Une véritable armée de contrôleur a parcouru, l’été dernier,
les zones favorables du Massif Central et d’ailleurs pour rechercher les bonnes
plantations de pommes de terre. Le but de ces fouilles approfondies était de
découvrir des champs susceptibles de fournir des plants dits de multiplication.
Le métier de contrôleur n’est pas une sinécure, c’est au
contraire un métier fort pénible car les investigations s’effectuent, le plus
souvent, en pays montagneux plus ou moins accidenté. Il faut sans s’attarder aller
d’un champ à un autre, apprécier et noter au fur et à mesure la valeur
sanitaire des cultures visitées.
Dans notre précédent article, nous avons signalé rapidement
les conditions de réussite du contrôle et montré les difficultés parfois
grandes qui concernent l’appréciation. Il nous reste aujourd’hui à parler de
l’instruction des contrôleurs et de la pratique du contrôle.
L’Instruction des contrôleurs.
— Contrairement à ce que pense le grand public
agricole, on ne s’improvise pas contrôleur. Une certaine instruction, un
apprentissage préalable sont nécessaires. Le plus beau champ de pommes de
terre, j’entends celui qui a le feuillage le plus puissant, les plantes les
plus élevées, n’est pas forcément recevable pour la semence. La puissance
végétative, en effet, est fonction non seulement de la valeur des plants
employés, mais d’autres facteurs, tels que l’abondance de la fumure, la
profondeur du labour, les soins culturaux.
L’instruction des contrôleurs comprend surtout la
reconnaissance sur place des variétés à examiner et l’étude des divers
symptômes morbides de la pomme de terre.
1° La détermination des variétés est assez délicate,
car plusieurs ont un feuillage et des tubercules qui se ressemblent. Il faut
avoir vu en moyenne une centaine de champs pour pouvoir bien se reconnaître
dans les variétés locales, pour avoir un aperçu de leurs caractères botaniques.
Par l’observation on se rend compte de la couleur plus ou
moins foncée des feuilles, de la coloration des fleurs, de la forme des
folioles et aussi de certains signes particuliers visibles sur les tiges. Au
besoin, on déterre un ou plusieurs tubercules pour juger de leur forme, de la
couleur de la peau et de la chair.
2° L’apprentissage des symptômes morbides s’effectue
de deux façons, en étudiant la question dans des ouvrages techniques de
pathologie et en examinant attentivement les plantes malades en voie de
végétation. On apprend ainsi à reconnaître les caractères de l’enroulement vrai
et ceux du faux enroulement, les facies des plantes à frisolée, les symptômes
cardinaux de la jambe noire, du rhizoctone. L’étude des diverses sortes de
taches est assez ardue ; elle est cependant indispensable, car les taches
graves de mildiou au début doivent pouvoir être différenciées d’autres taches plus
anodines déterminées par l’alternaria et la verticilliose.
Interrogatoire du cultivateur.
— Avant les visites, le public agricole est avisé par
des affiches de la date des opérations de contrôle, ces affiches invitent les
cultivateurs à se faire inscrire soit à la mairie, soit chez une personne
désignée à cet effet. En sorte que le propriétaire du champ est presque
toujours présent lors de l’examen de la culture. Il importe de profiter de
cette présence pour interroger rapidement le propriétaire ; on lui demande
notamment le nom de la variété, l’origine des plants employés, les soins
culturaux, l’importance de la fumure utilisée, l’époque de la plantation, les
modalités du coupage des plants.
Nous ne saurions trop le répéter : la récolte d’un
champ issu de plants locaux, obtenus sur place, est d’habitude supérieure (à
égalité de valeur sanitaire) à celle d’un champ issu de plants
renouvelés ; avec la première, on est sûr de la descendance, on l’est
moins avec la seconde. Il ne faut pas oublier non plus que la fumure intensive,
notamment la fumure azotée, masque les symptômes des maladies de la
dégénérescence, que le coupage abusif des plants conditionne souvent les vides
dans les plantations.
Comptage des pieds dégénérés.
— Un contrôleur entraîné voit tout de suite si le champ
est bon, passable ou mauvais, et cette première impression se base sur la
régularité plus ou moins grande observée dans la hauteur des plantes. Un champ
régulier en hauteur a beaucoup de chances d’être reçu. Une plantation où, en se
baissant, on remarque des inégalités, c’est-à-dire des plantes hautes voisinant
avec des plantes basses, n’est en général pas recevable.
Le comptage des pieds malades s’effectue dans la partie la
plus maigre du champ, car les caractères pathologiques des plantes se voient
bien mieux lorsque la végétation est faible.
Le contrôleur, se plaçant dans le sens d’une ligne, compte à
l’aller 50 pieds en notant au fur et à mesure les pieds dégénérés, qu’il
s’agisse de plantes chétives ou de plantes normales en hauteur, mais avec
stigmates morbides. Au retour, il opère comme à l’aller, mais sur une autre
ligne.
Supposons qu’à l’aller on enregistre 5 pieds dégénérés
sur 50 et au retour 7 sur 50, le pourcentage des pieds sains s’établit à 88. On
note sur le carnet le nom du propriétaire, l’étendue cultivée, le lieudit, le
nom de la variété, le nombre de pieds atteints de dégénérescence. Deux visites
à un mois d’intervalle sont généralement effectuées ; il est normal que,
dans la dernière, le nombre de pieds dégénérés soit-supérieur, cela en raison
de la contamination en période végétative. Seules les récoltes des champs
offrant à la dernière visite moins de 12 p. 100 de pieds dégénérés sont
admises pour la fourniture des plants de multiplication.
CL. PERRET.
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