Dans toutes les villes où le gaz est distribué à domicile,
on a été obligé de réduire la consommation particulière dans des proportions
variables d’une ville à l’autre, mais toujours importantes. Cela se
conçoit : le gaz est un produit de distillation de la houille, or nous
manquons de houille, les usines à gaz tout comme les particuliers. Cependant,
nombreuses sont les familles urbaines qui n’ont pas d’autre moyen de cuire
leurs aliments : car ce n’est pas une solution que d’acheter un fourneau
si on n’a ni charbon ni bois pour le garnir ! Il faut donc se
restreindre ; on peut, cependant, par une série de moyens combinés,
arriver à diminuer sensiblement la consommation du gaz tout en continuant à
cuire normalement les aliments.
Il est d’abord nécessaire de savoir régler les brûleurs en
agissant sur la petite bague ou le volet qui règle l’admission d’air ; la
flamme doit présenter un petit cône bleu de 1 centimètre de hauteur
environ. Si votre flamme est blanche et noircit les casseroles, c’est que l’air
n’arrive pas en assez grande quantité ; vous perdez une partie du gaz qui
se dépose sous forme de noir de fumée au lieu de brûler complètement en
produisant gaz carbonique et chaleur. Tournez la bague ou le volet de façon que
votre flamme soit bleue, par une série de tâtonnements vous arriverez à bien
régler. Si, au contraire, votre gaz s’allume difficilement, si la flamme est
bleue, mais semble emportée au-dessus du brûleur par un fort courant d’air,
c’est que l’air arrive en trop grande quantité : tournez alors la bague ou
le volet en sens inverse.
Comme, dans certaines villes, la pression est différente aux
différentes heures de la journée, c’est presque constamment qu’il faut régler
le gaz : la ménagère ne doit pas hésiter, si elle ne sait pas s’en servir,
à se faire montrer une fois pour toutes par un spécialiste le maniement de la
bague ou du volet réglant l’arrivée de l’air ; à tout moment, elle sera,
dans la suite, capable de modifier l’arrivée de l’air dans le sens voulu.
N’accusez pas « la qualité » du gaz, ne dites pas qu’il est fabriqué
avec du mauvais charbon, etc. ... Le gaz est constamment identique à
lui-même ; c’est sa pression qui varie, faites varier l’arrivée d’air en
conséquence.
Tenez l’appareil très propre. S’il vous arrive de renverser
quelque chose sur vos brûleurs : lait, eau de cuisson des pâtes,
confitures, etc. ..., éteignez immédiatement le gaz, enlevez votre
brûleur, nettoyez-le, débouchez tous les trous avec une aiguille à bas ou une
grosse aiguille à repriser. De temps en temps, faites bouillir vos brûleurs
dans de l’eau additionnée de cristaux de soude ... si vous en avez, ou
simplement à l’eau pure.
Surveillez la disposition de vos grilles, une partie est
plate, une partie présente des saillies ; c’est la partie présentant des
saillies qui doit être en contact avec les récipients à chauffer ; sinon
la flamme est écrasée par le fond de l’ustensile, déborde, donne de la chaleur
extérieurement, chaleur perdue.
Prendre l’habitude de préparer à l’avance les récipients à
mettre sur le gaz, n’allumer les brûleurs qu’au dernier moment, alors que le
récipient est déjà posé sur la grille. Ne pas faire comme certaines ménagères
habituées à se servir d’un fourneau à charbon ou à bois qui commencent
d’allumer et qui, tandis que le gaz brûle sans profit, remplissent leur
casserole d’eau ou préparent leur poêle ! De même, fermer le robinet avant
même d’enlever le récipient. Ne pas, par exemple, laisser le gaz continuer à
brûler tandis qu’on égoutte des légumes, ou qu’on vide une casserole ! Si
on doit remettre le même récipient ou un autre sur le gaz, baisser le gaz
jusqu’à l’extrême limite, tourner le robinet quand on a remis un récipient.
