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Éducation physique

Plus que jamais, il s’avère indispensable de rendre aux Français la vigueur et l’endurance qui les caractérisaient autrefois et qui, à bien considérer les choses, furent une des raisons de notre grandeur passée ; car ce n’est que dans les nations saines et robustes que peuvent éclore, avec quelque abondance, les grandes intelligences et les fermes caractères.

Durant l’entre-guerres, on avait fréquemment et énergiquement appelé l’attention sur l’impérieuse nécessité de relever, par une culture physique bien organisée, l’état corporel de nos enfants et jeunes gens, que les facilités du confort moderne et les erreurs d’une éducation toute vouée à l’instruction empêchaient de croître normalement, de se développer dans la forme harmonieuse et puissante qui caractérise l’espèce humaine. De telle sorte qu’aux conseils de révision la proportion des inaptes au service militaire atteignait de 30 à 50 p. 100 de l’effectif. D’autre part, à l’appel des réservistes en 1939, il fallut réformer un grand nombre d’adultes qui, après avoir été physiquement suffisants pour faire leur service militaire, s’étaient anormalement affaiblis dans l’inaction physique, à laquelle on pouvait se laisser si facilement aller, à la campagne tout comme à la ville. Les souffrances de la guerre et de l’occupation n’ont fait qu’accentuer ce déplorable état de notre pays. Les adolescents ont pâti particulièrement des restrictions alimentaires, et les petits enfants des hivers sans feu. La tuberculose fait des ravages parmi nos jeunes gens, plus qu’en aucun pays au monde. Il est grand temps de lutter contre ce désastre, courageusement et par tous les moyens efficaces.

Parmi ces moyens, l’éducation physique vient, à notre avis, au premier rang. Car, en assurant au corps une structure solide et bien équilibrée grâce à laquelle tous les organes fonctionnent puissamment, elle met à l’abri de toutes ces maladies de déchéance dues à la faiblesse et au dérèglement de la machine humaine.

Ces vérités, qui paraissent évidentes aussitôt qu’on se penche sur elles, n’ont pas laissé les pouvoirs publics indifférents. L’organisation de l’éducation physique officielle s’est faite à grand renfort de bureaux, études, circulaires et réalisations administratives. Et, certes, bien des idées justes, bien des projets raisonnables et même des lois et décrets sont sortis de cette bonne volonté gouvernementale. Malheureusement, les résultats n’ont guère récompensé ces efforts. Ni dans les écoles et lycées, ni parmi les groupes de jeunes gens, apprentis, étudiants, l’éducation physique ne se pratique avec la régularité et l’entrain qui sont nécessaires à son efficacité.

C’est qu’on se heurte aux mœurs, contre lesquelles les meilleures lois se montrent impuissantes. Nous avons pris l’habitude de l’inaction physique et trouvons toutes sortes de raisons pour n’en pas sortir.

L’incompréhension des jeunes gens, de leurs parents et de leurs éducateurs — sous réserve, certes, de quelques exceptions — est à la base de cet échec, combien de fois répété, de l’éducation physique chez nous.

Il faut reconnaître aussi que ce que l’on recommande, et parfois impose, comme procédé, méthode et organisation de l’éducation physique, est trop compliqué et trop dispendieux pour être accueilli avec faveur par ceux qui ont en charge des enfants et jeunes gens.

On se trouve donc devant une double tâche. D’abord, convaincre les gens que la culture de son corps, que son entretien en force et en santé est une pratique qui s’impose à tous, et qu’elle est indispensable aux enfants et aux jeunes gens. Ensuite, démontrer que cela peut se faire très simplement, à fort peu de frais, et qu’il n’est donc pas besoin de mettre l’éducation physique, comme le font trop souvent ses zélateurs, en concurrence avec les études et les occupations professionnelles.

Ce seront là les idées directrices de nos chroniques sur l’éducation physique, brusquement interrompues, et que nous avons grande joie à reprendre, dans l’espoir qu’elles décideront un certain nombre de lecteurs à lutter, pour eux et leurs enfants, contre les déplorables effets de la paresse corporelle. Nous exposerons donc de nouveau les raisons physiologiques vitales que nous avons de faire de l’exercice, et nous reprendrons l’exposé de la méthode de « Culture physique pour tous » que nous avions commencé de décrire.

Dr RUFFIER.

Le Chasseur Français N°607 Avril 1946 Page 150