La gelinotte vit-elle encore dans le Massif Central ?
Telle est la question que j’allais poser dans ce journal, au
moment où il a cessé de paraître, et à laquelle il serait intéressant de donner
une réponse définitive.
J’ai sous les yeux un ancien numéro de la revue
d’Ornithologie Alauda, contenant un très important article sur la
gelinotte et son comportement dans les forêts de l’Est. Dans son étude sur la répartition
de la gelinotte en France, l’auteur citait la plupart de nos départements de l’Est :
Meurthe-et-Moselle, Moselle, Vosges, Haut-Rhin, Bas-Rhin, Haute-Saône, Doubs,
le Jura, les Alpes.
Mais il ajoutait que l’extension vers l’ouest était plus
difficile à déterminer, et il limitait dans la Côte-d’Or la présence de
l’oiseau à une ligne marquée par le canal de la Marne à la Saône, le cours de
la Vingeanne, de la Saône et du Doubs. Nulle part il n’est question du Massif
Central, et, comme la presse cynégétique était restée, elle aussi, muette à cet
endroit, on pouvait croire que la gelinotte était totalement extirpée des monts d’Auvergne.
Or une plume autorisée a signalé dans Le Chasseur
Français de janvier 1942 la présence et la capture de gelinottes sur le
revers du Puy de Mary, du Plomb du Cantal, en Combraille, aux confins des
départements du Puy-de-Dôme et de l’Allier.
Il serait éminemment intéressant de connaître si ces
apparitions n’ont pas été purement accidentelles, ou le résultat d’une
réacclimatation tentée par un généreux mécène amoureux de la nature, et de
savoir si la gelinotte se reproduit normalement dans ces forêts du Centre.
Encore ne faudrait-il ajouter foi qu’à des témoignages certains, car, en
matière d’ornithologie, il ne faut guère juger que pièces en main, afin
d’éviter toute confusion, telle que celle qui s’est si souvent produite, au
sujet d’un autre gibier, également inconnu de la plupart des chasseurs
français, la bartavelle, oiseau rigoureusement montagnard sur notre territoire,
et qui ne se montre dans les Alpes qu’au voisinage de 2.000 mètres, parfois
plus haut, où il voisine même avec le lagopède et le chamois.
Quant à attribuer à la gelinotte un instinct migrateur, pour
justifier sa présence insolite dans des bois d’où elle était absente, je ne le crois pas.
La gelinotte est essentiellement sédentaire, et moi qui,
dans les Alpes, pratique sa chasse en exclusivité, jusqu’à l’arrivée des
bécasses, je n’ai jamais, depuis l’âge lointain de mes seize ans, observé de migration
de gelinottes, tout au plus quelques déplacements verticaux de haut en bas,
de 1.200 à 4 ou 500 mètres, en septembre, alors que les mâles courent les
bois, à la recherche d’une compagne avec laquelle ils passeront fidèlement
l’hiver.
Or, comme je l’ai déjà dit ici, le nombre des femelles est
très inférieur à celui des mâles, et, à mon avis, c’est bien là une des causes
principales de ces déplacements, véritables vagabondages masculins pouvant
laisser croire à une migration.
Quant au peuplement isolé des Pyrénées, il faut y voir bien
plus une « relique » des temps quaternaires, qu’une manifestation
d’une humeur erratique, ayant poussé la gelinotte à cette migration au long cours.
El CAZADOR.
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