Voici donc revenu de nouveau le moment, si attendu, où nous
pouvons parler de cette chasse à courre, virtuellement disparue en France,
depuis la déclaration de guerre, en 1939.
À ce moment-là, et malgré la crise, on pouvait compter de nombreux
équipages ; les plus beaux et les mieux montés, ceux que l’on rencontrait
le plus souvent, étaient, comme il se doit, des équipages de cerf ; puis
venaient les équipages chassant chevreuil, fort nombreux et fort beaux eux
aussi, et quelques petites meutes chassant à courre lièvre ou renard. Les
grands vautraits avaient presque disparu.
Devant les multiples difficultés de la vie que nous avons si
péniblement menée pendant cette affreuse période, on pouvait craindre la
disparition totale des chiens courants en France et, par cela même, la fin de
la chasse à courre, car, sans chiens d’ordre, il n’est pas possible d’espérer
chasser.
Or ces craintes étaient vaines ; un peu partout, des
lots subsistèrent, parfois même assez nombreux, suffisants toutefois pour
permettre l’élevage, si les conditions de la vie permettaient le retour à
certaines facilités d’avant guerre.
Dans les races de chiens courants — et d’après les
renseignements que j’ai pu obtenir — il semblerait que ce sont les chiens
de grande vénerie qui sont le moins touchés. Les chiens de lièvre seraient en
forte diminution, ainsi que les beagles et les bassets.
Il est assez difficile de faire le point d’une manière
certaine ; on sait que de grands équipages ont recommencé à chasser ;
beaucoup aussi ont disparu, mais de nouveaux sont en formation ; d’autres
sont « en veilleuse » et attendent que leur effectif soit plus
complet, ou que leur cavalerie soit remontée, pour découpler.
Car il y a de grosses difficultés et, si la nourriture des
chiens est déjà un problème, acquérir, au prix où ils sont, des chevaux et les
nourrir n’est pas chose facile, on l’imagine aisément.
En plus de ces difficultés d’ordre économique, bien des
maîtres enfin estiment, avec juste raison, qu’il y a encore des souffrances qui
sont bien près de nous, et que, pour pratiquer la Vénerie avec le faste et le
décorum d’antan, il faut pouvoir le faire sans arrière-pensée.
C’est donc pour cela que les laisser-courre de ces équipages
ne sont le plus souvent que des chasses d’entraînement ; on y forme la
meute, et bientôt, espérons-le, dans une France rajeunie et heureuse, pourront
refleurir les traditions de vénerie, qui sont une de ces choses encore que l’on
ne trouve que chez nous.
Devant la multitude des sangliers, — on en trouve partout,
— de nombreux équipages de chasse à tir se sont montés dans toutes nos
provinces. Beaucoup de ces petits vautraits sont d’anciens équipages de lièvre
ou de renard. Le nombre élevé des animaux a facilité leur dressage, et j’en
connais de fort bien créancés et bien dans la voie des bêtes noires.
Mais déjà une sélection, inconsciente parfois, mais
certaine, joue devant les exigences de cette chasse nouvelle et si différente
du courre du lièvre; des maîtres choisissent comme reproducteurs les plus vigoureux,
les plus braves, les plus vites. Certains font même des infusions de sang
anglais. Ce n’est pourtant pas moi qui les jugerai ; ils vivent avec leur
temps, peut-être ont-ils raison ? Qui pourrait, en effet, dire si un jour
on chassera et on prendra encore des lièvres ?
Pour nous résumer, il n’y a donc pas de craintes à avoir, en
ce moment, pour la vénerie. Mais il est à peu près certain que les vieilles
races de chiens français ont pour ainsi dire disparu. Il en restait fort peu,
du reste, et nous sommes maintenant dans l’ère de l’anglo-français, pour la
grande vénerie tout au moins.
Envisageons donc l’avenir avec confiance et sonnons des
« Bien-aller » en attendant les prochains « Hallali ».
Guy HUBLOT.
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