Accueil  > Années 1942 à 1947  > N°606 Février 1942  > Page 116 Tous droits réservés

Des fenêtres et autres vues sur les propriétés voisines

Beaucoup de personnes ignorent qu’un propriétaire ne peut pratiquer des ouvertures (fenêtres, portes, etc.) dans un mur situé près de l’héritage voisin que sous réserve d’observer certaines prescriptions.

Le Code civil contient à ce sujet dans ses articles 675 à 680 une réglementation qui tend à permettre à tout propriétaire de n’exercer ce droit de percer des ouvertures dans un mur qu’à certaines conditions, de façon, à ne causer aucun préjudice, aucune gêne à son voisin.

Ces dispositions ont été établies en tenant compte des éléments suivants : nature des ouvertures à pratiquer, distance du mur dans lequel on veut les faire par rapport à la propriété voisine ; distinction entre un mur mitoyen et un mur non mitoyen.

Pour plus de clarté, on peut ramener à quatre cas les diverses situations dans lesquelles peut se trouver le propriétaire qui veut ainsi établir des ouvertures dans un mur.

1° Le mur est mitoyen.

— Lorsque le mur est situé sur la ligne séparative des deux propriétés et qu’il est mitoyen, aucun des deux propriétaires ne peut, sans le consentement de l’autre, établir une ouverture dans ce mur, de quelque manière que ce soit, même à verre dormant.

On entend par verre dormant un châssis de verre scellé dans le mur.

2° Le mur est en retrait de moins de 0m,60.

— Si le mur n’est pas mitoyen et qu’il se trouve soit sur la ligne séparative des deux propriétés, soit à une distance de cette ligne, ne dépassant pas 0m,60, le propriétaire a le droit d’y pratiquer seulement des jours, c’est-à-dire des ouvertures à fer maillé et à verre dormant.

Ces ouvertures, fermées par des vitrages, sont destinées à laisser pénétrer la lumière seulement à l’intérieur des maisons, mais non à permettre de regarder chez le voisin.

Aux termes de l’article 676 du Code civil, ces fenêtres doivent être garnies d’un treillis de fer dont les mailles auront au plus un décimètre d’ouverture et d’un châssis à verre dormant.

En outre, l’article 677 exige qu’elles soient établies au moins à 2m,60 au-dessus du plancher ou du sol de la pièce qu’on veut éclairer si c’est un rez-de-chaussée, et à 1m,90 minimum au-dessus du plancher pour les étages supérieurs.

3° Le mur est en retrait de plus de 0m,60 et de moins de 1m,90.

— Lorsque le mur dans lequel on veut avoir des ouvertures se trouve à plus de 0m,60 de la ligne séparative des deux propriétés, mais à moins de 1m,90, le propriétaire peut y pratiquer non seulement des jours de souffrance, comme il vient d’être dit, mais aussi des vues de côté ou obliques.

Les vues sont des ouvertures béantes ou munies de fenêtres, qui laissent pénétrer l’air et la lumière et permettent de regarder chez le voisin.

Les vues obliques ou de côté dont il s’agit ne permettent de voir chez le voisin qu’en se penchant au dehors et en tournant la tête.

4° Le mur est en retrait d’au moins 1m,90.

— Lorsque le mur est situé à une distance d’au moins 1m,90, on peut y faire toutes sortes d’ouvertures, c’est-à-dire non seulement des jours de souffrance, des vues par côté ou obliques, mais aussi des vues droites ou fenêtres d’aspect, des balcons ou autres semblables saillies, à condition toutefois que le balcon ou la saillie donnant vue chez le voisin soient situés à au moins 1m,90 de la ligne séparative des deux propriétés.

Les vues droites ou fenêtres d’aspect, et dont il est question dans ce quatrième cas, sont des ouvertures donnant une vue perpendiculaire, c’est-à-dire permettant de voir discrètement, sans avoir besoin de se pencher au dehors et de tourner la tête.

La distance entre le mur où est pratiquée la vue et la propriété voisine se calcule depuis le percement du mur où l’ouverture existe et, s’il y a des balcons ou autres semblables saillies depuis la ligne extérieure, jusqu’à la ligne de séparation des deux propriétés.

La réglementation qui vient d’être exposée s’applique à tous les héritages urbains ou ruraux, aux propriétés closes ou non closes.

Cependant, elle ne saurait viser les propriétés séparées par une voie publique ayant la longueur voulue suivant la catégorie des ouvertures qui donnent vue sur elle.

De même, ces dispositions ne concernent pas les fenêtres donnant sur un terrain commun avec indivision forcée, une cour par exemple ; elles ne s’appliquent pas davantage aux ouvertures d’accès, c’est-à-dire aux portes à panneaux pleins et sans vitrage parce qu’elles servent au passage et non à voir chez le voisin.

Une mention spéciale doit être faite pour les lucarnes des toits et des greniers, pour les soupiraux des caves ; ces ouvertures doivent, en principe, être tolérées, si, ne remplissant pas les conditions qui viennent d’être imposées, elles ne présentent aucun inconvénient pour le voisin.

Mais c’est là une exception : toutes les autres ouvertures autres que ces soupiraux et lucarnes, assujetties à la réglementation précitée et qui ne seraient pas établies conformément à ces dispositions, devraient, de ce seul fait, être supprimées à la demande du propriétaire voisin intéressé, sans que ce dernier ait à justifier d’un préjudice ou d’un inconvénient.

Toutefois, la réglementation qui vient d’être exposée ne s’applique pas non plus aux ouvertures pour lesquelles on a acquis la servitude de vue sur la propriété voisine, c’est-à-dire le droit d’avoir ces vues à une distance de ladite propriété inférieures à celles fixées par le Code civil.

Cette servitude peut résulter d’un titre, de la prescription ou de la destination du père de famille.

La servitude peut avoir son origine dans un titre, c’est-à-dire dans un acte juridique, tel que, par exemple, une convention entre les propriétaires des deux fonds : celui qui l’exerce et celui qui subit la servitude.

Elle peut résulter aussi de la prescription lorsque la servitude a été exercée pendant trente ans sans opposition de propriétaire du fonds servant alors qu’il en a eu connaissance.

La destination du père de famille est un aménagement des lieux constitutif de servitude entre deux fonds, créé alors qu’ils n’en faisaient qu’un, et qui aujourd’hui sont séparés, c’est-à-dire appartiennent à deux propriétaires différents sans que, dans l’acte de séparation, il n’ait pas été inclus de disposition contraire à cet acte de servitude.

En terminant, signalons le droit qu’on a de faire revivre la servitude de vue éteinte pendant un certain temps ; le maître de l’héritage qui, ayant une servitude de vue sur le fonds voisin, a supprimé cette vue, soit en abattant le mur dans lequel elle était percée, soit en obstruant cette ouverture, soit en édifiant sur son propre fonds tout ouvrage quelconque entraînant la cessation de cette vue, peut faire revivre cette servitude, soit en reconstruisant sur le même emplacement le mur dans lequel la vue était pratiquée, soit en rétablissant l’ouverture obstruée, soit en faisant disparaître l’ouvrage édifié par lui et qui s’opposait à cette vue : mais il faut, pour que cette servitude puisse revivre, que cette remise en état soit effectuée dans les trente ans à compter du jour où la servitude a cessé d’être exercés.

CROUZATIER.

Le Chasseur Français N°606 Février 1942 Page 116