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Causerie médicale

Angine de poitrine

Bien que cette grave maladie se termine parfois par une mort foudroyante, elle n’est pas l’unique cause des morts subites qu’enregistrent les quotidiens, mais la crise d’angine de poitrine a remplacé, dans la pathologie des reporters, la rupture d’anévrisme autrefois invoquée en pareil cas.

Comme toutes les maladies où intervient un élément nerveux, les crises morales, les soucis, l’inquiétude créent un terrain éminemment favorable à son éclosion.

On a coutume d’en écrire deux formes : l’angine d’effort et l’angine de décubitus.

La première succède à un effort habituellement très modéré, une marche un peu rapide en terrain légèrement en pente, ou encore, cas souvent invoqué, à une marche contre le vent.

La première crise survient, en général, quelque temps après le repas et débute par une sensation de gêne douloureuse dans la région thoracique ; pensant à un malaise digestif, le sujet hâte le pas, mais alors la douleur s’aggrave, devient assez intense pour l’obliger à s’immobiliser, puis à regagner son domicile avec les plus grandes précautions, lorsqu’elle commence à s’atténuer, au bout d’un temps pouvant aller jusqu’à une demi-heure. Le repos la fait disparaître, et tout rentre dans l’ordre jusqu’à l’apparition d’une crise nouvelle.

Trois signes caractérisent la crise d’angine de poitrine : la douleur, ses irradiations et l’état mental qui l’accompagne.

La douleur siège dans la partie supérieure du thorax, en arrière du sternum ; les comparaisons imagées, dont usent les malades en expriment l’intensité ; le plus souvent, ceux-ci parlent d’un étau qui les enserre, de griffes qui les tenaillent.

L’irradiation la plus habituelle se fait à l’épaule et au bras gauches, sous forme de fourmillements douloureux allant jusqu’à l’extrémité des deux derniers doigts, s’arrêtant parfois au coude ou au poignet.

L’irradiation douloureuse peut se faire, plus rarement, le long du bras droit, dans la région cervicale jusqu’à l’angle de la mâchoire, plus exceptionnellement encore du côté de l’abdomen.

L’angoisse qui accompagne la crise lui a valu son nom (angoisse et angine avaient autrefois le même sens) ; c’est une sensation de terreur indéfinissable, avec l’impression d’une mort prochaine.

La seconde forme se présente sous l’aspect de crises le plus souvent nocturnes, survenant pendant le repos le plus complet, le sujet étant couché, d’où son nom d’angine de décubitus ; elle éclate soudainement, avec les mêmes caractères que la forme précédente, plus intense encore, et se termine parfois par la mort ; on l’attribue à une brusque dilatation du cœur, surtout de ses cavités gauches. Les deux formes sont d’ailleurs loin d’être nettement tranchées, et les accès peuvent alterner selon l’une ou l’autre modalité.

Pendant la crise, le pouls, parfois accéléré ou ralenti, n’est généralement pas modifié dans son rythme ; la respiration se fait normalement.

Selon les cas, les crises se succèdent à intervalles plus ou moins rapprochés ; elles peuvent s’atténuer et même disparaître dans les cas favorables, mais le pronostic reste toujours sévère.

La crise douloureuse traduit la souffrance des plexus nerveux de la base du cœur. Quant à l’origine de cette souffrance, on a invoqué différentes causes.

La théorie la plus en vogue est celle d’un rétrécissement organique ou spasmodique des artères coronaires, artères nourricières du cœur, et, de fait, ce rétrécissement a pu parfois être constaté, mais, presque toujours, on trouve des lésions concomitantes de l’aorte, dans la partie initiale d’où partent les artères coronaires.

Bien qu’à un examen superficiel le cœur paraisse souvent indemne, les techniques modernes d’examen, la radiographie, l’électrocardiogramme révèlent souvent des anomalies.

La tension sanguine est souvent élevée, mais elle peut être normale ou même abaissée.

Bien que la maxime du professeur Potain : « il n’y a pas de fausses maladies, il n’y a que de faux diagnostics », soit vraie, on a conservé, pour l’usage courant, la notion, des « fausses angines de poitrine », à cause du caractère fatal attribué à cette maladie.

Certes, on ne parle plus de « fausses angines rhumatismales, goutteuses, arthritiques, dyspeptiques, hystériques, et autres ». Il s’agit là de symptômes n’ayant en général qu’une ressemblance assez vague avec l’angine vraie ; on peut ajouter, comme ayant parfois une lointaine parenté, les crises d’arythmie extrasystolique, affection assez banale et sans gravité.

Le diagnostic n’offre de difficultés que dans les formes frustes ou incomplètes ; la crise d’angine est trop caractéristique pour être confondue avec une crise d’asthme ou d’œdème du poumon, avec une colique hépatique, etc.

Les nitrites et la trinitrine sont les médications héroïques de la crise d’angine d’effort ; le nitrite d’amyle est un liquide très volatil qu’on trouve en ampoules dont il suffit de briser la pointe et d’aspirer les vapeurs ; l’effet est rapide, mais il est parfois suivi d’une forte réaction, amenant une crise plus violente ; on préfère, en général, la trinitrine, que l’on trouve en pharmacie sous la forme de dragées à noyau mou, qu’il est facile de porter sur soi et de croquer à la moindre alerte.

Pour l’angine de décubitus, quand on peut intervenir, on pratiquera une saignée copieuse et une injection de morphine.

Parmi les causes prédisposantes, on a beaucoup incriminé l’alcool et le tabac ; l’alcool n’agit qu’en favorisant la sclérose artérielle, chez les sujets prédisposés du moins ; quant au tabac, son rôle est des plus douteux, mais, pour diverses raisons, on proscrit l’alcool et le tabac du régime des angineux, ou, du moins, on en modère fortement l’usage.

On leur recommande, naturellement, une vie aussi calme que possible, d’éviter tout effort, de veiller à la liberté du ventre, de faire des repas légers et espacés, de boire peu de liquide aux repas.

Quant au traitement médicamenteux, il comportera souvent un traitement spécifique quand il y a lieu.

Sinon, on recourra à des cures alternées de préparations iodées et de nitrite de soude, accompagnées de calmants du système nerveux.

Dr GOTTSCHALCK.

Le Chasseur Français N°610 Octobre 1946 Page 314