La culture de la pomme de terre est une culture coûteuse et
décevante, en ce sens qu’il faut lutter sans cesse contre les maladies et les
insectes. On voit, même dans les plantations qualifiées de saines, des plantes
naines, d’autres à folioles déformées, des taches nombreuses, des décolorations
anormales. Ces caractères morphologiques dénotent des altérations maladives
dues pour la plupart à des agents endogènes, autrement dit des agents qui se
trouvent à l’intérieur du tubercule de semence. Pour beaucoup d’autres
cultures, notamment celle des céréales, les maladies sont moins nombreuses,
parce que la plupart d’entre elles sont apportées par des agents exogènes.
Comme sa sœur aînée la pathologie humaine, la pathologie
végétale, spécialement celle de la pomme de terre, est une science
conjecturale, ce qui signifie que les théories émises, bien que vraisemblables,
sont fondées sur des probabilités. Les phénomènes de la vie animale et végétale
sont tellement complexes et variables que, bien souvent, on ne peut expliquer
une série de faits semblables que par des hypothèses. Au fur et à mesure qu’on
approfondit les phénomènes, on aperçoit de nouvelles inconnues. D’où la
nécessité de poursuivre toujours et sans cesse les études biologiques et
pathologiques, et ces travaux laborieux ne peuvent se faire que par des
observations constantes appuyées par une expérimentation serrée.
En ce qui concerne la dégénérescence des pommes de terre,
phénomène grave, presque partout observé, on l’explique depuis sept à huit ans
par la théorie des virus, sur laquelle nous reviendrons parce que le
sujet est trop important. Cette théorie, qui résulte de multiples et difficiles
recherches nouvelles de savants, pour la plupart étrangers, permet d’expliquer
un grand nombre de faits bien observés et d’asseoir sur des bases assez solides
les méthodes de sélection actuellement en usage. Il est bon de signaler
toutefois en passant que les éclaircissements ne sont pas complets sur tous les
points et qu’il existe de légères discordances. J’ai bon espoir, d’ailleurs,
que, dans un avenir peu éloigné, les savants mettront les choses au point.
Mon intention, aujourd’hui, est d’entretenir les lecteurs de
deux affections actuellement à l’étude, affections observables, l’une à
l’arrière-saison, l’autre pendant la période hivernale : le flétrissement
bactérien et la fusariose.
Les flétrissements de la pomme de terre.
— Il y a flétrissement chez les plantes de pommes de
terre lorsque le feuillage, encore vert, se fane avant la complète maturité. Un
tel phénomène peut s’observer en temps de sécheresse prolongée ; les
feuilles se dessèchent et pendent le long de la tige ; en 1945, notamment,
on a pu voir dans certains cas une dessiccation générale des plantes avant la
maturité. Ce n’est pas là un phénomène pathologique, mais simplement
physiologique et qui résulte de l’absence d’humidité dans le sol ; les
racines ne trouvant plus l’eau nécessaire à la végétation normale, l’appareil
aérien succombe prématurément. Un phénomène semblable peut encore s’observer
lorsqu’on a traumatisé par la pioche ou autrement l’appareil
radiculaire, autrement dit lorsqu’une blessure de base s’est produite ;
l’entrave apportée à l’ascension de la sève détermine un flétrissement d’abord,
puis le dépérissement de la plante. Là encore, il s’agit d’un phénomène
physiologique sans intervention d’agent pathogène. Notons encore que
l’altération des racines en cas de jambe noire ou de rhyzoctone
peut déterminer un léger flétrissement dans les folioles du sommet ; mais
il s’agit, en l’espèce, d’un flétrissement bénin n’intéressant pas la tige.
Ce qu’on appelle flétrissement vrai ou type
est une fanaison observable dans la deuxième période végétative, sur des
plantes encore vertes, sans lésion traumatisante et dans un sol plus ou moins
pourvu d’humidité. Ce flétrissement est d’origine parasitaire.
Dans le Centre de notre pays, on a pu observer jusqu’ici
deux sortes de flétrissement d’origine parasitaire, liés, jusqu’à un certain
point, aux circonstances atmosphériques : le flétrissement à vermicularia,
et le flétrissement bactérien.
LE FLÉTRISSEMENT ANCIEN DIT À « VERMICULARIA ».
— Cette affection a présenté, vers les années 1925 et
suivantes, une allure épidémique. C’était une maladie très grave qui,
dans certaines régions de plaine, mettait la culture de la pomme de terre en
péril : 50 p. 100 des pieds pouvaient être atteints en août, et,
comme ils succombaient de bonne heure, la récolte se trouvait fort
réduite : nombreux tubercules mous, presque inconsommables,
toujours peu volumineux et d’une conservation difficile.
