Avec ces temps de vie chère et de sévères restrictions, on a
une certaine tendance à profiter des premiers beaux jours pour planter les
pommes de terre, spécialement dans les jardins potagers. Ce faisant, on pense
obtenir des tubercules de consommation de très bonne heure, bien avant la
récolte normale. On estime qu’en plantant quelques semaines après on retarde
d’autant la maturation. Ces considérations nous engagent à dire quelques mots
aujourd’hui sur l’époque rationnelle de la plantation. Pour bien saisir le
moment propice où il convient de placer les plants en terre, il faut être au
courant du cycle végétatif de la pomme de terre, des risques qu’offrent la
plantation hâtive et la plantation tardive.
Cycle végétatif de la pomme de terre.
— Ce cycle peut se diviser en trois périodes d’inégale
longueur : de la plantation à la levée, de la levée à la floraison, de la
floraison à la maturité.
La rapidité de développement de la plante est fonction
surtout de la température. Rappelons à ce sujet que, d’après divers agronomes,
notamment Boussingault, de Gasparin, Garola, la pomme de terre exige, pour
arriver à maturation, environ 2.500 à 3.000° de chaleur moyenne (cette chaleur
moyenne étant obtenue en établissant, chaque jour de végétation, une moyenne
entre la température minima et la température maxima). Il s’agit de variétés de
grande culture à maturité moyenne ou tardive ; pour les variétés potagères
hâtives, les chiffres peuvent être réduits jusqu’à 1.500°. Cette quantité de
chaleur est d’ailleurs inégalement répartie entre les diverses périodes de la
vie végétative. Sur 112 variétés, Garola a compté 410° de la plantation à
la levée, 625° de la levée à la floraison, 1.306° de la floraison à la
maturité. Pour l’instant, retenons bien ce chiffre assez élevé de 410° de la
plantation à la levée, chiffre qui peut surprendre ceux qui ne sont pas au
courant de la culture de la pomme de terre.
Inconvénients de la plantation hâtive.
— En plantant hâtivement à une époque où des périodes
froides sont encore à craindre, les tubercules restent d’habitude longtemps
sans pouvoir développer normalement leurs germes. Il s’écoule parfois cinq et
six semaines sans qu’apparaissent les jeunes pousses au-dessus du sol. Comme
les mauvaises graines exigent pour germer moins de chaleur que la pomme de
terre, le terrain de plantation est, au moment de la levée des plants, envahi
par toutes sortes de mauvaises plantes ; c’est ce qui justifie les
hersages répétés que l’on pratique avant la levée. En outre et surtout, les jeunes
pousses de pommes de terre sont exposées à être détruites par la gelée. Les
agriculteurs et les horticulteurs sont bien au courant de ce grave accident.
Ils savent que le feuillage de la pomme de terre est très réceptible au
gel ... Au-dessous de zéro degré, les feuilles noircissent et se
dessèchent. Ultérieurement, il se produit, il est vrai, des repousses de tiges
et de feuilles, mais c’est toujours au détriment de la précocité et du
rendement.
Pour cette raison, les agronomes ont érigé en principe que
la plantation de pommes de terre doit être faite à une époque telle que les
jeunes plantes offrent peu de risques d’être détruites par la gelée.
Inconvénients de la plantation tardive.
— La mise en terre des plants un peu trop tardivement
offre, de son côté, des dangers aussi graves.
1° Ce sont d’abord les risques occasionnés par les gelées
estivales ou automnales, qui, dans certaines régions, sévissent dès la
mi-septembre. À cette époque végétative, le feuillage gelé ne repousse plus et
la tubérisation est arrêtée. Il en résulte une forte réduction de la récolte en
tubercules.
2° S’il s’agit de variétés de grande culture à maturation
demi-tardive ou tardive, les plantes n’ont souvent pas le temps de se
développer normalement. Pour atteindre les 2.500° de chaleur nécessaires à la
maturation, la végétation doit se poursuivre jusqu’en novembre et, à cette
époque, il est bien tard pour ensemencer une céréale d’automne après
l’arrachage des pommes de terre.
La plantation tardive est cependant à recommander dans certains
cas particuliers, notamment lorsque la plante sarclée succède à un défrichement
de légumineuses (trèfle incarnat, vesce, etc. ...), ou bien encore
lorsqu’il s’agit de produire des semences pour la ferme.
Donc, en définitive, la plantation hâtive aussi bien que la
plantation tardive offrent des risques certains, spécialement en grande
culture.
Époque de la plantation.
— Cette époque est forcément variable, puisqu’elle
dépend des conditions de milieu. Dans les régions méridionales de la métropole
qui jouissent d’un hiver doux, on commence souvent à planter dès le mois de
février ; les arrachages peuvent ainsi s’échelonner pendant tout le mois
de juillet. Sur les côtes bretonnes, qui jouissent d’un climat maritime, on
peut planter de même plus tôt qu’ailleurs, en raison de la rareté des gelées
printanières. Mais, dans la grande majorité des régions françaises, la
plantation débute les premiers jours d’avril et peut se poursuivre jusqu’au 15 juin.
Une exception est faite pour les zones de montagne, notamment celles du Massif
Central, où le travail de plantation est assez resserré, du 15 avril au 25 mai.
Après cette dernière date, la culture devient aléatoire, car, la chaleur étant
moindre, la végétation se poursuit trop longtemps à l’automne. À 900 mètres
d’altitude, en haut Forez, la levée ne se produit jamais avant la fin du mois
de mai, quelle que soit la date de plantation.
Quelques précautions à observer.
— Dans les sols argileux retenant l’humidité, la
plantation est un travail délicat, car il faut choisir le moment où le terrain
est ressuyé. En règle générale, mieux vaut planter par temps sec, la levée est
toujours meilleure.
Nous avons signalé que, d’après les agronomes, une quantité
de chaleur de 410° est nécessaire de la mise en terre des plants à la levée. Il
faut bien savoir que ce chiffre n’est qu’une moyenne fortement sujette à des
variations. Si l’on emploie des plants convenablement préparés par une
exposition à la lumière et dont les germes sont bien apparents, ce chiffre est
notablement réduit. Il est préférable de planter quelques jours plus tard, en
temps propice, et employer des plants appropriés.
Enfin, en horticulture, la plantation est souvent avancée,
car certaines précautions sont prises pour abriter les jeunes pousses en cas d’abaissement
notable de la température.
Cl. PERRET.
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