Un réchaud à gaz comporte habituellement des brûleurs de
différents diamètres ; choisir le brûleur à allumer en rapport avec le
récipient à mettre sur le gaz. Ne pas allumer un grand brûleur pour faire
chauffer un récipient de petit diamètre : la flamme déborde alors, une
grande quantité de chaleur est perdue tout autour du récipient. Inversement, n’allumez
pas un petit brûleur pour un grand récipient ; celui-ci perd de la chaleur
constamment par rayonnement et par contact ; pour porter le contenu de
votre grand récipient à l’ébullition, vous serez obligé de laisser brûler le
gaz d’autant plus longtemps que le brûleur sera petit ; la perte de
chaleur sera d’autant plus grande que votre récipient restera plus longtemps
sur le feu.
Ne pas allumer en même temps les deux ronds d’un brûleur à
double couronne : le rond intérieur ne reçoit pas assez d’air lorsque le
rond extérieur brûle ; il y a du gaz perdu. Servez-vous de la grande
couronne pour porter un grand récipient à l’ébullition ; allumez la petite
couronne et fermez la grande pour maintenir l’ébullition pendant le temps
nécessaire à la cuisson.
Pour porter à l’ébullition, utilisez tout le gaz qui est à
votre disposition en ouvrant très grand le robinet ; dès que l’ébullition
est assurée, baissez le gaz en fermant en partie votre robinet ou en utilisant
la petite couronne. Sachez que, tant que dure l’ébullition, la température est
invariable, que l’ébullition se fasse à gros bouillons ou à petit feu, le
liquide se transforme en vapeur en absorbant une grande quantité de chaleur, il
se « réduit », comme on dit couramment, mais les lentilles ou le pot-au-feu
ne cuisent pas plus rapidement pour cela. Si certaines préparations culinaires,
les confitures par exemple, exigent cette « réduction » du liquide,
et il faut alors maintenir l’ébullition à gros bouillons, il n’en est pas de
même de la cuisson courante des aliments.
Si l’on veut de l’eau bouillante pour les soins du ménage,
fermer le brûleur dès que l’ébullition est atteinte et utiliser l’eau tout de
suite. La ménagère qui a fait chauffer de l’eau pour sa vaisselle, par exemple,
ne doit pas « finir » ce qu’elle fait ; dès que son eau est
chaude, elle doit tout abandonner pour laver sa vaisselle : si elle
attend, l’eau se refroidit, gaz perdu ; si elle maintient l’ébullition en
laissant le gaz allumé, gaz perdu encore, la température de l’eau bouillante
restant stationnaire.
Lorsqu’on utilise le four, et surtout si ce dernier n’est
pas calorifugé, ne pas oublier d’utiliser la chaleur qu’il transmet
extérieurement pour chauffer des récipients, pour maintenir des plats chauds ou
pour chauffer l’eau qui servira au lavage ou à la vaisselle.
Enfin, une ménagère peut arriver de la façon suivante à
faire cuire économiquement plusieurs mets à la fois : si elle est obligée
de mettre deux et même trois casseroles en même temps sur le feu, sa
consommation de gaz est considérable et risque d’excéder les limites présentes.
Comment tourner la difficulté ? Qu’elle se procure des couvercles de
casseroles « récupérateurs » de chaleur, c’est-à-dire comportant au
centre un orifice d’assez grande dimension (7 à 15 centimètres de diamètre).
Si elle n’en trouve pas dans le commerce, il lui sera facile de percer ou de
faire percer un trou dans les couvercles métalliques du type ordinaire. Sur le
couvercle de la casserole ainsi percé, on pose un deuxième récipient, et sur
celui-ci, éventuellement, une troisième casserole : on récupère ainsi la
presque totalité de la chaleur fournie par le foyer. Si vous avez à faire une
soupe de légumes, exigeant soixante minutes d’ébullition, en plaçant sur la
marmite munie du couvercle percé la casserole contenant par exemple des petits
pois, ceux-ci, au bout de soixante minutes de cuisson « à rien ne
coûte », n’exigeront plus que quelques minutes d’ébullition directe ;
si vous posez sur la casserole contenant les petits pois un récipient avec un
demi-litre d’eau pour le café, vous constaterez de même que quelques minutes
suffiront, lorsque vous aurez sorti du feu votre bouillon de légumes, pour
porter l’eau à 100 degrés.
Un seul feu vous aura permis de préparer trois plats
différents !
Un peu de réflexion, de l’ingéniosité, et nous arriverons à
surmonter bien des difficultés.
A. PEYREFITTE.
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