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Dressage du chien d’arrêt

La mise au rapport

Si, en Angleterre, le chien d’arrêt n’est pas appelé à rapporter, en France, sur 100 amateurs qui veulent acheter un chien, pour 90 la première question est celle-ci : « Rapporte-t-il ? »

Il est vrai que, pour les recherches du gibier blessé et à l’eau, cette qualité est bien appréciable.

Pour arriver à obtenir un rapport impeccable, il n’y a qu’un moyen : le rapport forcé. Quand, par hasard, un chien rapporte naturellement, on n’est jamais sûr qu’il conservera cette qualité, et, souvent, il rapportera avec la dent dure. Si, à cause de cela, il est grondé ou battu, il y a des chances pour qu’il ne rapporte plus. Il en sera de même pour le chien à qui l’on a appris à rapporter en lui jetant un chiffon ou une peau de lapin et qui, s’en emparant, revient à son maître en jouant. C’est ce que l’on appelle le rapport à la jouète, il n’est ni plus sûr ni plus sérieux que le rapport naturel.

Revenons-en au rapport forcé : il faudra se munir d’un apportable confectionné avec un morceau de bois rond de 5 à 6 centimètres de diamètre et de 20 à 22 de longueur ; avec une vrille, les deux extrémités seront percées de deux trous se croisant ; dans ces trous, on fera passer des bouts de gros fil de fer de 12 à 15 centimètres de long de façon que ce chevalet repose toujours sur quatre extrémités du fil de fer ; on garnira la partie centrale soit de vieux chiffons, soit, ce qui vaudrait mieux, d’un morceau de peau de lapin que l’on fixera par une couture ou de la ficelle ; il faudra aussi se munir d’une bonne laisse en cuir de 1m,50 à 2 mètres.

Notre élève, mis en laisse, sera amené dans un endroit tranquille, même solitaire au début, si c’est possible.

Après l’avoir mis au down, on lui présentera l’apportable de la main gauche en lui disant : « Prends. » Avec la main droite, on le lui introduira dans la gueule, que l’on tiendra fermée, car il essaiera de le rejeter. Après le lui avoir fait tenir une bonne minute, on le lui retirera de la gueule en lui disant : « Donne. »

Cet exercice sera répété deux ou trois fois par jour pendant un quart d’heure, si c’est possible.

Au bout d’une semaine, l’élève devra tenir l’apportable sans essayer de le rejeter, Alors, on se placera devant lui à un mètre et on le fera relever et venir à soi en lui disant « Apporte » ; il est probable que l’apportable sera lâché ; on le lui remettra dans la gueule, et, en se reculant et en lui tenant la gueule, on lui dira de nouveau : « Apporte. »

Quand on aura obtenu satisfaction, ne pas négliger d’octroyer une caresse, ou, ce qui vaudrait encore mieux, offrir un petit morceau de fromage ou de viande ; avant la guerre, le gruyère pouvait être employé à cet effet, mais actuellement ...

Quand le chien tiendra bien l’apportable et marchera avec, après l’avoir mis au down, on placera cet apportable à quelques centimètres devant son nez en lui disant : « Prends, apporte. » En tirant sur la laisse, on l’amènera jusqu’à l’apportable et on le lui introduira dans la gueule, puis on le fera marcher quelques mètres en se reculant et lui disant : « Apporte. » En répétant cet exercice pendant quelque temps, le chien arrivera à prendre de lui-même l’apportable ; alors le plus dur sera fait.

À partir de ce moment-là, il faudra faire asseoir le chien avant de lui prendre l’apportable.

Au fur et à mesure, on posera l’apportable de plus en plus loin, puis, le chien étant au down, on le jettera à quelques mètres, mais on ne laissera le chien aller le prendre qu’au commandement « apporte ».

Quand cet exercice sera bien exécuté avec l’apportable, on remplacera celui-ci par une peau de lapin dans laquelle on aura introduit un petit sac contenant un peu de sable (un sac à plomb convient très bien), et on reprendra les exercices du début en augmentant chaque jour la quantité de sable pour arriver à un poids de 1kg,500, poids d’un bon lapin de garenne.

On pourra alors, ayant mis l’élève au down, traîner la peau de lapin et la cacher, puis, revenant au chien, le faire relever en lui disant : « Cherche, apporte. »

Après bonne exécution, il faudra se procurer un pigeon ou un lapin de grosseur moyenne, et, après avoir procédé comme ci-dessus et placé le lapin sur le ventre pour qu’il soit pris par le dos, tirer un coup de pistolet ou de fusil et envoyer le chien en disant : « Apporte. »

Toujours exiger que la pièce soit tenue et remise étant assis ; cela évitera qu’en chasse le chien ne tourne autour de vous avant de remettre la pièce.

Il ne reste plus qu’à faire rapporter l’élève à la chasse, ce qu’il ne fera peut-être pas la première fois.

En ce cas, mettre au down, prendre la pièce tirée et bien morte, la lui faire sentir, la porter à quelques mètres et l’envoyer chercher en disant : « Apporte. » Quelquefois, il faudra la lui mettre dans la gueule et la maintenir en le faisant marcher quelques mètres ; ce ne sera l’affaire que de deux ou trois leçons.

Quand on aura obtenu satisfaction, le chien sera mis au rapport forcé, et cela pour toujours.

Tous ces détails paraîtront peut-être fastidieux à certains, mais permettront à beaucoup de se rendre compte que le dresseur professionnel doit se donner passablement de peine et avoir une grande patience pour mener à bien le dressage au rapport de ses élèves.

Quelques petits trucs peuvent être employés pour faire ouvrir la gueule du chien : on peut lui pincer l’extrémité de l’oreille ; certains ouvrent bien les mâchoires si l’on introduit un doigt au-dessus de la langue, mais d’autres s’y refusent obstinément ; pour faire marcher le chien avec l’apportable, on peut se servir d’un collier à pointes intérieures, mais il ne faut pas le faire brutalement.

Pour le rapport à l’eau, il faudra agir comme je l’ai indiqué pour le cocker, en débutant en eau peu profonde et par temps doux.

Ne jamais forcer le chien à entrer à l’eau, et encore moins l’y jeter.

Tous les chiens, à quelque race qu’ils appartiennent, peuvent être mis au rapport forcé par la méthode que j’indique.

Certains sujets s’y mettent plus facilement que d’autres.

Autrefois, quand la race des Braques Saint-Germain existait presque pure, j’ai vu des sujets rapporter parfaitement en huit jours.

D’aucuns ont prétendu que l’atavisme jouait un rôle dans la facilité qu’ont certains sujets à se mettre au rapport. Je n’en crois rien, car j’ai eu entre les mains un étalon pointer importé d’Angleterre dont les parents et grands-parents n’avaient sûrement jamais rapporté et qui s’y est mis aussi facilement qu’un Saint-Germain ; il devint un retriever de tout premier ordre.

A. ROHARD.

Le Chasseur Français N°611 Décembre 1946 Page 334