de taches est assez ardue ; elle est cependant indispensable, car les taches graves de mildiou au début doivent pouvoir être différenciées d’autres taches plus anodines déterminées par l’alternaria et la verticilliose.

Interrogatoire du cultivateur.

— Avant les visites, le public agricole est avisé par des affiches de la date des opérations de contrôle, ces affiches invitent les cultivateurs à se faire inscrire soit à la mairie, soit chez une personne désignée à cet effet. En sorte que le propriétaire du champ est presque toujours présent lors de l’examen de la culture. Il importe de profiter de cette présence pour interroger rapidement le propriétaire ; on lui demande notamment le nom de la variété, l’origine des plants employés, les soins culturaux, l’importance de la fumure utilisée, l’époque de la plantation, les modalités du coupage des plants.

Nous ne saurions trop le répéter : la récolte d’un champ issu de plants locaux, obtenus sur place, est d’habitude supérieure (à égalité de valeur sanitaire) à celle d’un champ issu de plants renouvelés ; avec la première, on est sûr de la descendance, on l’est moins avec la seconde. Il ne faut pas oublier non plus que la fumure intensive, notamment la fumure azotée, masque les symptômes des maladies de la dégénérescence, que le coupage abusif des plants conditionne souvent les vides dans les plantations.

Comptage des pieds dégénérés.

— Un contrôleur entraîné voit tout de suite si le champ est bon, passable ou mauvais, et cette première impression se base sur la régularité plus ou moins grande observée dans la hauteur des plantes. Un champ régulier en hauteur a beaucoup de chances d’être reçu. Une plantation où, en se baissant, on remarque des inégalités, c’est-à-dire des plantes hautes voisinant avec des plantes basses, n’est en général pas recevable.

Le comptage des pieds malades s’effectue dans la partie la plus maigre du champ, car les caractères pathologiques des plantes se voient bien mieux lorsque la végétation est faible.

Le contrôleur, se plaçant dans le sens d’une ligne, compte à l’aller 50 pieds en notant au fur et à mesure les pieds dégénérés, qu’il s’agisse de plantes chétives ou de plantes normales en hauteur, mais avec stigmates morbides. Au retour, il opère comme à l’aller, mais sur une autre ligne.

Supposons qu’à l’aller on enregistre 5 pieds dégénérés sur 50 et au retour 7 sur 50, le pourcentage des pieds sains s’établit à 88. On note sur le carnet le nom du propriétaire, l’étendue cultivée, le lieudit, le nom de la variété, le nombre de pieds atteints de dégénérescence. Deux visites à un mois d’intervalle sont généralement effectuées ; il est normal que, dans la dernière, le nombre de pieds dégénérés soit-supérieur, cela en raison de la contamination en période végétative. Seules les récoltes des champs offrant à la dernière visite moins de 12 p. 100 de pieds dégénérés sont admises pour la fourniture des plants de multiplication.

CL. PERRET.

Le Chasseur Français N°606 Février 1942 Page 100