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Soins au verger

En année précoce, le départ de la végétation des arbres fruitiers a lieu en mars. Cette hâtivité est largement payée par une récolte déficiente, souvent détruite par les gelées. Ce départ plus ou moins précoce est fonction de la température du sol en surface et en profondeur. Ainsi un thermomètre placé sur la terre accuse en mars 6°,8, passe à 11°,3 en avril et monte en mai à 19°,1. La température intérieure du sol à 25 centimètres de profondeur est de 9°,8 en avril. 15°,8 en mai; à 50 centimètres dans la terre, le thermomètre atteint 9°,2 en avril, 14°,4 en mai. Ces chiffres montrent l’importance du facteur chaleur sur la croissance des arbres et des végétaux. De tels résultats nous permettent de conclure : l’activité végétative des arbres est fonction de la température du sol.

Pendant la période active des mois d’avril et mai et les suivants, l’arboriculteur doit placer ses essences fruitières dans un sol où se trouveront réunies toutes les conditions pour obtenir un système radiculaire puissant. Ces racines se ramifieront en augmentant en nombre et en longueur, l’absorption sera très active. La partie aérienne recevant une plus grande quantité de sève élaborée, la croissance de l’arbre se traduira par des pousses nombreuses formant des productions fructifères au maximum et de copieuses réserves qui assureront une riche floraison suivie d’une nouaison parfaite. Les fruits abondamment nourris seront volumineux, riches en sucre et en qualité.

Ces résultats se réaliseront par l’ameublissement du sol, en augmentant sa profondeur et sa pulvérisation.

Ces années de sécheresse que nous avons subies ont laissé le sol et le sous-sol durs, difficiles à travailler en profondeur. Les labours, en soulevant des mottes, plaçaient à l’air et au soleil les racines, qui séchaient, les autres étaient coupées, par conséquent diminuées dans leurs fonctions. Ce court exposé nous donne les causes du dépérissement des arbres en partie ou en totalité, des charpentières à demi vivantes, des coursonnes sèches et des prolongements mortifiés.

L’arboriculteur, pour remédier à cet état de choses, commencera d’abord à ameublir son sol superficiellement et à augmenter en plusieurs fois la profondeur.

Il utilisera pour ce travail la herse canadienne, qui, avec ses dents flexibles, ameublit le sol superficiellement par émiettement. En renouvelant cette opération, la couche meuble augmentera d’épaisseur. À ce moment, l’eau des couches profondes ne peut plus s’élever par capillarité à la surface et s’évaporer. D’où économie d’eau, aération du sol, facilitant les réactions qui s’y produisent, rendant solubles les sels minéraux qui s’y trouvent. La conséquence se traduit par des apports d’azote, de potasse et de phosphate; les essences fruitières alimentées copieusement forment de jeunes rameaux qui serviront à renouveler la charpente et à donner de la vigueur aux arbres et à les rajeunir.

Engrais minéraux.

— Les engrais azotés favorisent le développement de l’arbre, des feuilles et des rameaux ; ils donnent de la vigueur aux arbres épuisés, prolongent la jeunesse en retardant l’entrée dans l’âge adulte. En augmentant la végétation, les tissus sont plus tendres, leur résistance aux parasites animaux et végétaux est diminuée.

Le nitrate de soude, très soluble, rapidement assimilable, s’emploie au printemps en couverture. Épandre à la dose de 100 kilos à l’hectare.

Le nitrate de chaux, très assimilable, s’emploie au printemps à la dose de 100 kilos à l’hectare.

Le sulfate d’ammoniaque convient aux terres calcaires, argileuses, s’emploie en pleine végétation à la dose de 150 kilos à l’hectare.

Les engrais phosphatés tempèrent l’exubérance communiquée par l’azote, donnent de la résistance aux tissus et aux invasions de parasites. Ils favorisent la fécondation des fleurs, l’aoûtement du bois et l’accumulation des réserves. Dose de 300 à 400 kilos.

