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Histoire de mes lapins

Il s’agit d’une vieille histoire, dont les débuts remontent à plus de cinquante ans, car il y a belle lurette que mes premiers lapins ont cessé de brouter le serpolet. Mais, ayant consigné les faits les plus saillants, c’est-à-dire les ennuis et les satisfactions, les vicissitudes et les succès de mes élevages, je voudrais bien en rendre compte sans délayage, si je n’avais pas si souvent changé mon fusil d’épaule. Pour être explicite, je me vois dans l’obligation de sérier les questions avant d’exposer les points de repère pouvant intéresser les débutants et leur éviter des tâtonnements superflus, ou des interprétations fantaisistes plutôt onéreuses.

Quant aux vieux routiers des clapiers domestiques, je les abandonne à leur propre expérience.

Le lapin de mes rêves.

— J’ai fait mes débuts avec les lapins communs, puis je suis venu successivement au géant des Flandres, au gros normand, à l’argenté de Champagne, au russe, au fauve de Bourgogne, au lièvre belge, au blanc de Vendée, au bleu de Vienne, au castorrex, etc.

Aucun d’eux ne m’ayant donné entière satisfaction, parce que j’avais toujours quelque chose à leur reprocher concernant la taille, le poids, la précocité, la tardivité, la rusticité, la propension à l’engraissement, la qualité de la chair, etc., j’en suis arrivé à cette conclusion : sauf si vous êtes spécialisé dans la vente des reproducteurs, délaissez les races pures pour adopter les métis et, suivant que vous avez des préférences pour la couleur, choisissez vos reproducteurs en conséquence.

Aimez-vous les lapins blancs ? Croisez ensemble vendée et russe.

Estimez-vous le gris ? Commun et géant des Flandres feront parfaitement votre affaire.

Préférez-vous les fauves ? Accouplez zibeline et géant fauve de Bourgogne.

Si vous voulez les bleus, Alaska noir et bouscat blanc vous donneront une majorité de lapins à pelage bleu, qui est engendré par noir et blanc.

Remarquez que, dans toutes les alliances précitées, vous faites intervenir un petit et un gros lapin, ce qui vous donne une descendance de poids moyen, revigorée par l’afflux de deux sangs éloignés et dont les aptitudes conjuguées se transmettent assez fidèlement pour que les métis obtenus satisfassent les éleveurs les plus exigeants et que ceux-ci tirent un bon profit de ceux-là.

Le logement idéal.

— Les partisans des cabanes à crottes savent que le clapier est un facteur de prospérité pour ses habitants, puisqu’il n’y a pas de cuniculiculture possible pour le rapport si on n’empêche pas les attaques de coccidiose, qui est l’apanage des logements mal construits, dans lesquels la contamination se fait par les émanations pestilentielles, ou par les souillures des excréments, liquides et solides.

À mes débuts, j’ai eu recours aux grosses caisses d’épicerie, que je munissais de portes grillagées, placées dessus ou sur le devant ; mais le premier dispositif m’a toujours paru plus commode que le deuxième pour les visites. Par la suite, je vins aux tonneaux gerbés, bonde en bas, munis d’un plancher à claire-voie, l’un des fonds étant remplacé par une porte portée sur charnières en cuir. En théorie, le dernier système paraît avoir du bon ; dans la pratique, après six mois d’usage, il ne vaut pas la vulgaire caisse montée sur cales, dont on a percé le fond de trous, car il s’infecte plus facilement.

On peut en dire autant des cabanes en bois placées sous couvert, à moins qu’elles ne soient pourvues de planchers imperméables, en métal laqué, rendant possible l’écoulement permanent des urines dans un puisard cimenté. C’est pour cela que j’ai vite donné la préférence aux clapiers en maçonnerie, destinés aux extérieurs.

Toutefois, les constructions en briques ont le défaut de s’imprégner d’humidité, à moins qu’elles ne soient en laitier, ou enduites au portland. Elles ne valent toujours pas les clapiers en ciment armé, ou monolithe, coulés dans les moules, lesquels peuvent être édifiés contre un mur, de préférence exposé à l’est et abrités par un large toit en saillie. On peut également les établir sous un porche. Dans tous les cas, la profondeur à donner aux cases ne devrait pas être inférieure à 90 centimètres ou un mètre.

En façade, les cases, superposées sur trois étages, doivent avoir des dimensions variables, suivant leur but. Les loges du rez-de-chaussée, étant destinées aux sujets à l’engraissement, auront 50 centimètres de large. Celles du premier étage, réservées aux femelles portières, auront le double de surface, soit un mètre de large. Enfin, les cases du deuxième étage, qui conviennent à l’élevage en commun des portées, au nombre de six à huit lapereaux, jusqu’à quatre mois, auront encore le double des deuxièmes avec 2 mètres de large. Le dispositif est excellent et vous avez intérêt à l’adopter. En effet, en mettant huit cases d’engraissement dans le bas, quatre niches pour les mères au milieu et deux réduits d’élevage dans le haut, vous pouvez installer le tout dans un clapier moulé de 4 mètres de long. Si vous vouliez entretenir le double de pensionnaires, il suffirait de doubler la longueur du clapier. Les deux modèles suffiraient pour les petits et les moyens éleveurs ; les grands éleveurs n’auront qu’à multiplier le nombre des clapiers du même modèle, d’après leur capacité de production.

Il existe d’autres modèles de clapier, du système dit démontable, en plaques de fibrociment, dont les cases sont faites en série, par conséquent de mêmes dimensions.

Il me reste à vous parler du procédé d’élevage semi-libre que je pratique depuis une vingtaine d’années et dont je ne suis pas mécontent. Ce sera pour une prochaine causerie.

A. ARNOULD.

Le Chasseur Français N°607 Avril 1946 Page 161