Deux signes particuliers permettaient de reconnaître la
maladie en dehors de la fanaison des feuilles : la plante ne tenait pas
au sol ; avec une légère traction, les tiges s’arrachaient. D’autre
part, les radicelles altérées étaient couvertes de ponctuations noires
visibles à l’œil nu. Ces points noirs étaient les sclérotes du champignon
appelé vermicularia.
Que l’on ne cherche pas actuellement ce genre de
flétrissement ; il a disparu fort heureusement dans le Centre, mais il peut
revenir.
LE FLÉTRISSEMENT BACTÉRIEN ACTUEL.
— L’affection est étudiée actuellement par M. Lansade,
chef de travaux à la Station centrale de pathologie végétale de
Versailles ; tout récemment, on vient d’identifier la bactérie spécifique.
En haut Forez, la maladie a été observée, en 1943, dans
quelques plantations, mais simplement à l’état sporadique. En 1945,
l’envahissement des cultures de la variété Flourbal s’est montré presque
général ; cet envahissement a coïncidé avec l’apport massif de semences bretonnes
d’autres variétés. Depuis plusieurs années, on se plaint vivement de cette
maladie en Bretagne.
Voici les quelques observations que j’ai pu effectuer
pendant l’été de 1945.
Dès le début du mois d’août, on commence à apercevoir, dans
les cultures, certains pieds dont une tige ou deux s’affalent et se flétrissent
rapidement. Au bout de quelques jours, toutes les tiges des plantes atteintes
sont flétries, et on peut remarquer que la maladie progresse, car d’autres
plantes sont atteintes ; il en va de même jusqu’à l’arrachage d’automne.
En août, les tubercules récoltés sur les plantes malades
sont peu volumineux, mais, à la coupe, on n’aperçoit pas d’altération visible.
Il n’en est pas de même un mois plus tard, vers la fin septembre. Sur une
vingtaine de tubercules récoltés chez des pieds flétris, j’ai trouvé des altérations
intérieures dans la moitié des cas : jaunissement de l’anneau
vasculaire, parties brunâtres dans la pulpe, pourriture complète de quelques
échantillons, lesquels font sourdre, en les écrasant, un mucus filant.
Qu’advient-il, au cours de la conservation hivernale, chez
les tubercules non pourris ? Certains, peu ou pas contaminés, peuvent
rester intacts ; mais, dans d’autres, les altérations se continuent. En
sorte qu’au printemps une pourriture molle de certains tubercules est
constatée. Les dégâts sont d’ailleurs variables. En 1945, on constatait dans
les plantations de Flourbal de 1 à 20 p. 100 de plantes flétries
suivant les cas ; une plantation de Beauvais Bretagne accusait 35
p. 100.
Signe particulier : la plante malade tient au sol,
ce qui démontre la presque intégralité des racines ; le parasite est
surtout cantonné dans les stolons et les tiges.
Comme remède, voici ce que M. Lansade recommande pour
les variétés sensibles à la maladie (toutes ne sont pas sensibles,
d’ailleurs) : éviter le coupage des plants ; si on est obligé
de le faire, stériliser la lame de couteau chaque fois qu’on a sectionné un
tubercule malade, contenant un mucus jaunâtre. L’opérateur doit avoir plusieurs
couteaux de rechange plongés dans un liquide désinfectant (eau de Javel,
alcool, etc.). Lorsqu’un tubercule suspect est coupé, le couteau est remis dans
le liquide et on en prend un autre.
Le fusarium et la fusariose.
— Je dirai peu de choses aujourd’hui sur cette maladie
encore à l’étude. Par le mot fusarium, on désigne en pathologie végétale
un genre de champignons dont certains sont pathogènes ; par le mot fusariose,
on désigne l’altération des tubercules de pommes de terre occasionnée par une espèce
de fusarium.
Les lecteurs de ce journal qui ont reçu des lots de plants
de Bintje ou d’Osbote, en provenance de l’Ouest ou du Nord, ont
pu parfois observer que la conservation laissait à désirer. Certains tubercules
sont altérés en totalité ou en partie. Il s’agit d’une pourriture sèche et
dure, ne ressemblant aucunement à la pourriture humide du mildiou ; la
chair du tubercule est brune. Parfois, le déchet observé dans les plants
peut atteindre 50 p. 100 ; la fusariose est donc une affection grave.
Pour l’instant, comme prophylaxie, on recommande la conservation des plants en
clayettes ; il faut éviter les traumatismes et les plus petites blessures
faites aux tubercules au cours des manipulations, de façon à assurer
l’intégralité de la peau. Il semble bien, en effet, que le fusarium,
cause première de l’infection, est un parasite de blessure.
Cl. PERRET.
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