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Les croisements chez les perdrix grises

C’est un fait maintenant connu de tous les chasseurs que la reproduction des perdrix sauvages en parquets par croisements entre perdrix de Bohême et perdrix françaises réussit très bien.

Certaines personnes nous ont demandé si cela ne se produisait pas uniquement en parquets parce que les oiseaux n’y avaient pas le choix.

Nous pouvons répondre d’une façon affirmative que nos coqs français s’accouplent aussi bien avec des femelles de Bohême que les femelles de France s’accordent parfaitement avec les coqs de Bohême, et cela non seulement en parquets, mais aux champs, où ils se marient librement.

On sait que dans la reproduction i1 y a généralement plus de mâles que de femelles, tout au moins dans les premières couvées, car, en seconde couvée, c’est toujours le contraire qui se produit, les femelles étant alors en majorité.

Il faut noter qu’il n’y a de secondes couvées que lorsque, les premières n’ayant pas réussi, les perdrix font une deuxième ponte.

Comme ce sont le plus souvent les premières couvées qui repeuplent les chasses, il y a donc généralement excédent de mâles, d’où ménage à trois, un deuxième coq cherchant à s’accoupler avec la femelle déjà pourvue d’un mâle.

Les gardes connaissent cela et, s’ils ne peuvent donner de femelles aux coqs en surnombre, ils cherchent à se débarrasser de ceux-ci soit au fusil, soit en les capturant au moyen d’une perdrix chanterelle ; cette opération s’appelle l’écoquetage. Pour le faire, voici comment on procède.

On met une femelle de perdrix, dite chanterelle, dans une petite cage à barreaux et on place cette cage soit sous une mue, soit dans un piège perpétuel à barreaux mobiles.

La femelle rappelle et les mâles célibataires ne tardent pas à venir rôder autour de la cage et à se faire prendre.

Pour garder la chanterelle en bon état, il faut disposer dans sa cage un petit plateau à nourriture, y mettre du blé et de la verdure.

Si l’on n’a pas pu se procurer des perdrix femelles, mieux vaut alors se débarrasser au fusil des coqs en surnombre, leur présence gênant les couples et constituant un danger pour la réussite des couvées.

Cependant, pour ceux qui font un peu d’élevage, ne serait-ce que le sauvetage des œufs de perdrix, il y a grand intérêt à capturer des coqs et à les garder entravés en parquets jusqu’à la reproduction, car on peut, par le système de l’adoption, faire de petites compagnies qui se comporteront aussi bien que les couvées naturelles nées aux champs.

Mais le mieux est encore, pour celui qui pourra en faire la dépense, d’acheter quelques femelles.

Ce sera une excellente chose, car cela permettra aux coqs en surnombre de s’accoupler et réalisera ce double but que les coqs ainsi pourvus ne dérangeront plus les couples formés et qu’eux-mêmes fonderont une nouvelle famille qui augmentera le nombre des perdreaux de la chasse.

Nous allons, pour répondre à des questions posées tant sur l’efficacité des repeuplements en perdrix par lâchers d’oiseaux étrangers sur les chasses que sur leur cantonnement là où on les lâche, citer deux cas que nous avons vus de près.

Dans une des plus belles chasses de l’Oise, le propriétaire, pendant bien des années, faisait venir chaque hiver cent perdrix femelles de Bohême, et on les lâchait aux coqs en surnombre, dès l’accouplement des perdrix aux champs.

Le garde éleveur de cette propriété nous a affirmé avoir toujours eu le meilleur résultat de ces lâchers.

Quant à craindre que les perdrix étrangères mises sur chasse ne s’y fixent pas, voici une expérience que nous fîmes il y a longtemps et qui prouve bien, au contraire, qu’elles adoptent le terrain où on les met, bien entendu s’il est favorable.

Une société de chasse au sein de laquelle il y avait eu des discussions à ce sujet nous demanda comment on pourrait se rendre compte si les oiseaux mis sur le terrain y restaient bien.

On en était, à cette époque, aux premiers essais de baguage des oiseaux sauvages, et nous donnâmes le conseil qu’à l’arrivée des perdrix on leur passât une bague à une patte.

La société prévint ses adhérents du baguage qui était fait et demanda aux chasseurs de chacune de ses sections de lui renvoyer toutes les bagues qui pourraient être retrouvées sur les oiseaux tués en chasse.

Chacun y mit de la bonne volonté, et l’on obtint ce résultat qu’il fut relevé sur les perdrix tuées près de 80 p. 100 des oiseaux de Bohême qui avaient été lâchés pour le repeuplement.

Ce résultat, très supérieur à ce que nous attendions, fut la preuve qu’avec des reproducteurs de qualité on pouvait obtenir par mise aux champs d’oiseaux adultes une grande multiplication de perdrix.

René DANNIN.

Le Chasseur Français N°608 Juin 1946 Page 185