Tous ceux qui travaillent à l’amélioration de la chasse sont
unanimes pour reconnaître qu’on avait, dans les dix années qui ont précédé la
guerre, fait de grands efforts en vue de multiplier le gibier.
Il s’agit, maintenant que la mauvaise période de guerre est
passée, de repartir du bon pied et, après avoir rappelé où l’on en était en
1939, d’envisager, pour chaque espèce, les mesures propres à en augmenter le
nombre.
N’oublions pas qu’un seul gibier est suffisamment prolifique
pour résister à l’assaut de tous les chasseurs, c’est le lapin de garenne.
Tous les autres, pour ne pas diminuer en nombre ou peut-être
même disparaître, ont besoin de protection et doivent être l’objet de mesures
appropriées, si l’on veut que le cheptel gibier soit en augmentation sur tout
le territoire.
C’est une question de vie ou de mort pour la chasse.
On a vu, en certaines périodes, le nombre des porteurs de
permis diminuer considérablement quand une année de chasse avait été mauvaise.
C’est tant mieux, diront certains chasseurs, il en restera davantage pour les
autres.
Nous ne sommes pas de cet avis.
Si la chasse était sérieusement exploitée comme une
production agricole, il n’y aurait pas à souhaiter une diminution du nombre des
chasseurs. Mais, pour cela, il faudrait qu’à une augmentation du nombre des
porteurs de permis corresponde une augmentation de gibier.
La chose est possible ; nous le démontrerons par la
suite.
Nous ne reviendrons pas dans cet article sur toutes les
causes qui amènent la destruction du gibier en dehors du chasseur. Si ces
causes sont plus sensibles dans le temps présent, c’est justement parce qu’il
n’y a plus de quoi satisfaire tout le monde.
Que, par l’effet des sociétés départementales ou communales
de chasseurs, on arrive à faire tuer, chaque année, une centaine de pièces en
moyenne par porteur de permis, et les déprédations des braconniers, des chiens
errants ou des animaux nuisibles (car il y a lieu de craindre qu’il y en ait
toujours), seront beaucoup moins sensibles.
Nous allons dire quelques mots des anciens parcs fédéraux
pour la reproduction du gibier et donner quelques vues sur leur avenir. Les
vingt et un parcs pour la reproduction du gibier qui furent construits en
France avant la guerre procédaient de l’idée suivante :
Repeupler est une chose très simple. On achète des perdrix
par exemple ; on les accouple à la fin de l’hiver ; elles produisent
une couvée qu’il n’y a plus qu’à lâcher sur la chasse.
Ce serait évidemment très simple si les choses se passaient
ainsi, et point ne serait besoin de parler ou d’écrire sur leur multiplication
ni de faire des efforts dans ce but.
Mais il y a loin de la coupe aux lèvres, et les
organisateurs de ces parcs ont été obligés de se rendre compte que c’était
beaucoup moins simple qu’ils ne l’avaient pensé tout d’abord.
En effet, la réussite de toutes les espèces de gibier dans
un parc dépend de trois facteurs, qui sont : un bon terrain, des
reproducteurs de qualité et un garde éleveur capable.
Qu’un seul de ces trois éléments vienne à manquer, et c’est
l’échec absolu.
Cependant ces trois facteurs de réussite n’ont pas la même
importance, et le premier cité : un bon terrain, est de tous le plus
nécessaire.
En effet, si le terrain est mauvais, il n’y a qu’une
solution : choisir ailleurs un terrain favorable et y transférer le parc
(si les clôtures ont été convenablement posées, on peut parfois les démonter).
Mais, dans ce cas, que de temps et d’efforts perdus et de dépenses
inutiles !
Nous avons vu cela dans un parc à lièvres qui, établi sur un
terrain rocheux, ne voyait disparaître l’eau des pluies que par évaporation.
C’est dire que, quand il avait plu, le gibier était dans
l’humidité pendant plusieurs jours, surtout si, à la pluie, ne succédait pas
tout de suite un temps chaud et ensoleillé.
On y lâcha, deux années en suivant, des lièvres de
reproduction, mais tout creva, et nous ne pûmes que donner le conseil
d’abandonner le terrain.
Les deux autres facteurs ont des conséquences moins
désastreuses. Si le gibier reçu ou le garde engagé ne sont pas bons, on
s’arrange pour avoir mieux l’année suivante.
On aura évidemment perdu une année, et nous savons que les
chasseurs qui ont engagé une dépense importante voudraient au plus vite
multiplier le gibier sur leurs chasses.
Aussi doit-on s’attacher à obtenir, dès la première année,
de bons résultats.
Pour cela, il ne faut pas engager de dépenses à la légère,
mais organiser le repeuplement comme une affaire industrielle, c’est-à-dire en
prévoyant bien tous les aléas possibles et en prenant toutes les précautions susceptibles
d’améliorer le rendement.
René DANNIN.
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