Le superphosphate minéral, rapidement assimilable, convient aux terrains calcaires. Dose : de 250 à 300 kilogrammes.

Les scories de déphosphoration, engrais phosphatés pour les terres acides ou argileuses. Dose 300 à 400 kilos à employer à l’automne.

Les engrais potassiques favorisent la fructification, la maturation, la formation du sucre et de l’amidon, empêchent la chute prématurée des fruits, contribuent à l’aoûtement du bois, accumulent dans le tissu de copieuses réserves.

Le chlorure de potassium, soluble et assimilable. Employer un mois avant la plantation.

Engrais de substitution.

— La rareté des engrais, les difficultés pour s’en procurer nous obligent à donner des produits de substitution :

Les engrais azotés peuvent se remplacer par des arrosages au purin à la dose de 3 à 5 hectolitres à l’hectare, dosant : azote, 0,150 ; potasse, 0,49 ; acide phosphorique, 0,06.

Les engrais potassiques se substitueront par des cendres de bois à la dose de 300 kilos à l’hectare; dosant : carbonate de potasse 10 p. 100 ; acide phosphorique, 4 p. 100.

Engrais verts.

— On désigne sous ce nom les végétaux qui sont enfouis dans le sol, avant leur complet développement, pour servir de fumure. Les légumineuses jouissent de l’importante propriété de fixer directement l’azote de l’air, grâce aux nodosités qu’elles possèdent sur leurs racines, l’azote qu’elles ont extrait de l’atmosphère pouvant être incorporé avec elles au sol alors qu’elles sont enfouies en vert. Le développement de ces végétaux leur permet de fouiller complètement le sol et le sous-sol, d’en extraire les éléments minéraux et de les rendre, sur un espace restreint, dans un état de concentration, de division, sous une forme plus assimilable. Les végétaux remplissant ces conditions pour engrais vert de printemps — trèfle incarnat, féverole d’hiver, vesce d’hiver— se sèment en juillet-août et s’enfouissent en avril-mai. Les lupins blancs et jaunes, les féveroles de printemps, la vesce de printemps se sèment en mars et s’enfouissent en août-septembre.

Taille des arbres fruitiers.

— Les possibilités pour régénérer les essences fruitières avec une copieuse alimentation étant fort restreintes, nous devons reporter nos efforts sur l’arbre lui-même. Par la suppression des organes âgés, le peu de sève qui leur reste sera canalisé au profit de la naissance de jeunes organes. Ces tailles répétées fourniront en se totalisant un appoint de vigueur. Les parties ainsi traitées auront un développement plus grand en longueur et en volume.

L’arbre subira une taille qui aura pour but la suppression des parties mortes — branches charpentières, tige, coursonnes sèches ou dépérissantes. Les coupes s’effectueront sur la partie vivante. Pour éviter la nécrose du bois, ces coupes seront recouvertes d’un mélange de goudron de houille et de chaux grasse en poudre ; mélanger intimement les deux composants jusqu’à la consistance d’un mastic, facilement étendu avec un pinceau usagé.

Ce premier nettoyage sera suivi d’une remise en forme de l’arbre. Les branches saines seront égalisées au niveau de celles coupées plus courtes. Tout en suivant la forme de l’arbre, se rappeler que les charpentes les plus inférieures doivent être plus longues que les supérieures. Les coursonnes longues seront rabattues sur les yeux inférieurs. Les rameaux d’un an seront taillés à trois yeux pour les transformer en coursonnes, celles-ci seront implantées sur la charpentière à droite et à gauche. Les pyramides, les quenouilles, les cordons verticaux seront raccourcis au quart, au tiers, selon la vigueur des charpentières inférieures. Ménager à la tige, pour la flèche, un œil bien placé ayant la direction de celle qui a été coupée. Chaque charpentière aura également un prolongement.

Les arbres à haute tige auront leur centre dégagé des rameaux, ou branches qui prennent naissance ; réduire les charpentières au niveau des plus faibles.

E. DÉAUX.

Le Chasseur Français N°607 Avril 1946 Page 155