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La mode de Paris

WORTH : Ensemble sport en lainage noir et lainage écossais noir et bleu clair. La jupe fourreau, légèrement en forme, s’ouvre par une fermeture éclair sur une culotte pour la bicyclette.

Lucile MANGUIN : Trotteur en lainage marron légèrement chiné, une grande écharpe écossaise marron, rouge, vert et blanc, barre la poitrine et se termine frangée, derrière la hanche gauche.

JEAN-PIERRE : L’un des grands coiffeurs parisiens a lancé cette coiffure : les cheveux sont massés sur la nuque en une grosse boucle lisse, retenue par une barrette, ou bien nattés et maintenus retroussés par deux fourches d’écaille.

C’est le tailleur et l’ensemble d’allure jeune et sportive qui va nous intéresser maintenant ; aux premiers beaux jours, nous laisserons le manteau d’hiver, et les trotteurs que nous portions sous les manteaux se montreront pimpants et dégagés dans toute leur charmante opposition d’uni et d’écossais, de teintes vives et teintes neutres. Étant donné la longueur des basques que nous avions adoptées cet hiver, celles du printemps seront certainement moins courtes que celles que nous portions les autres années. Sous la jaquette, nous n’hésiterons pas à arborer des blouses d’un ton tranchant sur les autres tons de l’ensemble, mais il faudra le choisir avec beaucoup de soins, éviter les heurts de mauvais goût, les oppositions trop criardes ; les bordeaux, grenats, corinthes sont jolis avec les bleus adoucis mêlés aux gris ; les rouges avec les noirs et toutes les grisailles qui en sont dérivées, les effets tricolores restent toujours plaisants ; les jaunes de diverses valeurs s’harmonisent avec tous les beiges, et les marrons avec les bleu marine, auxquelles peuvent s’ajouter toutes les nuances cuir et amadou ; le vert cru et le rouge vif peuvent donner à presque tous les tons la note vivante et printanière.

Toutes les combinaisons de capuchons et de capulets mobiles, seuls ou tenant à une sorte de gilet ou de plastron, sont à envisager pour le printemps qui nous réserve les giboulées de mars et autres intempéries ; prévoyez aussi des gants faits dans le tissu même de l’une des pièces de votre ensemble, cela fait très « mode » et c’est à la fois un détail charmant et peu coûteux.

Une grande couturière parisienne, Germaine Lecomte, a fait exécuter de vastes sacs combinés également avec l’un des tissus de ses tailleurs et un peu de cuir, juste ce qu’il en faut pour donner de la solidité à ces sacs : c’est aussi un joli détail à envisager maintenant que le cuir se fait rare.

Je vous signale, mes chères lectrices, dans les récentes collections, la grande vogue d’une couleur un peu abandonnée depuis quelques années et qui nous revient en triomphatrice, le violet ou plutôt le parme, un parme foncé, infiniment distingué.

En général, la jupe tailleur garde la ligne droite ou très légèrement en biais, sauf pourtant la jupe-culotte dont on use largement cette année pour la bicyclette ; celle-ci est composée de panneaux, de plis creux ou ronds, souvent en forme, qui, à la marche ou au repos, dissimulent parfaitement la culotte. Dans la très belle collection de Worth, la présentation de la jupe-culotte est exceptionnellement neuve : pour la marche, un fourreau est fermé devant dans toute sa hauteur par une mince fermeture éclair ne laissant même pas soupçonner la présence de la culotte qui est en dessous.

Il faut prévoir, dès maintenant, un manteau de demi-saison pour accompagner les tailleurs ; il sera de préférence trois quarts ou mi-long, taillé en biais ou en droit fil ; on le portera volontiers ouvert sur le tailleur, avec lequel il sera en parfaite harmonie, ce qui ne l’empêchera nullement d’être porté sur une autre petite robe ; la cape aux épaules nettes, se posant sous le col et les revers du tailleur, a aussi ses adeptes.

La redingote, toujours élégante et seyante, devant avoir un buste mince, bien ajusté, ne serait pas indiquée sur le tailleur ; on la portera de préférence sur les robes d’après-midi.

Avec le printemps, nous reverrons certainement de nombreuses jeunes femmes et jeunes filles sortir sans chapeau. C’est à dessein que je dis : jeunes femmes et jeunes filles, car cette mode ne convient qu’à celles dont le teint est clair, le visage pur, la chevelure vigoureuse et belle ; c’est une mode éprouvante pour les femmes moins jeunes, qui ont tout à gagner à porter un joli chapeau dont le bord ou la voilette ombragent ou idéalisent le visage.

En tout cas, la mode veut que les cheveux se portent plus nets, plus disciplinés que les années précédentes ; certains grands coiffeurs parisiens sont même d’enthousiastes partisans des cheveux courts et ceci parce que les femmes ont trop abusé des chevelures tombant en désordre sur le col du vêtement et que cette mode est devenue fort vulgaire ; beaucoup s’y sont pliées et nous avons eu de charmantes coiffures en « faune » ou en « casque » ou à « l’Aiglon ». D’autre part, certaines femmes ne voulurent pas sacrifier leurs cheveux mi-longs, tout en se résignant à les tordre, à les natter en catogan ; nous eûmes alors la coiffure à « la Dauphin », charmante et distinguée, de Fernand Aubry ; elle eut un gros succès. Puis la coiffure 1900, nécessaire sous les chapeaux minuscules très enlevés en arrière qui firent fureur ces dernières saisons, lui succéda ; sa vogue, d’ailleurs, n’est pas terminée. Mais la coiffure la plus neuve actuellement est celle croquée ci-contre : la grosse boucle roulée sur la nuque est maintenue par une barrette ou une fourche d’écaille ; elle peut être également remplacée par une natte repliée sur elle-même et fixée par une ou deux grosses épingles.

G.-P. DE ROUVILLE.

Le Chasseur Français N°606 Février 1942 Page 110