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In memoriam

M. Étienne MIMARD

Président du Conseil d’Administration et Directeur Général
de la Manufacture Française d’Armes et Cycles de Saint-Étienne,
Directeur Général du Chasseur Français.

Le 14 juin 1944, nous avions la douleur de perdre subitement notre directeur général, M. Mimard. Bien qu’âgé de quatre-vingt-deux ans, M. Mimard avait conservé la plénitude de ses facultés, et c’est en pleine activité que la mort l’a surpris.

Avec M. Mimard a disparu l’une des personnalités les plus remarquables de notre époque d’immenses progrès industriels, mais il laisse derrière lui une œuvre vivante et féconde à laquelle sa mémoire demeurera indissolublement attachée.

M. Mimard était né à Sens, le 18 janvier 1862. Fils d’armurier, il décida, après de solides études générales, d’embrasser la profession paternelle. Pour se perfectionner, il vint à Saint-Étienne, où, en 1885, âgé seulement de vingt-trois ans, il fondait, en association avec M. Blachon, la fabrique d’armes qui devait devenir par la suite la Manufacture Française d’Armes et Cycles de Saint-Étienne, aujourd’hui célèbre dans le monde entier. Après le décès de son associé, en 1914, M. Mimard demeura seul à la tête de la manufacture, dont il conserva la direction effective jusqu’à son dernier jour.

D’esprit inventif, toujours orienté vers le progrès, d’une grande hardiesse de vues, d’une puissance de travail extraordinaire, M. Mimard, en soixante années de labeur acharné, sut faire, du petit atelier de ses débuts, l’immense établissement industriel et commercial que tout le monde connaît et qui occupe maintenant plusieurs milliers d’employés et ouvriers. Tous ceux qui, de passage à Saint-Étienne, ont visité la Manufacture Française d’Armes et Cycles ont été frappés d’admiration pour le génie créateur qui a présidé à sa conception.

En même temps qu’il créait son usine, M. Mimard eut l’idée, en 1885, d’un bulletin mensuel à bon marché s’adressant à tous les chasseurs. C’est ainsi que vint au monde notre Chasseur Français sous la forme d’un modeste journal de quatre pages.

Si Le Chasseur Français est devenu la magnifique revue que nos lecteurs apprécient, qui tire à près d’un demi-million d’exemplaires, dont la diffusion s’étendait avant guerre à 32 colonies françaises et à 87 pays étrangers, c’est à M. Mimard qu’en revient l’entier mérite.

Le Chasseur Français fut en effet toujours son enfant de prédilection. Il en assura personnellement la gérance jusqu’en 1919, et si, depuis, il se déchargea sur ses collaborateurs du soin de l’administration de la revue, il n’en continua pas moins jusqu’à son dernier jour à s’y intéresser de très près et à lui tracer ses directives essentielles.

Grand patriote, « résistant » dans toute la force du terme, M. Mimard n’a pas un seul instant, même aux heures les plus noires, douté de la victoire des Alliés et de l’avenir de la France. Il ne voulut jamais que ses usines, qui, en 1914-1918 et en 1939-1940, avaient apporté à la défense nationale le concours de leur puissance industrielle, travaillent à renforcer la machine de guerre de l’occupant, et il y parvint par un prodige de volonté et d’habileté.

Ses sentiments et son attitude lui valurent d’être arrêté par les Allemands en 1943, et il ne dut qu’à son grand âge d’éviter la déportation. On peut regretter que le destin ne lui ait pas accordé les quelques mois de vie supplémentaires qui lui auraient permis de voir, avec la libération de la patrie et l’écrasement de l’adversaire, la réalisation de ses plus chères espérances.

Les services rendus au pays avaient valu à M. Mimard d’être élevé à la dignité de Commandeur de la Légion d’honneur, le 7 mars 1930. Il était en outre Chevalier de l’Ordre de Léopold, Conseiller honoraire du Commerce extérieur, Conseiller de la Banque de France, Membre du Conseil supérieur de l’Enseignement technique.

