Les abeilles se montrent d’ordinaire plus pacifiques
qu’agressives ; mais, lorsqu’on les importune, elles ne cachent pas leur
mécontentement et elles font au visiteur indésirable ou maladroit un accueil
obstructif.
Il y a des races moins douces et aussi parfois des colonies
plus intraitables et difficiles à aborder ; mais on peut dire qu’en
général les abeilles ne piquent jamais sans être provoquées et aux abords de
leur ruche, lorsqu’elles se croient menacées.
D’ordinaire, une abeille irritée fait entendre un
bourdonnement particulier, comme un cri de colère, et « viraude »
quelques instants autour du visiteur avant de tirer l’aiguillon. Les personnes
craintives se démènent et s’agitent ; c’est le vrai moyen d’indisposer
davantage la mouche importune et de la décider à lancer sa flèche empoisonnée.
Lorsqu’on se sent menacé par une ou plusieurs abeilles et
que l’on n’est pas protégé, le meilleur parti à prendre est de rester calme, de
se couvrir le visage avec les mains et de se retirer doucement à l’écart. Si
plusieurs abeilles continuent à vous harceler et que vous vous sentiez plus
exposé, cachez-vous dans du feuillage, s’il y a quelques arbustes à proximité,
ou couchez-vous à terre sans bouger ; les assaillantes alors cesseront de
vous poursuivre.
Ces avis sont pour les profanes, qui, n’étant pas
familiarisés avec les abeilles, en ont une grande frayeur et ne savent pas
comment se comporter quand ils en voient quelqu’une tourner autour d’eux.
Quant aux apiculteurs, ils s’attendent à recevoir, de temps
à autre, quelques coups d’aiguillon, mais, s’ils savent s’y prendre, ils les
éviteront presque toujours. Le plus souvent, c’est par suite d’une fausse
manœuvre de l’apiculteur que se produisent chez les habitantes de la ruche le
trouble et l’agitation contre ceux qu’elles considèrent comme des ennemis. Souvent
elles s’irritent parce qu’on les aborde à un mauvais moment ou qu’on les
malmène et porte leur patience à bout. Elles ont leur nerfs et leurs
impressions et, en certaines circonstances, elles n’aiment pas être dérangées.
Il n’est donc pas inutile de donner aux débutants les conseils de prudence qui
leur éviteront, à eux et peut-être aussi à leur entourage, des désagréments ou
accidents d’autant plus regrettables qu’ils auraient pu, avec un peu de
prévoyance, les éviter.
Avant de visiter pour la première fois une ruche, les
novices auront avantage à prendre une leçon de choses auprès d’un bon
praticien. Ils verront combien il procède avec calme et douceur, et combien les
abeilles se montrent dociles sous l’action de la fumée. Nos mouches, il est
vrai, sont sensibles et nerveuses, elles n’aiment ni les heurts ni les
secousses, ni les mouvements brusques et saccadés, et, si elles donnent des
signes d’irritation, avec un peu de fumée on a tôt fait de les calmer.
La fumée est donc indispensable pour traiter les abeilles,
et tout apiculteur doit être muni d’un bon enfumoir fonctionnant bien. Nous
avons déjà traité ce sujet. Inutile d’y revenir. Pour l’instant, nous voudrions
donner aux débutants les principales règles à observer pour éviter les piqûres
dans les manœuvres du rucher.
N’allez jamais travailler au rucher sans vous être couvert
le visage d’un bon voile, bien adapté et sans trous. Il peut être fait de tulle
ou de toile métallique ; ce dernier a l’avantage d’être tenu toujours à
distance de la piqûre. Et prenez aussi les précautions voulues pour que les
abeilles ne puissent s’introduire sous les vêtements. Les novices pourront
prendre des gants, mais pas de mitaines qui irritent les abeilles.
Apprendre à reconnaître les mauvaises intentions des
abeilles. Lorsqu’on en voit rôder autour de soi faisant entendre un
bourdonnement aigu, n’y prêter aucune attention, si on est bien protégé.
Si une abeille se pose sur la main, ne pas s’agiter, ni
chercher à la chasser brusquement, mais se contenter de reconduire avec un peu
de fumée, et surtout ne pas souffler dessus, ce serait la porter à piquer.
Éviter d’aborder les abeilles lorsqu’on est tout en sueur,
et avec des habits de travail qui ont contracté une forte odeur. Nos mouches
ont l’odorat très sensible et certaines odeurs leur déplaisent.
Lorsqu’on visite une ruche, ne pas se tenir devant, mais à
l’arrière ou sur un côté. Les abeilles sont portées à piquer ceux qui se
tiennent dans leur ligne de vol et gênent les entrées et sorties.
Naturellement, elles invitent à leur manière les gêneurs à se retirer.
Ne pas laisser les animaux approcher des ruches ; ils
seraient sûrement une occasion de trouble et jetteraient, à leurs dépens,
l’animation parmi les travailleuses de la ruche, qui, se croyant menacées,
prendraient l’offensive et pourraient causer des accidents regrettables. Les
ruches doivent toujours être installées dans un endroit où rien ne viendra
troubler la tranquillité des ouvrières.
Lorsqu’on a quelque opération à faire au rucher, opérer dans
le milieu de la journée, de préférence, et par un beau temps, jamais par un
temps froid ou pluvieux, ni en temps d’orage.
Éviter d’ouvrir les ruches après une pluie qui a suspendu la
miellée. Tout arrêt soudain dans la récolte rend les abeilles méchantes.
Certaines miellées, celle de sarrasin en particulier, rendent les abeilles plus
irritables. Les uns attribuent cela à l’acide formique que contiendrait le
sarrasin, d’autres l’expliquent par l’arrêt qui se produit à certaines heures
dans la sécrétion du nectar, qui est abondante dans la matinée et cesse
complètement le soir.
Lorsqu’on inspecte une ruche par un temps de disette, ne pas
la laisser trop longtemps découverte, pour ne pas attirer le pillage, qui alors
jetterait la perturbation dans la colonie et peut-être dans tout le rucher.
Manœuvrer toujours avec la plus grande douceur, prestement,
mais sans hâte, ni hésitation. Le tempérament de l’apiculteur influe sur
l’attitude des abeilles. Ce n’est pas qu’elles montrent des préférences pour
l’un ou pour l’autre, mais il y a des manières de procéder qu’elles n’acceptent
pas. Donc, avec elles, pas de violence ni de brutalité, ce serait provoquer
leur courroux.
Ne jamais visiter une ruche sans l’avoir légèrement enfumée,
et, au cours de la visite, enfumer encore lorsque les abeilles paraissent
s’agiter et vouloir faire irruption hors de la ruche. Mais ne jamais abuser de
l’enfumoir. Pour rendre la fumée plus calmante, on peut joindre au combustible
un peu de propolis, ou un petit morceau da rayon. Si on avait affaire à une
colonie revêche, on pourrait, pour la calmer, asperger le dessus des cadres
d’un peu de sirop de sucre ou de miel.
En inspectant les cadres, bien veiller à ne pas écraser
d’abeilles, car l’odeur du venin irriterait la colonie. Remettre les cadres à
la place qu’ils occupaient et tournés dans le même sens.
Grâce à ces précautions, les piqûres se feront rares. Il
nous est arrivé bien des fois de faire la récolte de tout un rucher sans avoir
été l’objet de la moindre agression de la part des abeilles, et nous pouvons
même ajouter, en toute sincérité, que, loin d’être une corvée, ce travail était
pour nous un véritable agrément.
P. PRIEUR.
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