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Philatélie

Timbres des États-Unis

Les timbres américains, c’est du dollar, entendons-nous dire bien souvent, aujourd’hui que la philatélie est devenue une succursale de la Bourse des valeurs (succursale autrement achalandée que la maison mère, il faut le reconnaître !). En effet, le timbre américain ou canadien, c’est du dollar, comme l’argentin et le chilien c’est du peso, nous le reconnaissons. Mais combien de dollars ce timbre ou cette pièce ferait dans une vente à New-York, compte tenu de sa qualité ou de son état ? C’est une question qu’aucun acheteur ne se pose, mais qui se posera lorsque la philatélie redeviendra libre. Et combien de collectionneurs alors seront effarés de la perte qu’ils auront à subir. Heureux encore s’ils ne se sont pas fait refiler trop de truquages, en particulier de vieilles émissions sur lettres ; car depuis quelques mois les « fabriques » semblent bien actives, si nous en jugeons au nombre anormal de truquages qui nous ont été présentés.

En général, les timbres américains faux sont très rares, tout au moins dans les émissions dites générales. Mais, par contre, les truquages sont très nombreux, au point que nous ne nous rappelons pas avoir jamais examiné une collection d’États-Unis formée par un non-spécialiste qui ne renferme plusieurs de ces indésirables. Les vieux timbres sur lettres constituent l’exercice de choix des falsificateurs. Des origines à 1870 environ, peut-être un bon quart des lettres timbrées figurant dans les collections françaises sont ou des marques postales agrémentées par la suite de timbres ad hoc, ou des lettres outrageusement tripatouillées. Heureusement que la question des tarifs américains est une chose excessivement compliquée. Car, aucun faussaire ne la possédant à fond, il n’est pas rare que son truquage, souvent matériellement très bien fait, ne renferme une ou deux erreurs suffisantes pour le spécialiste. Les timbres détachés ne sont pas à l’abri des truquages non plus. Les plus dangereux ne sont pas ceux indiqués au catalogue, classiques mais rarement rencontrés. Autrement décevants sont les essais sur papiers réguliers (combien de pièces « de choix » qui ne sont que des essais !), certains 1857 transformés en 1851 par ablation des dents, et surtout les timbres lavés, qui pullulent, ce que les marchands français ne paraissent guère soupçonner. Nous étudierons tous ces truquages en détail avec chaque émission correspondante.

La question qualité sera aussi une cause de grosses pertes. Il ne faut pas perdre de vue que les prix du catalogue Scott ne s’appliquent qu’à des pièces de premier choix, goût américain, pourrions-nous dire. Or la plupart des timbres américains considérés comme premier choix à Paris auraient à peine droit à la mention fair à New-York, ce qui pratiquement se traduit par une moins-value énorme. Les Américains ont deux manies : la gomme, pour les timbres neufs, et le centrage pour tous les dentelés, même anciens. Un timbre ancien neuf, impeccable, mais sans gomme, perd facilement la moitié de sa valeur. Il en est de même pour un timbre imparfaitement centré, sans même que le dessin soit touché. Une oblitération trop lourde bouchant le timbre est considérée comme partout ailleurs, mais on est encore plus sévère à New-York qu’à Paris. Même, certaines oblitérations parfaitement régulières, comme les Registered dans un ovale, par exemple, sont refusées par nombre de collectionneurs. Or justement c’est ainsi que sont oblitérées la plupart des grosses valeurs de la série Columbus. Au sujet de cette série (très à la mode chez nous), sous le triple aspect du centrage, de la gomme ou de l’oblitération, la presque totalité des timbres achetés au prix fort ne sont en réalité que des seconds ou troisièmes choix américains. Heureux encore si un bord non dentelé (straight-edge) ne vient pas parachever la disqualification ! En achetant un timbre américain, on n’est jamais trop sévère au point de vue qualité. Acheter un vrai premier choix le double ou davantage de ce qu’il coûterait à New-York au cours du dollar, ce n’est déjà pas mal. Mais, à ces prix de panique, acheter des pièces valant péniblement le quart ou le sixième des premiers choix, cela nous semble de la folie.

M. L. WATERMARK.

Le Chasseur Français N°607 Avril 1946 Page 174