À tous ceux qui l’ont approché, M. Mimard laisse un souvenir ineffaçable par l’intelligence et l’autorité qui rayonnaient de sa personne. Sa justesse de pensée, ses connaissances étendues, son souverain bon sens qui savait dégager immédiatement l’essentiel des situations les plus confuses prédestinaient cet homme à des tâches hors de la commune mesure. Il les a accomplies.

L’œuvre que M. Mimard a laissée derrière lui est construite pour durer. Le plus ardent désir de ce puissant animateur était qu’après sa mort tout ce qu’il avait créé continue de vivre et de prospérer comme s’il était encore présent. Ici, au Chasseur Français, nous nous y emploierons en nous inspirant constamment des magnifiques leçons que nous avons recueillies auprès de notre fondateur.

Ajoutons que M. Mimard a légué la majeure partie de ses biens à sa ville d’adoption, Saint-Étienne, à la prospérité de laquelle il a tant contribué.

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Nous rappelons également à la mémoire de nos lecteurs les noms de nos rédacteurs disparus depuis notre arrêt.

Louis Ternier.

— Depuis 1911, Louis Ternier donnait régulièrement au Chasseur Français sa chronique mensuelle et ses causeries sur le gibier. Son nom était familier à tous nos lecteurs, et sa parole faisait autorité dans les milieux cynégétiques et ornithologistes. Il avait édité un important ouvrage La Sauvagine et sa chasse, et, en collaboration avec M. Masse, Les canards sauvages et leurs congénères. L. Ternier écrivait aussi dans les principales revues cynégétiques françaises, mais son organe de prédilection demeurait Le Chasseur Français.

A. Andrieux.

— Tous les pêcheurs regretteront la disparition de A. Andrieux, qui avait su rendre si vivantes ses causeries sur la pêche au lancer ; notre collaborateur était également un excellent peintre animalier et un bon écrivain cynégétique ; il avait tenu à mettre à jour la fin de ses notes sur la pêche au lancer, et nous possédons l’ensemble de ses causeries, dont nous continuerons la publication.

J. Rioux.

— Bien que récemment venu à notre Revue, J. Rioux laissera le souvenir d’un fin conteur, à la plume délicate, dont les chroniques cynégétiques étaient très appréciées. Peu de temps avant sa disparition, J. Rioux nous avait adressé quelques pages que nous publierons.

L. Testart.

— Ancien élève de Grignon, ancien magistrat, ancien président du conseil de préfecture de l’Ardèche, L. Testart avait passé sa vie à la campagne et acquis une longue expérience dont il faisait profiter les lecteurs du Chasseur Français, écrivant d’abondance sur les sujets les plus variés, et surtout sur la sylviculture.

Jacques Béryl.

— Sous ce pseudonyme, M. Délié tenait avec beaucoup d’autorité, depuis 1912, notre rubrique photographique. Il était l’auteur de plusieurs traités de photographie et, durant de nombreuses années, il avait assumé la charge de rédacteur en chef de Photo-Revue.

O. Foucher.

— Entomologiste par goût, après une existence consacrée à l’enseignement, O. Foucher savait, à la façon de Fabre, examiner les insectes et les décrire d’une plume vivante et alerte. Nos lecteurs trouveront encore dans nos colonnes quelques causeries qu’il nous avait adressées peu avant sa disparition.

H. Pau.

— Professeur de viticulture, Henry Pau tenait, dans nos colonnes, avec beaucoup d’autorité, une rubrique consacrée aux traitements de la vigne et des vins. H. Pau, bien que père de deux enfants et amputé d’une jambe durant la guerre 1914-1918, fut un des premiers volontaires de la Résistance. Le 23 août 1944, au cours d’une liaison en moto pour le compte des F. F. I., il était tué par une colonne allemande. Nous saluons avec émotion la mémoire de notre collaborateur mort glorieusement au champ d’honneur.

Le Chasseur Français N°607 Avril 1946 Page 129