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La mode de Paris

J’hésitais jusqu’à maintenant à vous entretenir des grandes robes, ces grandes robes dont l’allure est si noble, ces robes qui sont toute la gloire de notre grande couture, et pourtant ! Il faut, pour le prestige de cette couture qui, durant tant d’années, a survécu à toutes les difficultés, pour le bon renom, immortel, de notre élégance et aussi pour la vie de ce luxe français, source de profits pour le gouvernement et de travail pour tant d’ouvrières incomparables, il faut que la mode des grandes robes renaisse à Paris. Maints galas, cet hiver et surtout ce printemps, ont été prétexte à créations merveilleuses ; nos couturiers ont travaillé tant et plus pour le théâtre, pour le cinéma, pour les grandes tournées. Vous, mes chères lectrices, vous mariez vos enfants.

Pour cette cérémonie qui reste dans la vie des jeunes et dans la vôtre pleine d’inoubliables souvenirs, il faut maintenant que vous portiez la robe longue.

Peut-être la dépense que représente pour vous cette grande robe, par la suite inutilisable, vous laisse-t-elle encore hésitante ? Les couturiers ont pensé à parer à cette objection ; ils ont donc conçu beaucoup de ces robes à deux fins ou plus exactement à deux combinaisons, l’une par l’adjonction d’une jaquette ou d’un boléro amovibles qui cache le décolleté et permet de dissimuler un corsage de bal sous un corsage de jour, l’autre par le jeu de deux jupes interchangeables, l’une longue, l’autre courte, qui changent complètement l’aspect de la toilette.

Certains couturiers, envisageant la pénurie des transports, les inconvénients d’une jupe longue dans les moyens de locomotion en commun, conçurent la robe du soir courte ; nous avons vu ainsi des robes du soir, sans en être aux profonds décolletés, aux dos nus, aux épaules découvertes au-dessus de courtes jupes de ballerines ; mode provisoire s’il en fut, à mon avis, non-sens que nous verrons disparaître sans regrets quand arriveront des temps meilleurs ; au contraire, le corsage montant à manches courtes ou longues au-dessus de la grande jupe a donné les plus heureux résultats.

Au hasard des collections, nous avons pu admirer de sculpturales robes drapées dont la beauté antique est quasiment sans époque et ne se démode point ; elles étaient faites de jerseys mats et souvent prolongées par des écharpes, des pans, leur donnant une grâce majestueuse ; en blanc, elles font les plus belles robes de mariées qui soient. Mme Grès, Marcelle Alix, Maggy Rouff, entre autres, nous ont permis d’en admirer de magnifiques. Lucien Lelong, premier couturier revenu à la ligne droite, il y a déjà deux saisons, nous propose, cet été, de minces fourreaux de mousseline plissée « mécanique », dont le corsage très simple, mais largement ouvert en V devant et derrière, est dissimulé, pour un cortège, sous une veste, un paletot, un boléro ou un blouson de satin brillant épais et clair, blanc, gris-perle ou mauve mourant.

Ce boléro tant à la mode est d’une ressource extraordinaire. Pour un mariage en septembre, par exemple, ou pour une grande réception d’après-midi, le boléro de fourrure : vison, hermine ou hermine lustrée d’été, voire boléro de renard, sera ravissant sur n’importe quelle robe habillée et pourra être joliment utilisé ensuite aussi bien pour le jour que pour le soir.

En cette saison, le tailleur de crêpe imprimé, choisi dans de beaux tons chauds, blonds ou verts ou rouge ancien et blancs, le tailleur à basque volantée ou drapée « à la lavandière », avec jupe interchangeable longue ou courte, sera aussi appréciable pour une mariage que pour le casino. J’ai vu récemment, chez Jacques Heim, certains imprimés rehaussés par endroits d’une broderie de paillettes et de perles faisant scintiller le dessin, mais reproduisant les mêmes motifs et les mêmes couleurs ; c’est un détail très raffiné. Le grand canotier plat tout frissonnant de paradis ou piqué de touffes de crosses est d’une grande élégance pour accompagner ces toilettes.

G.-P. DE ROUVILLE.

Le Chasseur Français N°609 Août 1946 Page 259