On entend souvent dire que la médecine fait moins de progrès
que la chirurgie, comme si ces deux branches de l’art de guérir étaient
nettement séparées et si les découvertes nouvelles ne retentissaient pas à la
fois sur l’une et sur l’autre. L’histoire des sulfamides est là pour le
démontrer ; leur emploi « médical », en comprimés ou en
injections intraveineuses, a bien souvent amélioré les résultats d’actes
chirurgicaux, quand il n’a pas été jusqu’à permettre de les éviter.
C’est en étudiant l’action des colorants sur les microbes
qu’Erlich a vu que certaines substances, sans être douées de propriétés
antiseptiques proprement dites, exerçaient sur les microbes une action
« bactériostatique », en paralysant leurs réactions de défense tout
en exaltant celles de l’organisme.
La sulfanilide, employée en premier lieu, donna des
résultats brillants, presque spectaculaires, dans l’érysipèle et dans
l’ostéomyélite, mais se révéla assez toxique. Tous les laboratoires se mirent à
la recherche de produits à la fois plus actifs et moins toxiques ; la
liste serait longue de tous ceux qui furent expérimentés actuellement, en
Amérique surtout, où l’on a fait un usage considérable de ces médicaments
pendant la guerre ; leur nombre est pratiquement réduit à trois ou quatre.
Le sulfathiazol, qui a donné de bons résultats, est
aujourd’hui presque entièrement supplanté par la sulfadiazine et réservé à des
emplois locaux, pour l’usage externe.
La sulfadiazine (spécialisée en France sous le nom d’adiazine)
est à la fois plus active, plus maniable et plus diffusible ; la
sulfapyridine s’emploie dans les affections à méningocoques et la
sulfaguanidine dans les maladies dysentériformes.
La sulfadiazine est particulièrement active contre les
infections à pneumocoques, à gonocoques, à streptocoques et à
staphylocoques ; elle agit aussi dans les brucelloses et dans
l’actinomycose.
On voit aujourd’hui des pneumonies, des blennorragies
guéries en trois jours. L’action des sulfamides est nulle dans les affections à
virus, comme le rhume vulgaire, comme le rhumatisme articulaire aigu et dans la
scarlatine ; on l’emploie cependant pour prévenir les complications.
À titre prophylactique, on a pu enrayer des épidémies de
scarlatine, empêcher des maladies vénériennes. Encore faut-il être assez
prudent dans ces cas. En effet, de petites doses de sulfamide risquent de
sensibiliser l’organisme et de le rendre intolérant au moment où la médication
s’imposerait, et, d’autre part, les microbes, eux aussi, s’y acclimatent,
deviennent « sulfarésistants ».
C’est une médication héroïque, qu’il faut employer à fortes
doses, dans les cas graves (jusqu’à 10 grammes pour une première prise,
dose répétée ensuite dans la journée, par fractions, toutes les cinq heures
environ). On donne parfois la première dose par injection intraveineuse, les
suivantes par voie buccale. Dans les cas moins sérieux, les doses seront
moindres ; elles sont naturellement réduites chez les enfants. Il est de
toute importance de donner des boissons abondantes (les urines ne devant pas
tomber au-dessous de 1.200 centimètres cubes par jour) et de faire prendre, en
même temps, une quantité équivalente de bicarbonate de soude.
La chimiothérapie n’a pas dit son dernier mot ; on
découvrira peut-être des médicaments encore plus actifs, plus maniables, mais,
dans l’état actuel, la sulfamidothérapie constitue un progrès considérable.
Dr A. GOTTSCHALK.
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