Depuis la loi du 15 décembre 1922, qui a étendu la
législation des accidents du travail aux exploitations agricoles, la question
de savoir si les accidents de chasse peuvent être considérés comme accidents du
travail s’est posée à plusieurs reprises devant les tribunaux. Mais il est
difficile de dégager des décisions qu’ils ont rendues une règle générale :
la solution varie du tout au tout suivant les circonstances.
Il existe cependant deux principes qui ne sont pas
douteux : en premier lieu, un accident qui survient à l’occasion de la
chasse (et ce que nous disons de la chasse s’appliquerait aussi à la pêche) ne
peut être considéré comme accident du travail que si, lors de l’accident, la
victime accomplissait un travail salarié ; s’il en était autrement, la
législation des accidents du travail serait sans application. Tel est le cas
quand l’accidenté est un chasseur participant ou non à la chasse avec l’auteur
de l’accident, ou une personne passant dans les environs.
En deuxième lieu, il faut que l’accident se soit produit au
cours ou à l’occasion du travail, et que ce travail soit en relation avec la
chasse. À titre d’exemple, si un ouvrier employé à un travail agricole est
blessé par les plombs d’un chasseur, il y a bien accident du travail au regard
du patron pour lequel l’ouvrier travaillait, mais non au regard du chasseur
ayant causé l’accident ; ce dernier n’est pas soumis aux règles régissant les
accidents du travail, notamment il n’est responsable que s’il a commis une
faute dont l’accident a été la conséquence.
Où la question devient difficile, c’est quand l’accidenté
est une personne employée pour le service de la chasse ou de la pêche et
rémunérée à ce titre. La loi de 1922 décide que la législation relative aux
accidents du travail est applicable « aux ouvriers, employés ou
domestiques autres que ceux exclusivement attachés à la personne occupés dans
les exploitations agricoles de quelque nature qu’elles soient ». La
question qui se pose est donc de savoir si l’exercice de la chasse ou de la pêche
peut être considéré comme faisant partie ou comme constituant une exploitation
agricole.
Bien que la jurisprudence ne se soit pas prononcée d’une
manière précise sur ce point, il semble qu’elle ait tendance à répondre à la
question ci-dessus par la négative. Tel est le cas, notamment, pour un arrêt
rendu, le 20 mai 1941, par la Cour d’appel de Grenoble, à l’occasion d’un
accident survenu au garde particulier d’une société de chasse au cours d’une
tournée de surveillance, et pour un arrêt de la Cour d’appel d’Amiens du 20 juin
1933, au cas d’un rabatteur blessé par un coup de feu tiré au cours d’une
battue organisée par une société de chasse. Les deux arrêts ont considéré que
l’exercice de la chasse par les membres d’une société de chasse n’a rien de
comparable avec une exploitation agricole, alors que le but poursuivi est le
seul agrément des chasseurs et que le gibier ne peut être considéré comme un
produit du sol.
C’est dans des cas exceptionnels que la solution contraire
pourrait être admise ; un arrêt de la Cour d’Agen du 8 janvier 1940 a
ainsi considéré comme accident du travail celui survenu à un ouvrier agricole à
l’occasion d’actes de destruction d’animaux nuisibles accomplis sur les
instructions du maître.
En définitive, on peut considérer qu’en dehors de cette
dernière hypothèse la législation des accidents du travail ne s’applique pas
aux accidents dont sont victimes les rabatteurs, porte-carniers ou tous autres
employés dans la pratique de la chasse.
Paul COLIN,
Docteur en droit, Avocat à la Cour d’appel de Paris.
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