C’est en Angleterre, où je suis depuis plusieurs mois, que
je reçois Le Chasseur Français ; bien entendu, j’ai lu, je crois,
tous les articles, les uns après les autres, et, en particulier, celui sur le Welsh
Spaniel que je connais particulièrement, allant beaucoup dans tout ce pays de
chasse par excellence où il y a de nombreux Packs (équipages) de renards
et de Otterhounds, en particulier. Le Welsh Spaniel n’a pas trop souffert, car
c’est un chien de chasse dont on se sert dans le pays et non le type d’export,
dont on ne se sert pas en Angleterre.
Ces Welsh Spaniels font environ 45 à 48 cm. les plus
grands ; ils sont faits en chiens de travail, costauds, et avec des
oreilles normales. Ce sont de jolis petits Cobs énergiques à l’air intelligent.
J’en ai vu qui arrêtaient parfaitement. Le fait de les voir crier sur des
pistes chaudes n’est qu’une question de manque de dressage, et c’est tout ;
ils ont du nez, rapportent d’ordinaire naturellement et par goût, et sans
dressage ; ils valent nos Bretons, dont, paraît-il, ils sont les ancêtres
ayant leur infusion de Setter. Leur couleur rouquine mordorée — et j’ai vu
souvent des Bretons de même coloration — en serait la preuve.
Les chasseurs de bécasses et de gibier d’eau sont très
amateurs de ces Welsh, et ce sont, du reste, des chasseurs de bécasses venus en
Bretagne qui ont amené leurs chiens avec eux. Et ces Welsh ont croisé avec les
petits Épagneuls de pays de la Bretagne, car — il ne faut pas l’oublier
— les races en vogue ont deux types : le type chasse, qui intéresse
les vrais amateurs et chasseurs, et le type exposition dit de position. La
différence qui existe, c’est que le premier type est un animal sélectionné sur
ses qualités de chasse et type de chasse, avant tout, tandis que, pour le
second, son élevage est orienté sur le type exposition, la plupart du temps inservable
à la chasse, mais très rémunérateur.
J’ai chassé avec de fameux Cockers, mais des chiens de
chasse que l’on n’expose pas : ils sont parfaits, je le reconnais, mais je
n’ai jamais vu à la chasse ces Cockers avec des oreilles immenses à faire rêver
les Bloodhounds et les rendre jaloux ; avec des têtes étroites, des crânes
ou l’imbécillité les guette, ces chiens, s’ils entraient dans un roncier, n’en
sortiraient jamais, pris par les oreilles ou ayant les pieds dessus sans
pouvoir bouger.
Seulement, ces élevages rapportent davantage aux éleveurs
qui les exportent à l’étranger, jusqu’au jour où on changera le type ;
alors ce type anglais nouveau fera changer le type de Cockers d’expositions et
leur vogue. Les Cockers de chasse sont à l’abri de ces sautes de modes.
Cette guerre a fort diminué le cheptel canin, et certaines
races sont devenues vraiment des objets de collections rares. Je m’intéresse
particulièrement aux Irish Water Spaniels ; les meilleurs retrievers du
monde et dont l’eau et les marais restent l’élément. Pensez qu’en Angleterre il
n’y a plus que cent Irish Water Spaniels et cinquante en Irlande, tous
enregistrés.
La race qui a le plus souffert, ce sont les Bloodhounds. Il
faudra avoir recours aux importations d’Amérique pour en continuer l’élevage en
Angleterre. Pour les terriers, les Sealyhams aussi sont devenus rares. Quant
aux Packs, Foxhounds, Harriers, Beagles, ils ont terriblement souffert ; faute
de nourriture, on a dû en abattre un grand nombre.
On en élève à nouveau, et la sélection sera meilleure, car
on n’a conservé, à grand frais (ceux qui ont pu avoir de la viande), que des
animaux de choix et comme type et qualité ; il y a donc eu une sélection
forcée.
Les Packs ont diminués de plus de moitié ; ceux qui
restent et qui comptaient cent couples et plus, en ont vingt. Mais on élève, et
l’espoir reste en un avenir prochain où ces nombreux Packs seront reconstitués.
Ces sélections dues à l’état de guerre ont touché tous les
éleveurs de chiens en général ; c’est également vrai pour les Setters et
Pointers que l’on n’a pas élevés et qui sont devenus vieux avant d’avoir
reproduit.
Mais toutes ces races de chiens d’arrêt comme celles des
chiens courants ne sont pas en péril, sauf celles dont j’ai parlé plus haut.
BOURBON DE LA MOTTE.
NOTE DE M. DE KERMADEC. — La lettre de M. Alain
Bourbon de La Motte est extrêmement intéressante. Ce qu’il dit de la parenté du
Welsh Spaniel et de l’Épagneul breton est reconnu par les insulaires connaissant
les deux chiens et proclamé par votre serviteur depuis près de quarante ans.
Cette parenté est très ancienne et date sans doute de
l’immigration en Armorique des Celtes de Grande-Bretagne, après la chute de
l’empire romain. L’évolution vers le chien d’arrêt véritable d’une des branches
de la famille est un phénomène de date relativement récente et voulue. Pour
tout dire, je suis porté à considérer le Welsh Spaniel comme la souche de
l’Épagneul breton, puisque tout avait été détruit un moment par les invasions
barbares en Armorique péninsulaire. On peut penser aussi que les Celtes
possédaient tous, anciennement, ce chien de taille réduite, bien avant le temps
des armes de jet perfectionnées, et qu’il servait à s’emparer par surprise des
animaux gîtés. Chez le Springer gallois, cette aptitude subsiste. L’Épagneul
breton véritable n’a donc aucun point de commun avec l’Épagneul français, ni
physique, ni moral. Cependant les deux formes ont été alliées donnant un
produit de qualité. Mais ceci est une simple observation incidente.
Ce qui demeure est l’unité d’origine du Welsh Spaniel et
de l’Épagneul breton. Dans ce dernier subsiste le souvenir du moral Springer
(non de Briquet comme on l’a dit), et il le doit conserver pour ne pas perdre
ses aptitudes à explorer les couverts les plus mauvais et aussi cette activité
grouillante qui en fait un chien d’arrêt à part dans la série. Le jour où
l’Épagneul breton ne manifesterait d’aptitudes que peur la plaine, il perdrait
une part des qualités variées ayant assuré son succès. L’alliance avec le Welsh
Spaniel, d’ancienne sélection, semblerait convenir en pareille conjoncture.
Quant aux considérations de notre correspondant sur les
types « exposition » et « utilité », elles sont formulées
depuis longtemps par tous les éleveurs soucieux de la seule qualité pratique.
Les races canines et celles de volailles connaissent, pour beaucoup d’entre
elles, le type exposition dit par antiphrase sportif. Cette entité, faite pour
satisfaire certains intérêts et la mode, nuit singulièrement aux races pures
dans l’esprit des praticiens. Beaucoup de nouveaux venus aux races pures, étant
tombés à leur début sur des beautés sans vertu, sont retournés à la sélection
utilitaire. Évitons pareille erreur et recherchons toujours le type révélé
comme le meilleur par l’épreuve. Réservons la fantaisie pour les races de luxe.
R. DE KERMADEC.
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