Lorsque les Allemands ont évacué la France, ils ne
laissaient derrière eux qu’un réseau radiophonique en ruines : studios
ravagés, stations et pylônes dynamités, lampes et tubes brisés à coups de
marteau, câbles cisaillés. En quelques jours, le travail de vingt longues
années était anéanti ; des 42 émetteurs, 4 étaient intacts.
Mais, dès la libération, commença l’œuvre de la reconstruction, et, en décembre
1944, la France disposait à nouveau de 15 postes émetteurs. Beaucoup
cependant étaient montés avec un matériel de fortune, et la puissance totale de
2.700 kilowatts d’avant guerre se réduisait à 174 kilowatts.
La pénurie des matières premières, l’usure des
installations, l’insuffisance du personnel qualifié suscitent constamment des
difficultés et expliquent les défaillances du fonctionnement. Pourtant, il faut
admettre les progrès accomplis de mois en mois ; en 1946, on peut espérer
que les stations françaises auront à nouveau une énergie totale de l’ordre de
1.500 kilowatts.
Les sujets mêmes des émissions ont également une
importance essentielle, car l’intérêt que peuvent prendre les auditeurs à une
écoute quotidienne ne peut exister que si les émissions sont à la fois
satisfaisantes au point de vue technique et présentent pour eux un intérêt
suffisant d’information, d’enseignement, de documentation, ou simplement de
récréation musicale, artistique, ou littéraire. L’augmentation très appréciable
des taxes exigées des auditeurs doit avoir pour contrepartie la qualité
toujours accrue des programmes ; il est de l’intérêt même des services
officiels de la radiodiffusion de chercher à augmenter constamment cette
qualité.
Et en ce qui concerne les radio-récepteurs, où en
sommes-nous ? Pendant toute la guerre, et surtout pendant l’occupation, la
construction a été réduite et rendue très difficile par la pénurie des matières
premières, les conditions générales industrielles et économiques, et surtout
les réglementations édictées par les autorités du moment.
Les difficultés actuelles sont encore grandes. La pénurie des
matières premières ne s’atténue que très lentement, et les conditions
industrielles et économiques demeurent graves. Les différents types de
récepteurs sont vendus à des prix soigneusement taxés par le service
économique. Le coefficient de majoration par rapport au prix de 1939, tout en
étant élevé, est relativement raisonnable et même inférieur à celui de la
grande majorité des appareils électriques ; mais, à ces prix de base
homologués, viennent s’ajouter différentes taxes et, en particulier, la taxe de
luxe, impopulaire à juste titre.
Le prix de vente final est ainsi devenu élevé, et la
clientèle des travailleurs n’a plus, la plupart du temps, les moyens
nécessaires pour faire l’acquisition d’un appareil radiophonique en attribuant
à cet achat une somme correspondant au salaire mensuel moyen. Jamais les
besoins en appareils de T. S. F. n’ont été si grands en France ;
les appareils achetés avant 1939 sont généralement dans un état très déficient
et devraient être remplacés ; les quelques appareils construits pendant la
guerre sont de qualité plus ou moins satisfaisante. Pourtant, dans cette
situation paradoxale, les achats deviendront de plus en plus réduits, si les
conditions ne sont pas modifiées !
Quel remède à cette situation ? La diminution des prix
de revient, étant donnés la hausse générale des salaires et le prix élevé des
matières premières, ne peut être attendue que d’une augmentation très
importante de la production en série ; elle est donc fonction de l’état
industriel général du pays. En attendant deux solutions partielles semblent
possibles : la réduction des taxes, et, en particulier, un aménagement de
la taxe de luxe, qui devrait s’appliquer seulement à une certaine catégorie de
postes.
Mettons maintenant de côté ces questions industrielles et
économiques qui ont pourtant leur importance essentielle, et considérons l’état
technique du problème. Où en est actuellement la technique de la construction,
et quelles sont les nouveautés ou les modifications apportées au radiorécepteur
de 1946 ? Quelles sont celles à prévoir dans un avenir prochain ?
Pendant la guerre, la plupart des récepteurs radiophoniques
établis en France dans des conditions difficiles ne pouvaient comporter de
perfectionnements nouveaux. L’insuffisance des matières premières, l’absence
complète de certains produits, plus ou moins bien compensés par des matériaux
dits de remplacement, la qualité irrégulière des lampes à vide rendaient
déjà bien difficile l’établissement d’un matériel de qualité.
