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Nouvelles technologies arboricoles

La fumure des arbres fruitiers

Tous les agronomes sont d’accord sur la nécessité d’apporter des engrais aux arbres fruitiers, afin de compenser les prélèvements effectués dans le sol par les récoltes de fruits.

Mais des observations précises faites à ce sujet ont révélé que, si l’élément azote peut être fourni facilement et assez rapidement aux arbres, à n’importe quel stade de leur végétation, et, de ce fait, en corriger les déficiences, il n’en est plus de même des autres éléments : acide phosphorique et potasse.

On sait, en effet, que les engrais azotés organiques et ammoniacaux subissent, dans le sol, sous l’influence du bacille de la nitrification, une transformation plus-où moins rapide qui les amène à l’état nitrique, c’est-à-dire soluble dans l’eau du sol. À cet état, l’azote pénètre rapidement, sous l’influence des pluies, dans les couches profondes du sol, où se trouvent les racines des arbres.

Mais on sait également que l’acide phosphorique et la potasse, bien que se trouvant, dans les engrais du commerce, solubles en tout ou partie dans l’eau, ne pénètrent que fort lentement, étant retenus à proximité de la surface par le pouvoir absorbant du sol.

Or les fumures ne peuvent avoir d’effet utile que si les trois éléments : azote, acide phosphorique et potasse, sont associés en proportions convenables pour constituer ce que l’on appelle une fumure équilibrée.

C’est pourquoi on a essayé, depuis longtemps déjà, d’introduire à une certaine profondeur, c’est-à-dire à portée immédiate des racines capables de les utiliser, des engrais phosphatés et potassiques. Mais les méthodes employées (épandage dans les rigoles plus ou moins profondes, introduction d’engrais solides dans des trous pratiqués à la barre à mine) n’ont jamais donné de résultats probants.

Une amélioration très notable a été réalisée, ces dernières années, par l’emploi d’un pal injecteur spécial, soit employé seul, soit relié à un pulvérisateur à plus ou moins grand travail, de préférence à pression préalable. Cette nouvelle méthode, appliquée avec succès dans l’Orne, dès 1936, par MM. Corbière et Warcollier, a été depuis perfectionnée par M. Glœnzer, ingénieur agricole, qui s’est attaché, d’une part, à rendre plus pratiques les appareils en usage et, d’autre part, à préciser la composition des engrais à utiliser et les meilleures époques d’application. Voici, très brièvement exposée, quelle est la technique d’emploi actuelle.

Nature des engrais employés.

— Il ne peut être question que d’engrais solubles. La solution, plus ou moins concentrée, peut parfois comprendre 20 kilogrammes d’engrais pour 100 litres d’eau. Les plus employés sont le phosphate d’ammoniaque, le nitrate de soude, le nitrate de potasse, le sulfate de potasse. Ces dernières années, dans l’impossibilité de se procurer certains d’entre eux, on a dû avoir recours également au phosphate disodique et au chlorure de potassium.

Les formules varient selon l’âge des arbres, les arbres jeunes réclamant davantage d’azote, tandis que les arbres plus âgés demandent proportionnellement plus d’acide phosphorique et de potasse. On obtient les proportions voulues en faisant entrer dans ces formules des quantités plus ou moins fortes des engrais dont on dispose.

Certaines firmes préparent d’ailleurs des engrais rigoureusement dosés et d’emploi commode. Les deux formules les plus usuelles sont : 16-12-8 (à dominante d’azote), convenant aux arbres portant des fruits et aux jeunes arbres en formation, et 16-19-29 (à dominante d’acide phosphorique et de potasse), convenant aux arbres adultes et vigoureux qui ne portent pas de fruits.

Mode d’application.

— L’apport d’engrais est effectué avec un pal injecteur, soit fonctionnant à bras, soit en relation avec un pulvérisateur à pression préalable. Le pal est conçu de telle façon que la quantité de solution injectée dans le sol à chaque coup de piston soit constante. À son extrémité est une sorte de baïonnette creuse percée, à sa partie inférieure, d’orifices latéraux permettant l’écoulement du liquide à une profondeur que l’on peut régler à volonté et qui peut atteindre 50 centimètres.

M. Glœnzer estime que, pour un arbre de plein vent, la dose d’engrais doit avantageusement se répartir en huit trous d’injection pratiqués à l’aplomb des extrémités de branches, de préférence sous les branches maîtresses. Dans chaque trou, on fait autant d’injections que l’arbre est présumé devoir porter ou porte effectivement de centaines de kilogrammes de fruits.

Pour les fuseaux, il est fait quatre trous d’injection et une seule injection par trou ; pour les cordons ou les palmettes, deux ou quatre trous selon l’étendue de la forme.

Époques favorables.

— Les diverses expériences réalisées ont montré qu’une seule application d’engrais, faite au départ de la végétation, ne donne que des résultats insuffisants. Les essais de M. Glœnzer l’ont amené à préconiser d’apporter, en trois fois, la quantité jugée nécessaire, soit environ 1.200 grammes par 100 kilogrammes de fruits portés ou présumés portés par l’arbre.

La première application se fait au départ de la végétation ; la seconde, dès que le fruit est bien noué, c’est-à-dire gros comme une noix ; la troisième, trois semaines ou un mois avant la récolte.

Conclusion.

— L’emploi de cette méthode de fumure permet d’entrevoir une amélioration très notable des rendements actuellement obtenus. Il a également été observé un accroissement de la résistance des arbres aux maladies cryptogamiques.

La mise en application de ce procédé étant, en outre, extrêmement facile, il ne semble pas douteux qu’il se généralise très rapidement, dès que les appareils nécessaires pourront être fabriqués en grande série et mis à la disposition des usagers et que le rationnement des engrais pourra être établi sur des bases moins sévères qu’actuellement.

E. DELPLACE.

Le Chasseur Français N°609 Août 1946 Page 249