Produire des fruits sains en qualité et quantité est le rôle
de l’arboriculteur ; il doit également connaître le moment de les cueillir
lorsqu’ils ont atteint le maximum de leur valeur organoleptique.
Cette opération, quoique des plus agréable, n’est pas toujours
bien comprise. Le moment de leur maturité est un point sur lequel on ne tient
pas assez compte. Cette cueillette est assez difficile à déterminer, l’époque
de la maturité variant suivant les variétés, la nature du sol, la température
de l’année et l’orientation de la culture. Pour bien comprendre le moment
précis où le fruit possède toutes ses qualités, il est utile de connaître les
modifications dont il est le siège :
1° quand il est attaché à l’arbre sur lequel il mûrit ;
2° après avoir été détaché du végétal qui le portait.
Maturation du fruit sur l’arbre.
— Pendant toute cette période, il est le siège de deux
phénomènes :
1° d’une part, il reçoit les produits divers élaborés par
les feuilles et transportés par la sève : amidon, acides, tanin,
sucre ; le fruit se laisse remplir à la façon d’un réservoir ;
2° il brûle une certaine quantité de ces produits pour
fournir aux cellules l’énergie nécessaire à leur travail d’accroissement et de
multiplication, à mesure que les apports faits par les courants séveux
nécessitent la croissance du fruit. Ce sont les acides, le tanin, l’amidon, qui
arrivent en abondance.
Plus tard, quand le fruit a terminé sa croissance, les
sucres apparaissent, leur proportion va en croissant progressivement, tandis
que les acides et les tanins diminuent.
Le fruit est mûr quand les acides, le tanin et
l’amidon ont disparu complètement de sa masse.
Maturation du fruit détaché de l’arbre.
— Un fruit charnu, poire, pomme, séparé de l’arbre,
placé à une température au-dessus de zéro est le siège :
1° de dégagement d’acide carbonique ;
2° d’une diminution progressive des acides, du tanin, de l’amidon ;
3° d’une augmentation continue du sucre.
Après la disparition des acides, des tanins, la pectase
(gelée de fruit) apparaît et remplit les lacunes des tissus. À ce moment, le
fruit est succulent, savoureux, sucré, parfumé. Il revêt une teinte jaune pâle,
rougeâtre ; c’est le moment où il faut le consommer, il a son maximum
de valeur sapide, et son séjour à ce point est de courte durée ; il ne
tardera pas à entrer dans la phase de désagrégation.
Asphyxie du fruit : blettissement.
— La disparition du tanin et la formation de la pectase
amènent l’asphyxie des cellules, les tissus deviennent bruns,
s’amollissent : c’est le blettissement, état dans lequel certains fruits
peuvent se consommer (nèfles, kakis, sorbes). Pour les autres fruits,
l’adaptation des cellules à la vie anaérobie dure peu de temps ; après,
les cellules meurent, brunissent et blettissent. Le blettissement commence au
centre du fruit ; il marche dans une direction centrifuge, ce n’est pas
une maladie, c’est un état final naturel pour les fruits contenant des acides
et du tanin.
Les tissus blets n’ont pas d’odeur ni de saveurs
désagréables.
La pourriture du fruit est un autre état final, différent du
précédent ; elle est due à des microorganismes, bactéries, champignons,
venus de l’extérieur, ayant pénétré par les blessures du fruit faites à l’épiderme.
La pourriture a une marche allant de la périphérie au
centre, les tissus envahis ont une couleur brune et répandent une mauvaise
odeur.
Récolte des poires et des pommes.
Variétés d’été de première époque.
— Ces variétés mûrissent vers fin juillet, le
changement de teinte, le dégagement de parfum, une plus grande facilité à se
détacher, la chute de quelques fruits indiquent le moment de la récolte. Ne pas
confondre ce dernier indice avec la chute des fruits attaqués par le pyrale
(vers du fruit) ; ceux-ci tombent très tôt. La récolte doit avoir lieu six
à dix jours avant la maturité complète. Les poires restant longtemps sur
l’arbre deviennent farineuses et perdent beaucoup de leurs qualités. La
cueillette en plusieurs fois, en commençant par les plus mûres, est à
recommander. La maturité s’achève dans un local sec aéré. Les poires cueillies
les premières blettissent plus lentement et se conservent mieux.
Ne pas conserver en tas les fruits d’été, ils exigent une
surveillance de tous les instants.
Variétés d’automne.
— Les variétés Louise-Bonne, beurré Clairgeau, duchesse
d’Angoulême, Alexandrine Douillard, etc., se récoltent dès qu’elles ont acquis
leur volume et qu’elles commencent à se détacher. De même que le groupe
précédent, elles achèveront leur maturité au fruitier. Les fruits grossissent
lorsqu’ils restent plus longtemps sur l’arbre et acquièrent un volume plus
important. Fait bien connu, l’ensachage des poires et des pommes de luxe leur
permet d’atteindre un plus gros volume, si l’on a soin d’attacher les sacs sur
la coursonne et non au pédoncule. Les fruits qui se détachent sont retenus dans
les sachets et ne vont pas se meurtrir sur le sol ; le cultivateur ne
craint plus les coups de vents, il peut retarder la cueillette.
Variétés d’hiver.
— La récolte s’effectue fin octobre. Cueillies trop
tôt, elles se rident et perdent leur saveur.
En cueillant les fruits, il importe d’éviter d’arracher ou
de casser les bourses avec le fruit, de crainte de nuire à la fructification
des années suivantes. En levant le fruit légèrement avec la main, tout en
opérant une légère pression sur le pédoncule, on arrive à le séparer de son
point d’attache.
Pêches.
— Les pêches se cueillent dès que le fond vert de
l’épiderme devient jaunâtre. La maturité s’achèvera dans un local sec aéré.
Cueillies mûres, les pêches perdent leur saveur, deviennent farineuses. Les
pêches destinées à l’expédition seront cueillies quatre à huit jours avant leur
maturité. Le fruit étant délicat, la moindre pression des doigts, les chocs
occasionnent des taches qui leur font perdre beaucoup de leur valeur. Les
cueillir les doigts ouverts.
Abricots.
— Les remarques faites aux fruits précédents
s’appliquent aux abricots. Un coloris jaunâtre lavé de rouge du côté de la
lumière indique l’approche de la maturité.
Prunes.
— Cueillir le fruit au moment de la maturité, s’il est destiné
à être consommé sur place ; pour les prunes à expédier, les ramasser trois
ou quatre jours avant. Les fruits de choix seront cueillis à la main en
conservant le pédoncule pour laisser subsister la pruine, efflorescence
glauque qui permet de les garder plus longtemps sans se tacher et donne au
fruit une belle apparence.
E. DÉAUX.
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