Si les effets de la guerre et de l’occupation allemande se
sont fait durement sentir relativement à la pratique de la chasse et à la
destruction du gibier, par contre, la législation en la matière n’a pas subi,
dans cette période, de changements importants. On ne relève, en effet, depuis
1939, qu’un seul texte législatif concernant la chasse ; la loi du 28 juin
1941, qu’a complétée sur quelques points celle du 27 décembre 1941. Ces
deux textes ont été laissés en vigueur par les ordonnances qui, depuis la
libération de la France, ont fait, dans la législation de Vichy, une vaste
épuration ; leur caractère purement technique, en effet, n’était pas de
nature à les rendre suspects, et il n’est pas à prévoir qu’ils subissent par la
suite d’importants remaniements.
Bien qu’intitulée « loi sur l’organisation de la
chasse », la loi du 28 juin 1941 n’apporte pas à la législation
antérieure de profondes modifications ; elle laisse subsister, sans grands
changements, la loi de mai 1844, qui reste ainsi le texte fondamental en la
matière.
L’objet essentiel de la loi du 28 juin 1941 est de
créer des organismes ayant pour attributions d’intervenir, soit pécuniairement,
soit par leur contrôle, dans toutes les mesures ayant pour objet la
conservation et la multiplication du gibier. Ces organismes sont, à la base,
les sociétés départementales de chasseurs ; à l’échelon au-dessus, les
conseils régionaux de la chasse ; et enfin, au sommet, le Conseil
Supérieur de la chasse.
Aux termes de l’article premier de la loi du 28 juin
1941, dans chaque département, il doit exister une société départementale des
chasseurs et il ne peut en exister qu’une seule ; les anciennes
fédérations des sociétés de chasse et les sections chasse des anciennes
fédérations des sociétés de chasse et de pêche ont été dissoutes et remplacées,
dans chaque département, par la société départementale des chasseurs, à
laquelle ont été dévolus les fonds détenus par les organismes dissous. Un
arrêté ministériel du 28 juin 1941 (Journal officiel du 9 août
1941) a arrêté les termes des statuts des sociétés départementales de
chasseurs. L’objet de ces sociétés est la répression du braconnage, la
protection et la reproduction du gibier. Les présidents de ces sociétés sont
nommés par le ministre de l’Agriculture pour trois ans et remplacés dans la
même forme.
Les Conseils régionaux de la chasse sont créés, dans chaque
région, par le ministre de l’Agriculture ; ils sont composés des
présidents des sociétés départementales existant dans la région et de
l’officier du service central de la chasse désigné pour contrôler ces sociétés
au point de vue technique et financier ; le conseil est présidé par le
conservateur des forêts résidant au siège. Les conseils régionaux donnent leur
avis sur toutes les questions ayant trait à l’organisation et à l’amélioration
de la chasse, ainsi que sur la réglementation de la chasse dans la région. Ils
font, sur ces divers points, des propositions qui sont transmises au Conseil
Supérieur de la chasse.
Le Conseil Supérieur de la chasse est composé de 14 membres
choisis par le ministre de l’Agriculture ; il doit comprendre notamment
trois officiers des forêts et sept personnalités appartenant aux milieux
cynégétiques, en outre des représentants des ministres de l’Intérieur, des
Finances et de la Justice ; avec le concours du Service central de la
chasse, il met au point les textes relatifs à la réglementation de la chasse à
soumettre au ministre de l’Agriculture ; il coordonne l’activité des
sociétés départementales de chasseurs.
Le Conseil Supérieur de la chasse est doté de la
personnalité civile et de l’autonomie financière. Il est soumis, de même que
les conseils-régionaux et que les sociétés départementales, à un contrôle
financier. Spécialement, le budget des sociétés départementales est soumis à
l’officier des forêts chargé du contrôle technique et financier, qui peut y
insérer les dépenses obligatoires occasionnées par l’entretien d’une ou
plusieurs brigades chargées de la police de la chasse ; l’officier des
forêts peut même être chargé de la gestion du budget de la société
départementale.
Pour intéressante que puisse être cette organisation de la
chasse, ce que nous venons d’exposer peut, à première vue, paraître sans grande
importance pour l’homme de la rue, c’est-à-dire pour l’amateur de la chasse
qui, chaque année, prend un permis et, pendant quelques semaines, va de temps
en temps faire un tour sur les terres où il a le droit de chasse pour y
chercher quelque gibier. Cependant, cet amateur ne peut ignorer l’existence des
organismes divers dont nous venons de parler, car il est obligatoirement
incorporé dans cette organisation par le jeu des articles 1 et 3 de la loi
du 28 juin 1941. Le premier de ces textes décide, en effet, que nul ne
peut obtenir la délivrance ou le renouvellement d’un permis de chasse s’il
n’est membre d’une société départementale de chasseurs, et le deuxième vient
assurer l’exécution de cette première disposition en ajoutant à l’article 5
de la loi du 3 mai 1844 la prescription suivante : à l’appui de toute
demande de permis doit être produit un récépissé établissant que le demandeur
s’est acquitté du montant de sa cotisation pour l’année courante en tant que
membre d’une société départementale. Cette cotisation (25 fr. par an) est
encaissée par la société départementale pour le compte du Conseil Supérieur de
la chasse, et la quittance de la cotisation, délivrée par la société
départementale, doit être annexée au permis de chasse. Sur les 25 francs
de la cotisation, le Conseil Supérieur reverse 20 francs à la société
départementale, qui est tenue d’en affecter les trois quarts (15 fr.) à
l’entretien d’une ou plusieurs brigades chargées de la police de la chasse.
Il résulte de ce qui précède que, pour pouvoir obtenir le
permis de chasse, il faut toujours avoir préalablement adhéré à une société
départementale de chasseurs et avoir payé la cotisation de 25 francs
imposée à tous les adhérents. La loi n’indique pas le département à la société
de chasse duquel on doit adhérer ; mais il est normal d’adhérer à la
société du département dans lequel on fait la demande de permis.
Il est à préciser que, par la création des sociétés
départementales, le législateur n’a pas entendu déroger aux règles
antérieurement admises au sujet des associations de chasseurs ; de telles
associations peuvent toujours se créer et fonctionner comme par le passé, avec
cette seule réserve qu’elles ne peuvent plus se grouper en fédérations
départementales comme autrefois, les sociétés départementales de chasseurs
étant désormais substituées aux fédérations de sociétés.
Pour être complets, signalons une dernière innovation de la
loi de 1941 : l’article 7 de cette loi fait passer au ministre de
l’Agriculture, assisté du Conseil Supérieur de la chasse, les attributions que
la loi de 1844 (art. 3, 4 et 9) et la loi du 10 mars 1930 donnaient
aux préfets en matière de chasse ; il s’agit là de la fixation des jours
et heures d’ouverture et de clôture de la chasse, de la réglementation de la
chasse au gibier d’eau et aux oiseaux de passage, de la destruction des animaux
malfaisants et nuisibles et des bêtes fauves, de la chasse en temps de neige,
de la protection des oiseaux, etc., et enfin de la protection des récoltes
contre les dégâts des lapins.
Paul COLIN.
Avocat à la Cour d’appel de Paris, Docteur en droit.
|