Cette qualité est de plus en plus indispensable
désormais. Avant tout, il s’agit d’abord pour les fabricants de revenir aux
méthodes normales de construction, d’essayer de trouver des matières premières,
des pièces détachées de qualité convenable, une main-d’œuvre qualifiée ;
c’est là, dans les conditions difficiles où nous nous trouvons, une tâche très
ardue.
À la Foire de Paris de septembre 1945, on a déjà pu voir des
appareils bien construits, présentés avec goût et même avec élégance ; il
faudra que les appareils de série ordinaire répondent à ces caractéristiques.
Une fois cette première phase du rétablissement de
l’industrie radioélectrique obtenue, il sera possible de songer aux nouveautés.
Depuis bien longtemps, les montages radioélectriques sont
bien plutôt faits pour les lampes de T. S. F. que les lampes
elles-mêmes ne sont établies pour les montages. Les modifications des appareils
et, en particulier, des récepteurs radiophoniques dépendent donc des
modifications de construction des lampes elles-mêmes. Pour le moment, on ne
trouve guère que les types de lampes de 1939, et encore plus ou moins
facilement, et à quels prix ! Les nouveaux types ne sont guère en usage
que dans les laboratoires d’essais des constructeurs, et, pour avoir quelques
indications sur leurs caractéristiques, c’est toujours vers l’étranger, en
particulier vers les États-Unis, qu’il faut porter son attention.
Outre-Atlantique, le principe même des lampes de
T. S. F. n’a pas varié, mais leur forme a été modifiée, tout au moins
pour certaines séries, sous l’influence des nécessités militaires. On y a vu
apparaître des modèles de plus en plus réduits, véritables miniatures de
quelques centimètres de hauteur. Ces lampes, dites « cacahuètes », ne
comportent généralement pas de culot, et sont ainsi du type tout verre ;
elles permettent d’établir des appareils récepteurs également miniature
comportant leur alimentation autonome à piles et leur haut-parleur de
dimensions d’appareils photographiques !
L’appareil miniature, s’il fait son apparition en France,
n’intéressera sans doute qu’une catégorie assez restreinte d’auditeurs. La
majorité tourne plutôt son attention vers les améliorations concernant la
qualité musicale, la sélectivité et la facilité de réglage. À ce point de vue,
il faut avouer qu’il n’y a pas, aux États-Unis, de véritables transformations à
noter, mais seulement des modifications nombreuses de détail :
amélioration de la qualité des haut-parleurs, en particulier, et du dispositif
de contrôle de la tonalité, meilleure utilisation des lampes de sortie, disposition
nouvelle du cadran de recherches des émissions et de la commande de l’aiguille
de réglage, sélectivité variable, nouveaux montages basse fréquence, etc. On
peut surtout noter une recherche très approfondie de la qualité des pièces
détachées, résistances et condensateurs en particulier, ainsi que des
bobinages. Ces recherches ont été nécessitées par les besoins militaires et, en
particulier, par l’emploi des récepteurs destinés aux avions, aux navires et
aux forces coloniales.
La technique déjà fameuse qui a permis l’établissement des « Radars »,
c’est-à-dire des détecteurs d’avions et de navires, est appliquée dès à présent
à des usages civils, mais plutôt d’ordre professionnel, tels que le guidage des
navires dans les ports ou des avions sur des lignes balisées.
Les nouveautés les plus intéressantes concernent
certainement la radiophonie par modulation de fréquence. Cette nouvelle
méthode d’émission permettra l’organisation de radiodiffusion de haute qualité
musicale, encore inconnue jusqu’à présent, avec la méthode ordinaire dite par
modulation à amplitude ; mais ces émission devront avoir lieu
obligatoirement au moyen d’ondes très courtes et ne pourront être reçues
qu’avec des appareils spéciaux, dans un rayon restreint autour de la station
d’émission, de l’ordre de 80 à 100 kilomètres au maximum. Il existe déjà
aux États-Unis de nombreuses stations de ce genre, et la radiodiffusion
française a fait installer à Paris une première station d’essai de ce type à
puissance réduite. C’est là un facteur intéressant pour l’avenir.
La télévision aussi est entrée aux États-Unis dans
une phase vraiment industrielle. Les diffusions d’images ont lieu
régulièrement, non seulement en noir et blanc, mais même en couleurs. Ce sont
là des sujets sur lesquels nous pourrons donner des précisions dans la suite de
nos articles.
P. HÉMARDINQUER.
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