Le bon aspect de l’arme favorite est toujours un plaisir de
plus pour son possesseur. Certes, tout ce qui luit n’est pas or, et un fusil se
recommande en premier lieu par ses qualités balistiques, mais beaucoup de
chasseurs dont les armes ont été détériorées au cours des événements de ces
dernières années seront heureux de savoir comment on peut leur donner le
meilleur aspect possible et, tout au moins, remettre les crosses à neuf.
Concernant ce dernier travail, un de nos abonnés nous
communique aimablement sa méthode, et nous en donnons aujourd’hui d’autant plus
volontiers l’exposé à nos lecteurs que nous avons personnellement éprouvé
autrefois l’efficacité de procédés analogues. Nous y ajoutons quelques
conseils.
Il s’agit donc actuellement de réparer des ans les outrages
les plus réparables et qui sont dus à l’humidité des cachettes de guerre ou aux
mauvais coups reçus de-ci de-là.
Si nous pouvons démonter ou faire démonter les pièces
métalliques vissées sur la crosse, cela n’en vaudra que mieux ; à défaut,
on peut déjà améliorer très sensiblement une crosse sans la dégarnir. Voici la
suite des opérations concernant le bois.
En premier lieu, il faut enlever toute trace de vernis,
huile ou encaustique, avec un chiffon imbibé d’alcool ou d’un alcali caustique
employé par les peintres à cet usage. Après séchage complet, s’il y a lieu,
nous entreprendrons de relever les enfoncements au moyen d’un fer chaud
appliqué in loco sur quelques épaisseurs de chiffon mouillé. Recommencer
trois ou quatre fois, en limitant l’action de la vapeur ainsi produite aux
parties à relever. Les fibres du bois, dilatées, viennent presque combler les
enfoncements légers.
S’il y a de notables pertes de matière par éclatement du
bois ou délabrement local, nous aurons recours à une pièce de noyer prise dans
le fil convenable, ou même à un mastiquage au moyen de produits spéciaux à base
de sciure de bois. Dans l’un ou l’autre cas, on affleure à la lime, en rendant
ainsi la forme primitive à la crosse. Ce petit ajustage est à la portée d’un amateur
très moyen et ne nécessite nullement l’intervention du spécialiste.
On prendra ensuite du papier de verre très fin, que l’on
applique sur une planchette de bois aux arêtes arrondies, et on frottera ainsi
toute la crosse, à l’exception des parties quadrillées. Par un travail
suffisamment prolongé, on arrivera à la disparition de tous les enfoncements,
rayures, etc., et on polira les réparations s’il y a lieu.
Mouiller ensuite à l’éponge et laisser sécher, ce qui
provoquera la sortie de nombreuses fibres de bois. On enlèvera ces fibres au
papier de verre et on mouillera à nouveau, puis on repassera au papier de
verre. Cette double opération sera continuée jusqu’à ce qu’aucune fibre ne
sorte plus.
On passera ensuite une onction sérieuse d’huile de lin avec
un chiffon bien imbibé, et on laissera sécher deux ou trois jours. Puis on
polira avec un chiffon fin et sec.
Il s’agit maintenant de boucher les pores. À cet effet,
faire fondre de la gomme laque dans de l’alcool à consistance de sirop ;
au moyen d’un chiffon de coton façonné en tampon, imbibé d’huile de lin et de
deux ou trois gouttes de solution de gomme laque, on frottera toute la surface
de bois en ajoutant, suivant besoin, une goutte de gomme laque de temps en
temps. En une heure de travail, on obtient une crosse uniformément vernie et
bien lisse.
Après trois jours de séchage, on enlèvera le vernis avec du
papier de verre extrêmement fin, et les pores resteront bouchés.
Il ne restera plus qu’à bien essuyer la crosse et à la
lustrer avec un mélange de trois parties d’huile de lin pour deux d’essence de
térébenthine, mélange employé sur un tampon de tissu de coton fin. Répéter ce
lustrage une dizaine de fois, à quelques jours d’intervalle. C’est de la
persistance dans ces dernières opérations que dépend la beauté du travail
obtenu.
Beaucoup de lecteurs trouveront peut-être l’ensemble de ces
opérations assez fastidieux. Ceux-là pourront se contenter de passer, après
ponçage, une ou plusieurs couches de vernis laque ordinaire, mais nous pouvons
les assurer que le résultat n’aura rien de comparable à l’imperméabilité, à la
résistance aux écaillures et aux tonalités obtenues par le procédé décrit par
notre correspondant et qui, appliqué par des spécialistes, fort difficiles à
trouver, reviendrait à des prix très élevés.
Qui veut la fin, veut les moyens.
D’autre part, que peut-on faire aux parties métalliques
attaquées par la rouille ?
Le canon ne doit être nettoyé intérieurement qu’à la brosse
métallique et au pétrole, puis graissé. Toute autre intervention exige le
spécialiste. Les platines peuvent être nettoyées à la brique pilée et au
pétrole, après démontage, étant donné qu’il faudra s’abstenir de modifier
l’ajustage des différentes pièces en intervenant sur les axes, crans de noix,
pivots, etc. Mêmes observations pour la bascule.
Enfin on gagne beaucoup de temps pour les pièces de
garniture telles que plaques de couche en métal, pontets, grenadières, en les
faisant tremper dans une solution acide pendant quelques minutes. La solution
dite électrolyte pour accumulateurs convient assez bien. Au sortir de ce bain,
il faut laver abondamment et essuyer de suite ; on constatera que la
rouille est le plus souvent disparue et, dans les cas graves, très facile à
enlever ; il suffira ensuite de polir au mieux et de graisser de suite.
Nous croyons être utile à beaucoup de lecteurs en leur
rappelant que, pour enlever les vis de garniture, il est indispensable de
posséder un tournevis très fin de fer, prenant la tête de vis dans toute sa
largeur et sa profondeur, et de l’appuyer très fortement d’une main, pendant
que l’on fait tourner l’outil au moyen d’une clef à molette tenue de l’autre
main.
On se trouvera bien de toucher, avec une tige de fer portée
au rouge, la tête de vis pendant quelques secondes, puis, après refroidissement,
de l’attaquer au tournevis.
Moyennant ces quelques précautions, il est rare que l’on ne
vienne pas à bout des vis les plus récalcitrantes. Lorsque la fente de la vis a
été agrandie par une intervention maladroite, il devient très difficile de l’enlever
sans la sacrifier.
Nous conseillons à nos lecteurs de s’exercer à ces petits
travaux sur des armes de panoplie ; ils acquerront ainsi une pratique qui
leur sera des plus utiles en cette période où la main-d’œuvre qualifiée fait
souvent défaut.
M. MARCHAND,
Ingénieur E. C. P.
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