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Le pincement du poirier

Beaucoup de propriétaires de jardins fruitiers, qui reconnaissent bien la nécessité de tailler leurs poiriers en hiver, sont persuadés que, cette taille effectuée, il ne reste plus rien à faire à leurs arbres jusqu’à l’hiver suivant ... C’est là une conception un peu trop simple de la culture du poirier !

Si, en effet, la taille d’hiver présente une certaine importance et ne doit pas être négligée, elle ne joue pas, comme on semble trop souvent le croire, le principal rôle dans la préparation de la fructification. Le pincement, pratiqué pendant la période de végétation, a, au contraire, une grande influence sur cette préparation.

Il nous a été donné de définir déjà le pincement et de préciser son but pour les arbres fruitiers en général.

D’autre part, en ce qui concerne le poirier, nous avons, dans un article paru dans Le Chasseur Français de janvier 1939, indiqué comment s’effectue la taille trigemme, la plus pratiquée, de beaucoup, dans les nombreux endroits où cet arbre n’a qu’une végétation modérée.

Nous nous proposons donc aujourd’hui de rappeler à nos lecteurs comment doit s’opérer le pincement :

Il convient, tout d’abord, de noter qu’en règle générale la poussée vigoureuse, ou prolongement, qui termine toute branche de charpente, ne doit pas être pincée dans le cours de la végétation. Cette pousse, en effet, doit rester un puissant aspirateur de sève brute et, pour bien remplir ce rôle, doit posséder beaucoup d’organes foliacés. Elle doit, en outre, transformer cette sève brute en sève élaborée et ne peut, ici encore, le faire que si ses feuilles sont nombreuses et intactes.

À titre exceptionnel, cependant, on pince le prolongement d’une ou de plusieurs des branches de charpente d’un arbre lorsque celles-ci présentent une vigueur exagérée par rapport aux voisines.

Ce faisant, on diminue en effet le nombre de feuilles qu’elles portent et, comme conséquence, on appelle vers elles moins de sève et on ralentit ainsi leur développement.

Au-dessous de la pousse de prolongement, on trouve, sur la portion de branche de l’année précédente conservée à la taille, des pousses de vigueur différente. Elles sont, en général, d’autant plus vigoureuses qu’elles se rapprochent davantage de l’extrémité de la branche.

La plus proche du prolongement a, surtout dans les branches verticales ou obliques, tendance à prendre beaucoup de développement et, dans nombre de cas, deviendrait vite un gourmand. On a l’habitude de la retrancher complètement, à 2 ou 3 millimètres de son point de départ. Les yeux stipulaires placés à sa base donneront des pousses de moindre vigueur.

Les pousses placées plus bas que le gourmand prennent ordinairement un développement moindre. Elles sont à peine grosses comme un crayon et susceptibles, par conséquent, de donner des rameaux à bois. On les pince à une longueur de 20 à 22 centimètres, dès qu’elles en ont 30. Cette longueur correspond à environ 4 à 6 feuilles bien formées.

Exceptionnellement, dans certaines variétés, et notamment dans la Passe-Crassane, on a avantage à effectuer le pincement au-dessus de la première feuille qui porte un œil à son aisselle. Cette pratique permet de tailler plus court l’hiver suivant, sans craindre de voir la coursonne ne donner aucune pousse par la suite.

Au-dessous des pousses à bois, on observe fréquemment d’autres pousses de plus faible calibre et de vigueur très modérée. Ce sont des brindilles qui se termineront, en générai, d’elles-mêmes, par un bouton à fruit l’année suivante. Certaines variétés comme Beurré d’Hardenpont, Beurré royal, Doyenné du Comice ont souvent des brindilles, et c’est sur celles-ci que la fructification s’établit d’abord. Malheureusement, le bouton à fruit placé à l’extrémité d’une brindille un peu longue ne donne pas toujours de bons résultats. Lorsque le fruit est gros, il est balancé par le vent et tombe souvent avant d’être bon à récolter. Aussi a-t-on l’habitude de ne pas pincer la brindille, mais de la casser lorsqu’elle est à demi lignifiée, c’est-à-dire à la mi-août, au-dessus de trois ou quatre feuilles. Le dernier mouvement de sève détermine la formation d’un bouton à fruit au-dessous de la cassure. Ainsi, le fruit qui en naît se trouve convenablement alimenté et peut fort bien tenir jusqu’à l’époque favorable à sa cueillette.

Époque du pincement.

— Il est essentiel de se rappeler que, pour produire tout son effet, le pincement doit être effectué de bonne heure et alors que la pousse à pincer est encore à l’état herbacé dans la plus grande partie de sa longueur.

L’époque du premier pincement des pousses qui donneront des rameaux à bois ordinaires se place, en moyenne, vers le début de juin. À la suite de ce pincement, la pousse pincée cesse de s’allonger, mais bientôt, à l’aisselle de la feuille supérieure, naît une pousse secondaire appelée faux bourgeon.

Vers la mi-juillet, ce faux bourgeon a déjà 12 à 15 centimètres de longueur ; on le pince, à son tour, à une feuille au-dessus du point où la pousse a été pincée la première fois.

Il s’ensuit un nouvel arrêt dans l’allongement, puis un autre faux bourgeon apparaît auquel, dans les jardins bien tenus, on applique encore un pincement à une feuille au-dessus du second. On limite, le plus souvent, à trois le nombre de pincements, et même, dans un but d’économie de main-d’œuvre, on se contente souvent d’en faire deux.

Traitement des ramifications fruitières déjà taillées en hiver.

— Sur chacune de ces ramifications, taillées à trois organes, l’œil devenu terminal par suite de la taille donne généralement une pousse de vigueur moyenne qui sera plus tard un rameau à bois. Cette pousse subit les trois pincements indiqués ci-dessus, dans les mêmes conditions que les pousses nées sur la portion de prolongement conservée à la taille. Les refoulements de sève résultant de ces pincements permettent aux yeux ou organes placés plus près de la base d’évoluer progressivement, pour se transformer d’abord en dards et ensuite en boutons à fruit.

Dans quelques variétés vigoureuses, il est courant d’avoir, sur les ramifications fruitières, non pas seulement une pousse à bois terminale, mais deux pousses à bois. La plupart du temps, la pousse terminale a une certaine avance sur l’autre.

Il faut éviter d’effectuer en même temps le pincement de ces deux pousses. Le refoulement brusque de sève qui en résulterait déterminerait le développement en pousse à bois de l’œil ou du dard placé à la base de la ramification fruitière, et la fructification s’en trouverait retardée au lieu d’être avancée.

On pince donc d’abord la pousse la plus développée et on attend qu’elle ait émis un faux bourgeon et que celui-ci ait quelques feuilles ; à ce moment-là seulement, on pince la seconde pousse. Le deuxième pincement se fait de même, alternativement, sur les deux faux bourgeons. Ce pincement alternatif permet, le plus souvent, d’obtenir le résultat escompté, c’est-à-dire la formation de l’organe fructifère à la base de la ramification fruitière.

Il ne nous est pas possible, dans le cadre de cette courte étude, d’examiner tous les cas particuliers qui peuvent surgir. Nous nous bornerons donc à cet exposé des principes généraux du pincement, qui permettront de résoudre la plupart d’entre eux, en préparant une fructification meilleure et plus régulière.

DELPLACE.

Le Chasseur Français N°608 Juin 1946 Page 202