La loi du 18 avril 1940 portant réforme de la
législation relative à la propriété commerciale a institué, sous certaines
réserves, l’avantage d’une prorogation de plein droit au profit des
commerçants.
A. — Peuvent en bénéficier les commerçants, les
industriels, les artisans ou leurs ayants droit.
Mais ne sauraient s’en prévaloir :
1° Les personnes condamnées en vertu des textes réprimant la collaboration avec l’ennemi ;
2° Celles qui ont fait l’objet de sanctions de la part des commissions paritaires ;
3° Celles qui ont fait l’objet d’une confiscation au titre des profits illicites.
B. — Le bénéfice de cette prorogation est subordonné
à certaines conditions.
Tout d’abord, les commerçants, industriels, artisans et
leurs ayants droit devaient être encore dans les lieux à la date de la loi du
18 avril 1946, c’est-à-dire occuper à cette époque les locaux dans
lesquels ils exercent leurs profession.
Il faut aussi que le bail soit échu depuis le 1er septembre
1939. Par suite, les baux échus avant le 1er septembre 1939 ne
sont pas protégés par cette loi ; il en est de même pour les baux à échoir
après la publication de la loi du 18 avril 1946, pour lesquels les
preneurs ont, par ailleurs, la facilité de demander leur maintien dans les
lieux.
Bien entendu, pour les baux échus depuis le 1er septembre
1939 et renouvelés depuis, le bénéfice de la prorogation ne joue pas, et ce
sont les dispositions de la convention intervenue entre les parties qui
s’appliquent.
C. — La prorogation ainsi instituée est de plein
droit, c’est-à-dire qu’elle est accordée par la loi elle-même et que les
intéressés n’ont pas de demande à faire ou de formalité à remplir pour
l’obtenir.
Les baux auxquels elle s’applique sont uniformément prorogés
jusqu’au 1er janvier 1948.
Il appartient en outre aux preneurs de ces baux de demander,
d’ici le 1er juillet 1947, leur renouvellement suivant la
procédure de droit commun.
D. — Durant cette prorogation, le propriétaire
peut-il exercer le droit de reprise ?
Cette question a fait l’objet d’une vive discussion devant
l’Assemblée nationale constituante. La suspension de ce droit avait été
proposée par voie d’amendement. Le garde des Sceaux en avait au contraire
demandé le maintien. Finalement, un texte transactionnel est intervenu,
autorisant une restriction temporaire du droit de reprise du propriétaire.
Le texte adopté prévoit que : « à titre purement
temporaire et en dehors du cas où le propriétaire use du droit de reprise pour
habiter par lui-même, son conjoint, ses ascendants ou ses descendants, les
locaux loués, l’exercice du droit de reprise, tel qu’il est réglementé par la
législation en vigueur, y compris la présente loi, est suspendu jusqu’au 1er janvier
1948. »
E. — Quel va être le prix de location pendant la
durée de cette prorogation ?
Cette question a été nettement posée lors des débats devant
l’Assemblée nationale constituante. D’après la réponse faite, il semble bien
que le propriétaire ne puisse, à l’occasion de l’octroi de cette prorogation,
demander une majoration du prix du bail.
On a fait remarquer à ce sujet que l’amendement tendant à
instituer cette prorogation avait pour but d’assurer le blocage des prix. Or
l’amendement a été modifié seulement en ce qui concerne la durée de la
prorogation de droit, qui a été réduite et institués seulement jusqu’au 1er janvier
1948, mais il n’a pas été porté atteinte au principe du blocage des prix.
Donc, encore une fois, le propriétaire ne semble pas
autorisé à demander une augmentation du prix de location au moment où cette
prorogation prend naissance.
Mais, en cours de prorogation, lorsque les conditions
économiques se modifient au point d’entraîner une variation de plus du quart de
la valeur locative des lieux, fixée amiablement ou par décision de justice, il
peut (comme le preneur d’ailleurs) demander la révision du prix fixé, s’il y a
trois ans au moins que ce prix a été établi.
La demande de révision dont il s’agit est celle qui ne peut
être formée par les parties que trois ans au moins après l’entrée en jouissance
du locataire et ne peut être renouvelée que tous les trois ans après que le
nouveau prix aura été payé.
F. — Les baux qui viennent à échéance après la
publication de la loi du 13 avril 1946 ne sont pas admis au bénéfice de la
prorogation dont il s’agit.
Leurs preneurs ont pu demander à temps opportun le
renouvellement de leur location.
Au cas où ils ne l’auraient pas fait dans le délai
réglementaire (six mois à deux ans avant la fin du bail), il leur est accordé,
par la loi du 18 avril 1946 modifiée par celle du 7 mai 1946, un
nouveau délai de 6 mois à compter de sa publication pour réparer cet
oubli.
Donc que les retardataires se hâtent.
La demande de renouvellement doit être formée par acte
extrajudiciaire (exploit d’huissier). Une lettre recommandée avec avis de
réception ne suffit pas.
L. CROUZATIER.
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