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Philatélie

Les timbres des U. S. A.

L’émission de 1851-1857.

— Pour faire suite à notre précédente causerie, disons que le 3 cents de cette émission est probablement le timbre le plus populaire de toute la philatélie américaine. Il offre, en effet, un vaste champ aux recherches du spécialiste du planchage. D’autre part, c’est avec lui aussi qu’on a le plus de chances de rencontrer des oblitérations rares, particulièrement nombreuses à cette époque, tous ces travaux de spécialistes étant d’ailleurs facilités par une copieuse littérature. Le peu de valeur de ce timbre a découragé les truqueurs, dont on ne retrouve guère la main que pour les oblitérations trop belles pour être honnêtes et que pour des nuances rares produites artificiellement. Donc timbre très commun — ce qui n’enlève rien à son intérêt, — mais qui ne mérite en aucune façon les primes extravagantes que l’on demande quelquefois en France pour des exemplaires surchoix.

Le 12 cents terminait la série de 1851 proprement dite. Comme ses devanciers, c’est aussi un excellent timbre de spécialiste, aux nombreuses variétés de planches. Mais timbre noir, donc matériel de choix pour les lavages d’oblitérés plume ; ce qui revient à dire qu’il faut ouvrir l’œil en achetant un exemplaire neuf, même avec gomme — laquelle a été très bien imitée. Se méfier aussi des timbres dentelés de 1857 dont on a rogné les dents. Se méfier encore bien davantage de l’essai de 1857, tiré sur papier à timbres mince et normalement non dentelé, et qui se rencontre, le plus souvent, en paire. Comme point de repère, la plupart des dentelés, ainsi que cet essai, proviennent de la seconde planche, dont la caractéristique est que le cadre extérieur des timbres est toujours incomplet ; tandis que les non-dentelés de 1851, provenant d’une autre planche, ont leur cadre toujours complet par retouches plus ou moins importantes.

Le 10 cents vit le jour en 1855. Comme le 1 cent, il offre quatre types différents et comparables, auxquels il faut adjoindre un cinquième, créé lui aussi pour faciliter le piquage. Mais, alors que, pour le 1 cent, le type rare est le no 1, dessin complet, pour le 10 cents, c’est le type IV, c’est-à-dire retouché. Or une retouche est assez facile à imiter. Ce qui revient à dire qu’un timbre de ce type ne doit être acheté qu’avec prudence. Le type 1 — dessin complet — est plus rarement imité. Mais il existe une pièce exclusivement dangereuse avec laquelle il est très facile de le confondre : l’essai de la série à chiffres de 1861, tiré sur le coin de graveur et sur un papier ne différant que fort peu de celui des timbres. Pas mal de timbres lavés, très rarement présentés comme neufs, mais plus souvent avec de bien belles oblitérations de couleur. Enfin, ce timbre ayant facilement de belles marges, faire attention aux types V dentelés dont on a rogné les dents. Ce type, qui n’existe que dentelé, se reconnaît à l’ablation plus ou moins importante des ornements verticaux et volutes latérales, et à la disparition de plusieurs petites boules dans les volutes du bas, surtout à droite. Le 10 cents fut créé pour le service postal de la Californie. Or les lettres de cette origine, dans certains cas, valent très cher. Ce qui se traduit par l’intervention fréquente des faussaires. Donc n’acheter ce timbre sur lettre en provenance du Far-West que muni de toutes les garanties désirables.

Le 5 cents, créé en 1856, ne le fut aucunement pour l’affranchissement des lettres recommandées, mais plutôt pour répondre aux besoins du courrier étranger, surtout vers l’Europe. C’est pourquoi cette valeur se rencontre assez souvent en France, même en bandes de trois — ce qui correspondait au tarif de l’une des voies maritimes les plus utilisées. Ce timbre, n’étant pas planchable, n’offre que peu d’intérêt pour le spécialiste ; c’est ce qui explique son bon marché relatif, compte tenu de sa rareté. Peu de truquages. Très peu de timbres lavés, les lettres pour l’étranger passant forcément par l’entremise de grands bureaux possédant tout un arsenal de cachets. Très peu de dentelés aux dents coupées, quoi qu’on en dise, la marge très étroite ne favorisant guère ce genre de travail, et les nuances de papiers différents non plus. Par contre, existence d’une pièce très peu connue et excessivement dangereuse ; un essai sur la planche, non dentelé, sur papier à timbres et dans une nuance presque identique à celle de l’émission régulière. Les autres nuances de cet essai diffèrent trop fortement d’avec l’original pour risquer d’être confondues.

Les grosses valeurs de la série n’existent que dentelées ; il est reconnu aujourd’hui que les non-dentelés, longtemps considérés comme timbres, ne furent que des essais. Il en est probablement de même pour le 24 cents dentelé dans les nuances lilas et violet foncé. Quant au 30 cents noir non dentelé, la question de son usage postal est encore discutée. Les timbres oblitérés valant bien souvent plus cher que les neufs, il faut particulièrement se méfier des oblitérations trop intéressantes et, pour ainsi dire, impossibles, ces trois valeurs n’ayant eu qu’un usage très court et très limité, en particulier aux gros ports pour l’étranger.

Les timbres de cette émission sur lettres sont souvent très intéressants et, dans certains cas, font des primes très élevées. Cela n’a pas échappé aux faussaires. Comme, d’autre part, à cette époque, la correspondance avec l’étranger, et en particulier avec la France, avait pris une extension considérable, les truqueurs ont eu à leur disposition une masse énorme de lettres ayant circulé sans timbres, le port dû et le règlement en espèces sans timbres étant encore très utilisés. Les lettres truquées de cette époque sont donc très fréquentes, en particulier celles pour l’étranger, les faussaires étant favorisés non seulement par la grande masse de lettres disponibles, mais aussi par la variété incroyable des tarifs postaux selon la voie empruntée ; ce qui laisse l’acheteur de bonne foi toujours perplexe et sans défense. De l’examen d’un grand nombre de collections françaises — et étrangères, — nous pouvons affirmer qu’il en existe peu — très peu — qui ne renferment de ces indésirables. Et il semble bien que, depuis la guerre, la fabrication de ces pièces ait pris une nouvelle extension ; se méfier particulièrement des lettres agrémentées de certains cachets rares, comme le supplementary mail premier type, ship, steam, etc., qui semblent très imités depuis quelque temps. Faire très attention aussi aux lettres ayant vraiment circulé avec un timbre honnêtement oblitéré — habituellement un 5 cents — et sur lesquelles on a collé deux autres timbres (très souvent dans un coin, afin de camoufler l’oblitération). Ce genre de truquage est très fréquent depuis quelque temps.

M.-L. WATERMARK.

Le Chasseur Français N°610 Octobre 1946 Page 319