Émissions 1851-1857.
— Tous les philatélistes français connaissent le
procédé de fabrication des vieux timbres des premières émissions de France. Les
Anglo-Saxons adoptèrent un tout autre procédé et sortirent ces timbres que nous
appelons gravés : le penny noir, anciens britanniques, américains,
chiliens, etc. Il est inutile de s’étendre sur la valeur artistique de ce
procédé inventé par un Américain de Philadelphie, Perkins, lequel devait plus
tard devenir fameux dans les annales philatélistes en tant que fondateur de la
firme londonienne Perkins, Bacon et Co, graveurs et imprimeurs de
tant des premiers classiques. Mais, si ce procédé donnait des résultats dont la
valeur artistique ne fut jamais égalée, ses lacunes techniques furent non moins
certaines : c’est à elles que l’on doit la plupart de ces variétés qui,
aujourd’hui, font la joie des spécialistes, mais qui, en réalité, ne sont pas
autre chose que des « loupés » de fabrication. Sans entrer dans les
détails techniques du procédé Perkins ou siderography, rappelons-en les
grandes lignes :
1° Le dessin choisi était gravé en creux et à l’envers sur
un bloc d’acier, le coin du graveur (die). 2° Cette empreinte était
reproduite par un procédé de pression sur un autre bloc d’acier de forme
circulaire (transfer roll), en deux, trois ou plus exemplaires,
théoriquement identiques mais en fait, par suite de pressions inégales, tous
légèrement différents les uns des autres. Ces nouvelles empreintes (transfers)
se présentaient forcément en relief et à l’endroit. 3° Elles étaient à leur
tour « reportées » par ce même procédé de pression, en 100 ou 200 exemplaires
sur les planches d’impression, les empreintes se présentant alors à nouveau en
creux et à l’envers. Ce second report du dessin original, aussi soigneusement qu’il
ait été fait, était loin d’être parfait et surtout identique, chaque empreinte
étant différente de ses voisines. C’est ce qui permet le planchage des timbres.
Et c’est aussi ce qui explique l’existence des différents types de l’émission
1851-1857.
Le timbre de « one cent » fut créé en 1851. Notre
catalogue indique trois types. Le type I n’est pas autre chose que celui qui
correspond presque exactement au dessin, tel qu’il figurait sur le coin du
graveur. Or les difficultés techniques du report étaient telles, aggravées
d’ailleurs par la finesse du dessin original, que, sur les quatre planches qui
servirent à l’impression du one cent non dentelé, parmi les 800 timbres
sortis, il ne s’en trouve qu’un qui soit de ce type. C’est la fameuse position
7 R. de la planche 1 premier état. Ce timbre est l’un des plus rares
parmi les Américains. L’on estime que la planche dut servir à 36.000
impressions, ce qui devrait donner un même nombre de timbres de ce type. Or on
en connaît à peine une quarantaine. D’où son prix élevé : 800 dollars
pour un exemplaire bien moyen. Notre catalogue indique un même type I pour la
série dentelée de 1857 : ce type, bien moins rare, n’a rien à voir avec le
précédent, car non seulement il ne provient que d’une planche spéciale vers la fin
de l’émission, mais encore cette planche tire son origine d’autres transfers
que la planche 1. Le dessin n’est pas tout à fait le même dans les deux
cas. Et, en particulier, le transfer du type I seconde manière possédait une
marque secrète qui le différencie complètement de l’autre. Cette marque étant
l’un des points du cadre ovale trois ou quatre fois plus gros que les autres, à
gauche, exactement au milieu de l’ovale. Pour en finir avec ce type I, les
ouvrages américains indiquent des types 1 a, 1 b, etc.
Ce ne sont que des similaires du type I franc, mais moins bien reproduits. Vu
les prix atteints par les types 1 non dentelés, les tentatives de fraudes
sont nombreuses. La plus courante consiste à compléter les volutes inférieures
d’un autre timbre d’un type bon marché. Mais, heureusement, il existe d’autres
points de repère qui font que ce timbre est pour ainsi dire impossible à
truquer. Une autre escroquerie consiste à rogner les dents d’un type I
dentelé : la présence de la marque secrète met tout de suite les choses au
point, car ce type I seconde manière n’existe que dentelé. Ce même second type
I existe aussi en essais sur papiers à timbres et non dentelés, d’un bleu très
vif, mais tous bien entendu avec la marque secrète.
Le second type, en tant que rareté, est le type III. Au
contraire du précédent, il correspond au résultat le plus éloigné du dessin
original. Les caractéristiques données au catalogue sont justes, mais très
insuffisantes, car ce type se divise en réalité en presque autant de sous-types
qu’il y a de positions, chacun présentant de notables différences d’avec ses
voisins. C’est un timbre très difficile à estimer, car les prix varient dans
d’énormes proportions, selon que le type est plus ou moins bien accusé. En se
fiant au catalogue, on risque d’acheter beaucoup trop cher des timbres
incontestablement de ce type III, mais de transition, pourrait-on dire.
Les truqueurs se sont aussi emparés de ce timbre ; mais, cette fois, au
lieu d’ajouter, ils enlèvent. Un timbre du type II légèrement imprimé se
prête fort bien à ce genre d’opérations ; par un grattage habile du cadre
inférieur, le voici du type III. Comme pour les types I, expertise
indispensable.
Rien de particulier à dire sur le type II, qui, étant
le meilleur marché, est abandonné des faussaires. Notre catalogue bloque sous
ce type le type américain IV, qui est le type I ou II retouché. Les
prix variant selon le nombre de retouches, d’honorables gentlemen se sont
chargés d’augmenter ces marques intéressantes. Il existe encore un type
américain V, seulement dans les dentelés de 1857, que nous mélangeons à
tort avec le type II. Sa caractéristique est d’avoir les ornements
verticaux plus ou moins érasés volontairement, afin de faciliter le piquage. Ce
type sert souvent de matière première pour des truquages d’autres types, après
ablation de la dentelure.
Le one cent, surtout le non dentelé, fut souvent oblitéré à
la plume : d’où lavages. Il est rare que cette opération soit très
réussie, le bleu du timbre ne s’y prêtant guère. Aussi les timbres lavés
sont-ils rarement présentés comme neufs, mais plutôt agrémentés d’une charmante
oblitération de circonstance, très souvent des chiffres de couleur. Comme ce
timbre, entre autres usages, servait à rémunérer les carriers (auxiliaires semi-officiels
des postes), il n’est pas rare non plus de voir de rares cachets de carriers
sur ce timbre lavé ; vu les prix, l’expertise s’impose. Un autre truquage,
très dangereux celui-là, consiste à imiter sur un timbre ordinaire les marques
résultant d’un accident de planche (cracks). Les prix de ces variétés
étant très élevés, l’opération est payante. Le concours d’un spécialiste au
courant du planchage est indispensable. Peu de truquages sur lettres, la prime
étant réduite et l’usage de ce timbre limité à des emplois bien définis.
M.-L. WATERMARK.
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