Parmi les décisions prises par la direction de l’Éducation
générale et sportive depuis cette guerre, deux présentent pour la jeunesse
française un intérêt particulier : l’institution du brevet sportif
national et l’obligation du contrôle médical.
Certes, ni dans un cas, ni dans l’autre, l’idée n’est
nouvelle, mais on passe cette fois à l’obligation, seule capable de donner aux
meilleures des conceptions l’essor nécessaire et la généralisation dans tout le
pays.
Le brevet sportif national remplace désormais le brevet
sportif dit populaire, institué en 1936-1937 et qui avait donné les résultats
les plus encourageants. Ce brevet, créé par Léo Lagrange (mort au champ
d’honneur) et par ses collaborateurs, comprenait des épreuves que nous avions
volontairement fixées à des performances assez basses, tout en ayant
l’intention de les relever progressivement, ceci à seule fin d’en permettre la
généralisation rapide et de ne pas effrayer, pour un début, les bonnes
volontés. Car le but de ce brevet était, évidemment, dans notre esprit, de ne
pas faire des champions (ceux-là se révèlent par la force des choses et par
leur goût naturel pour l’effort), mais d’amener au sport de base, l’athlétisme,
le plus grand nombre possible de jeunes Français, surtout dans les campagnes.
Le résultat fut très satisfaisant, puisque, dès la première année, ce brevet
fut passé par plus de cinq cent mille candidats des deux sexes, dont trois cent
soixante-dix-neuf mille furent reçus. Et cet essor entraîna une autre
conséquence heureuse : l’éclosion de petits stades dans un grand nombre de
petites villes ou même de villages qui, jusqu’alors, n’avaient entendu parler
d’athlétisme ou de sports organisés que par le journal.
La nouvelle direction du sport français, grâce aux pouvoirs
plus étendus et au budget dont elle dispose, a pu rendre le nouveau brevet
obligatoire, non seulement à l’école, mais dans toutes les fédérations ou
sociétés sportives, où il est désormais nécessaire pour obtenir les licences
permettant la pratique d’un sport. On peut aussi prétendre que cette obligation
s’étend à la presque totalité de la jeunesse du pays, ce qui était le but à
atteindre.
Si l’on a pu reprocher au brevet de 1937 d’être trop anodin,
on peut craindre que le nouveau ne soit d’un niveau un peu trop relevé, tout au
moins pour un début. Cette constatation ressort du nombre assez élevé d’échecs
que l’on a noté un peu partout, lors des premières sessions. Question de mise
au point, que l’épreuve de l’expérience établira rapidement. Quoi qu’il en
soit, il constitue, tel qu’il est, une sorte d’examen de culture générale
sportive, comportant le minimum indispensable des qualités et aptitudes que
doit posséder quiconque se prétend un sportif. Il comporte des catégories selon
l’âge et le sexe. Voici les performances exigées :
HOMMES.
Douze à quatorze ans : 60 mètres en 11’’.
Saut en hauteur : 0m,90 ; en longueur : 3 mètres.
Lancer du poids de 3 kilogrammes à 9 mètres (deux bras additionnés).
Quatorze à seize ans : 60 mètres en 10’’ ;
500 mètres en 2’. Hauteur : 1m,05 ; longueur : 3m,50.
Lancer (poids de 5 kilogrammes), deux bras : 10 mètres ; ou
grimper 6 mètres à la corde.
Seize à dix-huit ans : 100 mètres .en 15’’ ;
500 mètres en 1’55’’. Hauteur : 1m,15 ;
longueur : 4 mètres. Lancer (poids de 5 kilogrammes), meilleur bras :
7 mètres ; ou grimper 3 mètres avec les bras seuls.
Plus de dix-huit ans : 100 mètres en 14’ ;
1.000 mètres en 3’50’’. Hauteur : 1m,25 ;
longueur : 4m,50. Lancer (poids de 7kg,257) : 7 mètres ;
ou grimper 5 mètres avec les bras seuls.
FEMMES.
Quinze à dix-huit ans : 60 mètres en
11’ ; 300 mètres en 1’. Hauteur : 0m,95. Lancer du
poids de 2 kilogrammes : 8 mètres (deux bras) ; ou grimper
3 mètres.
Plus de dix-huit ans : 60 mètres en
10’ ; 300 mètres en 56’. Hauteur : 1m,05. Lancer du
poids de 2 kilogrammes (deux bras) : 13 mètres ; ou grimper
3 mètres.
Enfin, pour toutes les catégories, 25 mètres de
natation.
Le brevet est désormais obligatoire pour la possession de la
licence, non seulement pour l’athlétisme, mais pour les autres fédérations,
c’est-à-dire pour toutes les compétitions et dans tous les sports, pour les
« moins de vingt ans ».
C’est là une initiative très heureuse, car, nous l’avons
démontré déjà dans ces colonnes, l’athlétisme est le sport de base ; il
est, en quelque sorte, la grammaire et le solfège du sport. Et l’on ne verra
plus de malingres se spécialiser trop tôt dans des sports tels que le tennis ou
le hockey avant d’avoir fait la preuve qu’ils sont capables de courir, de
sauter, de lancer correctement et avec le minimum raisonnable de performances
que se doit de réaliser tout sportif digne de ce nom, quelle que soit sa
spécialité dans la suite.
Quant au contrôle médical, il n’est pas non plus une
nouveauté, et un certain nombre de clubs ou d’écoles le pratiquent déjà et en
avaient démontré l’utilité, depuis quinze ou vingt ans. Mais le fait nouveau
est, là aussi, dans l’obligation qui, grâce au programme mis au point par M. Clayeux,
s’étend désormais non plus seulement aux établissements d’enseignement, mais
aux fédérations et aux sociétés sportives. Le certificat médical d’aptitude à
la pratique de tel ou tel sport de compétition est désormais exigé, pour les
moins de vingt ans, avant d’obtenir une licence, au même titre que le brevet
sportif. Cette généralisation était nécessaire, car les scolaires ne
représentaient qu’une partie de la jeunesse sportive, déjà mieux surveillée
médicalement, en principe, que les juniors qui pratiquent dans des clubs
civils.
Provisoirement, en attendant que l’organisation complète et
le recrutement des médecins informés de la question soient réalisés, ce
certificat sera délivré, pour tous les scolaires, par le médecin de cet
établissement ; pour les non-scolaires, par les médecins fédéraux, les
médecins des clubs ou sociétés. Ce contrôle, strictement limité à
l’appréciation de l’aptitude à la pratique de tel ou tel sport, n’empiète en
rien sur le rôle primordial du médecin de famille, dont les renseignements
éventuels sont évidemment très importants dans certains cas. Il est, en
principe, pratiqué deux fois par an.
Brevet sportif et contrôle médical obligatoires, voici deux
initiatives fort heureuses de l’organisation sportive de notre pays qui
contribueront largement à l’essor du sport, du fait qu’elles donnent aux
familles la garantie que leurs enfants pratiqueront les exercices qui leur
conviennent et dans les catégories pour lesquelles ils sont aptes à les
pratiquer sans danger.
Dr Robert JEUDON.
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