Après la guerre 1914-1918, on introduisit en France des
souches de Leghorn, nommée alors reine des pondeuses. Cette race n’est
autre que l’italienne Livourne, donc une méditerranéenne, que les
aviculteurs américains, aidés, guidés par les stations expérimentales
d’outre-Atlantique, sélectionnaient depuis une trentaine d’années pour la
ponte, de génération en génération.
La Leghorn est, aux États-Unis, la pondeuse
industrielle type. Va-t-elle être supplantée par une nouvelle race, la Hy-line ?
Et cette race va-t-elle être introduite en France après cette dernière guerre,
comme l’a été la Leghorn d’Amérique après la précédente ? Alors que
la Leghorn est une vieille race qui a été sélectionnée méthodiquement et
sur une vaste échelle, la Hy-line est une race fabriquée. Il est utile
que vous en connaissiez les particularités.
La Hy-line a pour créateur le fils de M. H.-A.
Wallace, ancien secrétaire d’État à l’Agriculture aux États-Unis. M. H.-A.
Wallace est aussi, et surtout, un génétiste réputé et très fortuné grâce aux
célèbres variétés de blé à grand rendement qu’il a obtenues et commercialisées.
M. Wallace fils a hérité du goût de son père pour des travaux du même
ordre, qu’il centralisa sur l’amélioration des poules pondeuses, avec l’idée de
détrôner la Leghorn, chez quelques lignées de laquelle on observe des
signes de dégénérescence résultant d’une exploitation intensive sans
correctifs.
Les premiers essais de croisements entrepris par M. Wallace
fils en vue du but qu’il s’était proposé ne connurent pas de succès. Aussi,
conseillé par des spécialistes, adopta-t-il la méthode originale
suivante : il étudia comparativement comment se comportaient les
championnes de ponte de 300 œufs et plus (car les très grandes pondeuses
ne sont pas toujours de merveilleuses procréatrices), ainsi que celles des
troupeaux produisant une moyenne annuelle de 200 œufs et plus, Leghorn
et autres races, notamment la Rhode-Island rouge, race à deux fins,
également appréciée aux États-Unis. Il choisit, pour effectuer des croisements
entre ces deux races, des poules d’après leurs vigueur, précocité, rythme de
ponte, etc. et des coqs issus des sujets qu’il jugeait les plus parfaits.
Tant que les familles ainsi constituées par l’union des deux
sangs demeuraient dans ses poulaillers-laboratoires, les résultats obtenus et
constatés étaient encourageants ; mais, dès que les meilleures pondeuses
étaient mises dans une ferme, la ponte diminuait notablement.
Conseillé par un génétiste à qui il avait exposé une
technique qu’il dégageait de ses expériences et observations, M. Wallace
fils entreprit, à partir de 1930, un élevage en étroite consanguinité de deux
souches de grandes pondeuses, l’une de Leghorn, l’autre de Rhode-Island,
toujours en races pures. Dans chacune des lignées des deux races, il élimina
impitoyablement les poussins éclos tardivement, ceux qui se développaient
lentement, ne conservant que coquelets et poulettes robustes, pleines de
vitalité et, pour ces dernières, les pondeuses précoces, au rythme de ponte
régulier et donnant le maximum d’œufs.
Après la quatrième génération et les brassages successifs,
il estima qu’il possédait des géniteurs d’élite, avec lesquels il pouvait
entreprendre les croisements dont il espérait des résultats remarquables. C’est
ce qu’il fit en croisant Leghorn x Rhode-Island et Rhode-Island x
Leghorn. Les résultats de ponte furent très satisfaisants ; mais, par
contre, de ces brassages de sangs, de cette hérédité artificielle, apparurent
des anormaux, des exemples de moins de résistance aux affections, etc., qui
furent aussi impitoyablement éliminés. Les sujets conservés furent transplantés
dans plusieurs milieux, habitués à toutes les nourritures, afin de faire jouer
la sélection naturelle destinée à éliminer les moins résistants.
La nouvelle race, nous fait-on connaître, ne comporterait
que des sujets robustes, vigoureux, au plumage blanc parsemé de quelques
minimes traces noires. Les premiers troupeaux furent répartis dans une centaine
de fermes pendant quatre ans, à titre d’épreuves de résistance. Ils s’y sont
bien comportés.
M. Wallace déclare avoir ainsi constitué une race de
championnes standard de ponte s’adaptant à tous les milieux, donnant une
moyenne annuelle stable de ponte de 200 œufs, pondant précocement dès
octobre de très beaux œufs, dans une proportion de 70 p. 100 de plus que
les autres races au cours de leur entrée en ponte.
Cinq cent cinquante mille poulettes de cette nouvelle race
auraient été vendues en 1945. Quatre millions ont été commandées et déjà
livrées cette année. M. Wallace prédit que, dans deux ans, tous les
éleveurs de volailles d’Amérique en posséderont au moins 300 chacun.
Ne vous emballez pas cependant, car les prix des Hy-line
doivent être inabordables pour nos francs dévalués. Mais il convient que vous
connaissiez que cette race existe et comment elle a été constituée. Il est
d’ailleurs probable que quelques spécialistes d’Angleterre vont importer des
sujets, comme cela fut fait avant 1914 et après 1918 pour les Leghorn
américaines. Dans l’affirmative, nous aurons ainsi des éléments européens
d’appréciation.
J’ajoute qu’il est d’ailleurs à votre portée de tenter
pareils croisements, ce qui est réalisé à première génération, pour distinguer
les poussins coquelets des poussins futures poulettes. Des croisements du même
ordre ont déjà été effectués en Suisse, et la moyenne de 200 œufs a été
également dépassée.
Claude AXEL.
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