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Produirez-vous des lapins ?

Est-il intéressant, dans les conditions économiques actuelles, de vous engager dans la production spécialisée des lapins à fourrure ? Présentement non, si vous considérez que la vente des peaux doit constituer le profit essentiel d’une telle entreprise.

Qu’il s’agisse d’élevage familial ou d’élevage commercial, le point de vue ne varie pas, même en faisant entrer en ligne de compte la valeur substantielle des carcasses.

Rappelez-vous que l’augmentation du poids de viande de vos lapins ne se poursuit qu’au ralenti à partir de l’âge de quatre à cinq mois. Or, pour que les peaux acquièrent toute leur valeur commerciale, vous êtes obligé de pousser l’élevage de vos bêtes jusqu’à l’âge de huit à dix mois, afin de vous assurer des peaux d’hiver parfaitement fourrées, après la dernière mue, la mue d’été.

Si votre élevage est bien compris, bien conduit, et les sujets copieusement alimentés, les carcasses de ceux de quatre à cinq mois sont vendues un très bon prix et seront pour longtemps encore très recherchées. Les lapins de consommation le seront tant que ne s’équilibrera pas l’offre et la demande sur le marché de la viande de boucherie.

Lapins et volailles continueront donc à être très demandés partout, mais surtout dans les agglomérations. Et vous savez à quel point ils vous sont précieux pour vos propres approvisionnements !

Par ailleurs, le marché des peaux de lapins à fourrure fine est toujours fluctuant et quelque peu dans le marasme. Toutefois, en raison des immenses besoins de l’industrie de la fourrure et des prix qu’atteignent et vont longtemps atteindre les pelleteries de sauvagines d’importation : renards-argentés, platinés et bleus, visons, martres, zibelines, opossums, ragondins, ondatras, etc., les peaux de lapins à fourrure fine pourront être très recherchées. Alors, si la production du lapin est redevenue abondante, le prix des carcasses s’établira vraisemblablement à des cours plus normaux, et les recettes des peaux de ceux abattus en hiver fourniront un appoint appréciable.

Pour cela, il importe que soient modifiées totalement la compréhension et les méthodes d’élevage de ces lapins.

Il existe un nombre très important, trop important de variétés ou races de ces lapins : blancs, bleus, gris, argentés, lilas, havanes, fauves, etc., à mettre en œuvre sans teinture. C’est très intéressant pour un collectionneur ; mais une telle diversité l’est moins au point de vue commercial pour le fourreur.

Il peut en être autrement de la production des fourrures pour votre usage, dans l’élevage familial, car vous vous destinez alors des lapins à la viande plus dense ; mais vous ne disposez, dans le même temps, que de deux portées annuelles de sujets pour la cuisine, alors que vous bénéficiez du tiers en plus si vous les sacrifiez plus tôt, soit trois portées au lieu de deux dans l’année.

Dans le cas actuel, ce n’est pas la rareté qui détermine la valeur des peaux, mais l’abondance de celles homogènes comme taille, densité du fourrage, et surtout couleur, qui permet de les coter à un prix suffisamment élevé. Il faut en effet une quarantaine de peaux parfaitement assorties pour exécuter un manteau, donc des centaines, des milliers pour intéresser un fourreur. Car, s’il établit un modèle flatteur, il peut être en mesure de multiplier celui-ci à la demande. Un tel résultat est conditionné par la production individuelle ou collective d’un type uniforme « standard ».

Pour constituer des lots importants et les commercialiser avantageusement, ne produisez donc pas en ordre dispersé. N’élevez qu’une seule race et entendez-vous avec des éleveurs de votre région pour qu’ils produisent la même race et de la même façon. Ayez l’esprit d’équipe, pour constituer des lots très importants de peaux parfaitement homogènes en tout.

Mais quelles races ? Donnez la préférence à une race précoce d’une belle et rapide venue, aussi appréciée pour la qualité de sa chair que pour la beauté de sa toison. D’abord une race à pelage blanc avec laquelle vous n’avez pas à craindre les fluctuations et les fantaisies de la mode et qui a fait ses preuves : géant blanc du Bouscat, ou blanc de Vendée, ou même le russe. Si ce dernier est de petite taille, il est précoce, de rapide venue, sa chair est d’une incomparable finesse et sa fourrure magnifique de densité et de beauté. Si la mode venait aux peaux bigarrées (blanches mouchetées de gris et de noir), le papillon français, race précoce vite à point, qui, normalement nourri, pèse 3kg,500 à 4 kilos à huit mois. Le chinchilla, le fauve de Bourgogne, l’argenté de Champagne, sont également à deux fins, d’un élevage déjà très étendu, et se présentent à mérites égaux. Ce sont d’excellents producteurs de chair, et leurs peaux, employées au naturel, sont très estimées des fourreurs.

Réservez prudemment pour plus tard toute la gamme des lapins à fourrure fine. Ils sont trop ; il faudra choisir lorsque la mode permettra de vous orienter ; citons aussi le castorrex et les rex de couleur (un prochain article leur sera consacré) ; l’angora, dont le prix du poil monte en flèche et dont le marché s’élargit. Je vous en parlerai, tant l’élevage se présentera bientôt comme très lucratif.

Voilà donc de remarquables instruments de production.

Pour le moment, dotez votre clapier d’une race à pelage blanc ou d’une des sept premières. Visez d’abord à produire de la viande en abondance, en sélectionnant vos sujets de très près, de génération en génération. Constituez-vous ainsi une souche de valeur et des lignées impeccables d’homogénéité. Lors du bon départ, vous serez ainsi en mesure de produire des peaux qualifiées, et aussi de fournir des reproducteurs d’élite dans votre entourage.

Claude AXEL.

Le Chasseur Français N°610 Octobre 1946 Page 304