Depuis 1939 plusieurs lois sont intervenues en ce qui
concerne les baux à ferme et ont modifié très sensiblement les rapports des
propriétaires et des fermiers en cette matière.
Les unes ont un caractère d’exception, temporaire ; les
autres constituent une législation stable, permanente.
Nous allons passer très rapidement en revue ces divers
textes, sur lesquels nous aurons d’ailleurs l’occasion de revenir à plusieurs
reprises afin de les examiner dans leurs détails.
I. Mesures d’exception, à caractère temporaire.
— Ces mesures comprennent notamment quatre textes.
1° Le décret-loi du 1er juin 1940, qui a
remplacé le décret-loi du 26 septembre 1939, règle pendant la guerre les
rapports entre bailleurs et preneurs de baux à ferme.
Tout à l’avantage des fermiers, il leur accorde, suivant le
cas et sous certaines conditions, soit la résiliation du bail, soit une
réduction du prix de location, soit le maintien dans les lieux d’année en
année, jusqu’à la date de cessation des hostilités, cette prorogation étant
facultative pour les non-mobilisés et de droit pour les mobilisés ;
2° L’ordonnance du 22 mai 1945 a accentué le bénéfice
de la prorogation des baux à ferme en faveur des mobilisés, prisonniers et
déportés ; elle leur accorde en effet, sous certaines conditions, mais de
plein droit, donc sans avoir à faire de demande dans ce but, une prorogation de
bail d’une durée égale à celle de leur éloignement, captivité ou
déportation ;
3° C’est aussi l’ordonnance du 21 septembre 1945 qui a
organisé un régime plus particulier de prorogation pour les fermiers qui ont
été dépossédés de tout ou partie de l’exploitation, pendant une durée d’au
moins douze mois, par l’effet d’une contrainte provenant directement ou
indirectement du fait des autorités d’occupation ;
4° L’ordonnance du 3 mai 1945, qui a validé et complété
les dispositions de la loi du 4 septembre 1943, est relative à la
stabilisation des baux à ferme.
Afin d’enrayer la hausse des prix et d’établir un régime
d’égalité entre les baux à ferme stipulés payables en argent et ceux convenus
en nature, elle exige que tous les fermages soient, s’il y a lieu, transformés
en nature sur la base des baux en cours en 1939 et que la quantité de denrées
ainsi obtenue soit multipliée à chaque échéance par le cours moyen desdites
denrées pendant la période comprise entre l’échéance précédente et l’échéance
actuelle, déduction faite du dernier mois de cette période.
II. Mesures stables, à caractère permanent.
— Elles ont trait au statut du fermage et aux
commissions paritaires.
1° Statut du fermage.
— Les dispositions de la loi du 4 septembre 1943
sur le statut du fermage ont été validées et codifiées par l’ordonnance du 17 octobre
1945.
Malheureusement, le texte de cette dernière présente encore
des points obscurs et des lacunes qui nécessiteront des compléments. Cela n’a
rien d’étonnant, étant donnée l’ampleur de la réforme qu’il s’agit de réaliser.
Le statut du fermage, tel qu’il est établi, contient un
ensemble de mesures en faveur du fermier.
Ces avantages peuvent se ramener à quatre principaux :
a. Le bail à ferme doit être conclu pour une durée
d’au moins neuf ans.
Cependant, en cas de décès du fermier, ses ayants droit
peuvent demander la résiliation du bail en cours.
La même faculté est accordée, il est vrai, au bailleur
lorsque le fermier ne laisse pas à sa mort de conjoint ou d’ascendant, ou de
descendant âgé d’au moins seize ans, habitant ou cultivant l’exploitation avec
lui.
Enfin le bailleur peut encore faire résilier le bail s’il a
des motifs graves et légitimes à faire valoir contre son fermier, ou si
celui-ci n’exécute pas les clauses du bail.
Quant à la cession, elle est interdite au fermier, et il ne
peut sous-louer qu’avec l’agrément exprès et par écrit du propriétaire.
b. Fonds d’amélioration de l’habitat rural.
En vue d’assurer l’entretien, la remise en état de
l’habitation du fermier et des ouvriers agricoles et des bâtiments
d’exploitation, ainsi que la construction de nouveaux bâtiments, il est prévu,
pour chaque exploitation agricole, la création d’un compte d’amélioration de
l’habitat rural, alimenté par une cotisation du propriétaire et du fermier
fixée par arrêté préfectoral.
La cotisation à la charge du bailleur ne pourra excéder 25
p. 100 du montant du fermage, ni être inférieure à 5 p. 100 de
celui-ci. La cotisation du fermier sera au moins égale à la moitié de celle du
bailleur.
c. Droit de préemption du fermier.
En cas de vente de la propriété louée et sauf exceptions
prévues par la loi, le fermier a le droit d’acheter à prix au moins égal la
propriété mise en vente.
Pour permettre au fermier d’exercer ce droit de préemption,
le propriétaire est tenu de le prévenir au moins deux mois à l’avance par
lettre recommandée avec avis de réception.
d. Droit au renouvellement du bail.
Il est accordé de plein droit au fermier le renouvellement
de son bail lorsque celui-ci arrive à expiration.
Le propriétaire peut s’opposer à ce renouvellement :
S’il veut reprendre le fonds pour l’exploiter lui-même ou le
faire exploiter par son conjoint, ses ascendants ou descendants, pendant cinq
ans au moins ;
S’il a des motifs graves et légitimes à faire valoir contre
son fermier ;
Si le preneur n’exécute pas les clauses du bail.
Dans ce cas, le propriétaire doit signifier son refus au
fermier, en indiquant les motifs par lettre recommandée avec avis de réception,
dix-huit mois au moins avant la fin du bail. Pour les baux ayant moins de vingt
mois à courir à la date de l’ordonnance, ce délai de préavis devait intervenir
avant le 18 décembre 1945.
Le fermier saisi du refus du propriétaire doit porter le
différend devant la commission paritaire cantonale du fermage dans les quatre
mois de la réception de la lettre recommandée du propriétaire.
e. Autres articles importants de l’ordonnance du 17 octobre
1945.
Articles 35 à 41 qui améliorent sensiblement le régime
de l’indemnité de plus-value au premier sortant.
Article 42 qui interdit le fermage général portant sur
plusieurs exploitations et les baux à métayage portant sur une exploitation
affermée.
Article 48 qui considère comme prorogés d’un an tous
les baux ayant moins d’un an à courir au moment de la publication de
l’ordonnance.
Articles 51 et 52 autorisant la conversion des baux à
métayage en baux à ferme.
2° Commissions paritaires du fermage.
— L’ordonnance du 4 décembre 1944 qui a remplacé
la loi du 4 septembre 1943 a organisé la composition et le fonctionnement
des commissions paritaires du fermage, qui sont qualifiées pour connaître, à
l’exclusion des tribunaux de droit commun, de toutes les contestations entre
bailleurs et preneurs de baux à ferme.
Nous avons voulu seulement indiquer aux lecteurs les textes
auxquels ils peuvent se reporter en cas de difficultés, en attendant une étude
plus détaillée des principales dispositions.
L. CROUZATIER.
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