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Les incubations

Chacun sait que, pour obtenir des poulets de consommation précoces et des poulettes en ponte dès l’automne suivant, il est indispensable de commencer de bonne heure à faire naître les poussins.

Pour cela, il existe deux procédés : les incubations naturelles, ou « couvaisons », ainsi appelées lorsque c’est un oiseau qui couve, quelle que soit l’espèce des œufs qui lui sont confiés, et l’incubation « artificielle », c’est-à-dire faite avec un appareil spécial, à laquelle succède obligatoirement, en hiver, l’élevage par éleveuses artificielles.

La durée de l’incubation est la même avec les deux procédés, soit : œufs d’oie, 28 à 31 jours ; de cane de Barbarie, 35 jours ; de pintade, 26 à 28 jours ; de poules de grosses races, 21 à 23 jours ; de race moyenne, 21 ; de race naine, 19 à 21 jours.

Nous ne nous occuperons aujourd’hui que de la méthode naturelle, la plus employée dans notre pays de petits et de moyens éleveurs, et la seule qui soit à la portée de tout le monde par sa simplicité et par la mise de fonds minime qu’elle nécessite.

Cependant, celle-ci ne présente pas que des avantages : tout d’abord, si on emploie une poule pour la première fois, il est impossible d’être fixé sur ses qualités de couveuse et sur ses qualités maternelles ; de plus, il est souvent difficile de se procurer des couveuses au moment précis où on en a besoin, et, enfin, les parasites peuvent compromettre sérieusement la réussite de la couvée si on n’a pas la précaution d’en débarrasser l’animal avant de lui confier les œufs.

Comment réduire ces risques au minimum ?

1° Choisissez une bête douce, tranquille, d’allure familière ; toutes les races de poules ne possèdent pas la même aptitude à l’incubation. Les meilleures sont celles dont la formation comporte du sang asiatique : Orpington, Brahma, Faverolles, etc. Les plus mauvaises, celles dont les sujets sont vifs, alertes, du type Leghorn, Bresse, etc. Parmi les poules communes, il est toujours possible de trouver d’excellentes couveuses en observant pour leur choix les indications qui précèdent.

2° Essayez la couveuse (poule, dinde ou autre) sur des œufs en plâtre, pendant trois ou quatre jours, vous aurez ainsi le temps de l’habituer à votre présence ; vous vous rendrez compte de son désir réel de tenir le nid, et ce dernier prendra la température ambiante de l’animal.

3° Assurez-vous, avant de placer l’oiseau sur les œufs, s’il n’est pas infesté de parasites, car il demeurera sans défense contre eux pendant plus de vingt jours. Insufflez de la poudre de pyrèthre sous les plumes ou traitez l’oiseau aux vapeurs de soufre, dans une caisse spéciale.

Je vous signale un procédé, que je n’ai pas employé personnellement, mais qui m’a été garanti comme très efficace par en éleveur sérieux : placez dans le fond du nid, sous la paille qui soutient les œufs, un petit morceau d’épongé légèrement imbibés d’essence ou d’huile d’eucalyptus ; les vapeurs aromatiques qui s’en dégagent chassent la vermine hors du nid.

4° Habituez la couveuse à se lever chaque jour, à heure fixe, de son nid pour manger, boire, se détendre et satisfaire à ses besoins ; certaines poules et dindes sont tellement assidues au nid qu’elles se laisseraient périr de faim si l’on n’y prenait garde, plutôt que d’abandonner les œufs.

Si la poule refuse de quitter son nid, soulevez-la avec précaution et portez-la doucement devant la mangeoire.

La durée de refroidissement des œufs varie de dix minutes au début de l’incubation et va en augmentant progressivement jusqu’à vingt minutes. Tenir compte, pour cette durée, de la température extérieure. Cependant, la veille de l’éclosion, laissez l’animal en paix.

5° Fabriquez un nid ou « boite à couver », bien préférable aux paniers et caisses trop souvent utilisés. Pour ceci, employez des planches quelconques, si possible rabotées et jointoyées, que vous enduirez de carbonyl aux deux faces.

La boite aura la forme d’un cube de 0m,38 à 0m,52 de côté, la partie supérieure sera montée à charnières, formant ainsi couvercle rabattable (faire ce couvercle à claire-voie ou en treillis sur cadre) ; la partie de face sera partagée en deux par le travers, la moitié inférieure restant fixe, la moitié supérieure se rabattant à charnière au moment de la levée journalière ; cela pour éviter que la couveuse saute sur ses œufs ou ne s’y laisse brutalement retomber si elle ne dispose, pour entrer ou sortir, que du toit mobile.

On mettra 4 centimètres de sable au fond, puis de la paille coupée au-dessus, en bourrant bien les angles intérieurs pour arrondir le nid.

6° On procédera du cinquième au septième jour au mirage des œufs, c’est une opération, trop souvent négligée, qui permet de récupérer des œufs clairs utilisables en pâtisserie et qui évite le dégagement d’émanations nocives produites par les œufs clairs couvés, à partir du quinzième jour. Le mirage des œufs est facile, une simple flamme de bougie permet, dans l’obscurité totale, d’apercevoir le noyau foncé, avec filaments en toile d’araignée, de l’œuf fécondé.

7° Les couveuses seront alimentées sans excès et sans nourriture échauffante ; donner de la verdure hachée et de l’eau pure chaque jour.

8° Elles seront placées dans un endroit tranquille, à l’abri des vibrations et des trépidations, et surtout dans un lieu à l’abri des variations de température et de l’humidité extérieures.

Un sous-sol ou d’anciens bâtiments aux murs très épais font parfaitement l’affaire. Une pièce en étage n’est pas à recommander.

Au cas où l’incubation aurait lieu pendant une période caniculaire ou de vents desséchants, il serait prudent, surtout avec des œufs de cane, d’humidifier le pourtour du nid en fin d’incubation.

9° L’avant-veille de l’éclosion, laissez la couveuse retourner sur ses œufs dès qu’elle aura fini de boire et manger. Pendant toute la durée de l’éclosion, celle-ci ne sera plus dérangée. On passera la main sous ses plumes, matin et soir, pour enlever les coquilles vides.

Il est préférable d’enlever les premiers poussins (pour éviter que la couveuse soit tentée de partir avec eux en abandonnant les derniers œufs) et de les mettre au chaud et à l’abri des courants d’air.

Lorsque l’éclosion est terminée et que les poussins se tiennent bien sur leurs pattes, on les porte alors, avec la mère, dans la boîte d’élevage dont nous donnerons la description dans un prochain article.

R. GARETTA.

Le Chasseur Français N°607 Avril 1946 Page 163