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Le dressage du cocker

La vogue qu’a connue cette charmante race avant guerre va probablement reprendre. Cette vogue est surtout due à la petite taille de ce chien, d’où son transport facile en auto et aussi de son caractère gai et de son adaptation parfaite de chien d’appartement. De plus, trois clubs s’occupaient sérieusement de sa propagation en organisant expositions spéciales et épreuves.

Au point de vue utilisation, il peut rendre de bons services dans presque tous les genres de chasse, mais à la condition d’avoir subi un dressage assez poussé, sinon, surtout en plaine, il sera peu utilisable.

Voyons donc les principes à lui inculquer :

D’abord le « down », ou « terre », sera exigé, et cela d’une façon rigoureuse et, pour ainsi dire, automatique, au bras levé et au sifflet.

À cet effet, dès l’âge de quatre à cinq mois, on habituera l’élève à se coucher avant de toucher à sa pâtée et on ne le laissera la manger qu’à l’ordre ; puis, à la promenade, on lui commandera le down de temps en temps, en levant le bras et accompagnant le geste d’un coup de sifflet un peu prolongé. Si le chiot n’a pas obéi immédiatement, le prendre par le collier et le ramener à l’endroit où l’ordre lui a été donné, le faire coucher en répétant le down et le coup de sifflet. Ne lui donner l’ordre de se relever, en lui disant : « allez », qu’après une minute ou deux.

On l’habituera à se coucher à la détonation en tirant une amorce avec un pistolet d’enfant. Quoique peu de Cockers aient peur du coup de feu, cet exercice contribuera à l’y habituer.

Quand on aura obtenu la parfaite exécution de cet exercice, un grand pas sera déjà fait.

À dix ou onze mois, on commencera la mise au rapport forcé. Un Cocker qui ne rapporte pas est un chien incomplet : une de ses grandes qualités doit être celle de bon retriever. Pour lui inculquer cette qualité, il faut s’armer de patience et conserver toujours son calme, car, avec certains sujets, les chiennes principalement, il faudra de la patience.

On commencera par lui mettre dans la gueule un petit sac de sciure enveloppé dans un morceau de peau de lapin (en forme de boudin), et on le lui fera tenir jusqu’au commandement « donne ». Quand il le tiendra seul, on le fera marcher en tirant sur la laisse, et en lui disant : « apporte ». Ceci obtenu, on le mettra au down et on posera l’apportable à quelques centimètres de son nez, puis on le fera avancer en tirant sur la laisse et en lui disant : « prends, apporte » ; puis, lui ouvrant la gueule, on lui fera prendre l’apportable, on le fera marcher en répétant : « apporte ». Au fur et à mesure, on éloignera l’apportable jusqu’à ce que le chien le prenne franchement.

Alors, après l’avoir mis au down, on jettera l’apportable assez loin, mais on exigera que le chien ne se relève pour aller le chercher qu’au commandement « apporte ». Une fois cet exercice exécuté correctement, on augmentera le poids de l’apportable en remplaçant la sciure par du sable et on habituera le chien à le chercher, l’apportable étant caché, après avoir été traîné sur quelques mètres. On lui dira : « cherche, apporte ». On pourra ensuite remplacer l’apportable par un petit pigeon ou un lapereau morts.

Dès le début, on exige que le chien soit assis avant de lui prendre l’apportable. C’est le moyen de l’empêcher de tourner autour du maître avant de donner la pièce. Tout ceci, qui s’écrit en quelques lignes, demandera pas mal de temps. Chaque séance ne devra pas durer plus d’un quart d’heure, mais pourra être répétée plusieurs fois par jour. Il faudra ne la terminer qu’après avoir obtenu satisfaction, mais pour cela ne pas exiger trop à chaque leçon.

Pour tous ces exercices « down et rapport », on pourra se servir du collier de force, mais il ne faudra en user qu’avec ménagement si le sujet est trop récalcitrant. Un chien mis au rapport par cette méthode rapportera toute sa vie, quoi qu’il arrive, au lieu que celui qui a pris le rapport en jouant pourra le refuser un jour, pour une cause quelconque.

Pour le rapport à l’eau, on utilisera une mare ou un ruisseau à légère déclivité : la pièce lancée à un mètre ou deux sera généralement saisie et rapportée au premier essai. Le Cocker ne craint pas l’eau, mais il faudra choisir cependant un jour où l’eau n’est pas trop froide.

Ayant obtenu un down et un rapport impeccables, on pourra conduire l’élève sur le terrain, mais à ce moment seulement.

Le terrain devra être assez couvert d’herbe ou de bruyères.

Après avoir mis l’élève au down, on lui dira : « allez », en lui indiquant de la main une direction, soit à droite, soit à gauche ; quand il se sera assez éloigné, on le rappellera par un coup de sifflet bref et on lui indiquera la direction opposée de façon à lui inculquer la quête croisée. Chaque fois qu’il aura tendance à piquer en avant, on le rappellera et le fera coucher aux pieds avant de reprendre sa quête.

Si, à un moment donné, l’élève paraît percevoir l’émanation d’une pièce de gibier, on le calmera en lui disant : « tout beau » et, s’il semble trop ardent, on le mettra au down, puis on tâchera de faire partir la pièce de gibier.

À l’envol ou à la fuite du poil, on exigera le maintien du down, cela sans essayer au début de tirer la pièce.

Quand on aura obtenu l’immobilité au départ, on pourra commencer à tirer.

La pièce tuée ou blessée, le chien ne devra partir à sa recherche qu’au commandement « apporte ».

Tous ces détails paraîtront superflus à d’aucuns, cependant c’est le seul moyen de pouvoir toujours tirer le gibier poil sans avoir à craindre de blesser ou tuer son compagnon.

C’est le travail exigé pour les épreuves de Spaniels.

Quelques dresseurs professionnels, dont plusieurs aujourd’hui disparus, y présentaient leurs élèves complètement dressés dans ces conditions et quelques amateurs également, ce qui prouve que ce n’est impossible pour personne.

A. ROHARD.

Le Chasseur Français N°608 Juin 1946 Page 189