Le Salon de l’automobile, le trente-troisième du nom, s’est
achevé sur un succès sans précédent. Tous les records d’entrées ont été battus.
Il est vrai que curieux et acheteurs sérieux étaient sur le même pied
d’égalité, puisque ce Salon offrait cette particularité unique qu’aucune
commande n’était enregistrée.
Ce Salon de la Renaissance française, après huit années au
cours desquelles nous eûmes, par moments, de dramatiques désespoirs, s’est
engagé nettement, sur le plan technique, vers l’allégement. Légèreté qui
conduit à l’économie de marche. En 1914, une auto de puissance moyenne pesait
1.200 kilos ; aujourd’hui, elle atteint à peine 550 kilos.
Signalons l’apparition de modèles ayant moins de quatre
cylindres, chose jugée saugrenue il y a quelques années. À ce Salon, on trouve
trois modèles équipés de moteurs à un cylindre, et quatre pourvus de moteurs à
deux cylindres. Le bon marché semble être la raison de cette réaction, alors qu’au
contraire dans la voiture de luxe, et même moyenne, on quitte le 4 et le 6 pour
se diriger vers le 8 cylindres. La taxation de l’essence entraîne la
cylindrée vers sa plus simple expression. On note une dizaine de constructeurs
présentant des moteurs de moins de 750 centimètres cubes : entre
autres, Simca, Julien, Mathis, Panhard, Minor, Rovin, Renault. Les
consommations varient de 3 à 5 litres aux 100 kilomètres.
Les soupapes en tête écrasent les soupapes latérales ;
la « turbulence », qui avait jadis de si chauds défenseurs, est en
déroute ; la majorité des modèles ont leurs soupapes montées dans la
culasse, disposition qui assure depuis toujours le plus haut rendement.
Mais voici une formule qui a soulevé l’intérêt des visiteurs
et du monde technique, surtout réalisée qu’elle est par une firme telle que
Renault : moteur, roues motrices, tout est à l’arrière avec la nouvelle 4 CV
Renault. Ce modèle si remarqué est d’une cylindrée de 720 centimètres
cubes, boîte 3 vitesses, quatre roues indépendantes. Alors qu’avant
guerre, sur le stand de cette marque, on ne suivait que de très loin les
solutions d’avant-garde, il semble bien qu’aujourd’hui il y ait quelque chose
de changé.
Dans ce duel Renault-Citroën d’antan, il est permis, avec le
recul du temps, de constater tout ce que la traction avant Citroën renfermait
d’idées, de conceptions et aussi de réalisations heureuses dans la construction
automobile en grands série, et surtout qu’elle était une voiture typiquement
française. Alors que, depuis quarante ans, on construisait suivant la formule
moteur à l’avant, suivi de l’embrayage et de la boîte de vitesses, arbre de
transmission reliant celle-ci à l’essieu arrière (formule encore adoptée à 100
p. 100 par la construction américaine), on vit, vers 1935, l’avènement des
coques ou carrosseries monopièces. Dès lors, avec les roues avant motrices,
tout le mécanisme émigre à l’avant, monté en porte à faux en bout du
châssis ; le différentiel se place entre le carter moteur et la boîte.
Avec les modèles économiques actuels, de dimensions
réduites, se pose le problème du logement du groupe moteur. On ne peut plus
prévoir l’emploi d’un arbre de transmission. À l’avant ou à l’arrière, quelle
que soit la solution adoptée, il n’y a plus d’arbre de transmission. La partie
motrice constitue un tout détachable ; c’est du moins ce que l’on constate
sur les modèles nouveaux, tels Bernardet, Grégoire, Mathis, Renault, Rovin et
autres.
Presque partout nous trouvons les roues avant indépendantes.
La construction s’orientant vers des voitures de plus en plus allégées, il a
fallu bientôt reconsidérer le problème de la suspension. Bonne tenue de route
et suspension acceptable sont, comme chacun sait, assez peu conciliables. La
barre de torsion se généralise, grâce aux progrès réalisés dans la métallurgie.
Mais celle-ci, en contrepartie, exige des amortisseurs sérieux et efficaces.
Partisans et adversaires des amortisseurs à friction et à liquide se livrent,
dans cet esprit, une lutte acharnée. On a pu même constater une ou deux
réalisations heureuses de combinaison hydraulique et friction.
Du côté freinage, c’est la déroute complète des freins à
commandes mécaniques. Les freins hydrauliques ont fait leurs preuves :
souplesse, équilibrage parfait, efficacité, minimum d’usure des garnitures et
des pneumatiques, réglages superflus, etc.
L’embrayage à disque unique fonctionnant à sec conserve
l’avantage de très loin.
Si nous nous penchons sur les boîtes de vitesses, la
solution classique gagne aussi des points : trois, vitesses avant et une
marche arrière, prise directe et seconde silencieuse. Sur les modèles
« joujoux », nous rencontrons même une quatrième vitesse
surmultipliée, telle la Panhard-Dyna, d’où économie de carburant. Chez les
voitures « normalement constituées », la compétition continue entre
les boîtes Wilson et Cotal.
Côté carrosseries, châssis et caisse forment un tout
absolument homogène, quand il est encore possible de les différencier, ce qui
n’est plus le cas avec les « monocoques », celles-ci gagnant de plus
en plus d’adeptes.
Les formes sont agréables à regarder ; parmi les
nouveautés lilliputiennes, aucune ne choque. Le visage de la voiture subit une
influence américaine, influence d’ailleurs revue et corrigée, adaptée au goût
français. Les modèles de carrosserie de nos constructeurs de grande classe
n’ont que peu varié ; quelques détails seulement permettent de
différencier 1938 et 1946. Mais patience ! on se rattrapera l’année
prochaine.
L’année prochaine ! Ah ! comme on voudrait être
débarrassé, pour le prochain Salon, de tout le dirigisme incohérent de l’État,
des tickets d’essence et des prioritaires, de cette politique insensée et
néfaste de l’exportation automobile à tout prix, des taxes et surtaxes sur
l’essence que l’on a déjà appliquées et de celles que l’on nous prépare. Comme
il serait doux, à côté de la Paix, de voir fleurir, pour le bien de tous,
quelques branches de Liberté !
G. AVANDO,
Ingénieur E. T. P.
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