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Les baux industriels et commerciaux

Droit de reprise du propriétaire à la fin du bail

La récente loi du 18 avril 1946 sur les baux industriels et commerciaux vient d’apporter de sérieuses restrictions au droit de reprise que le propriétaire peut exercer, à la fin du bail, des locaux loués à un commerçant ou à un industriel pour l’exercice de sa profession.

Évidemment, dans tous les cas, le propriétaire peut reprendre, à la fin du bail, les lieux loués, mais il s’expose alors à payer au commerçant évincé une indemnité dite d’éviction, qui doit, en principe, d’après la loi nouvelle, être au moins égale à la valeur du fonds de commerce.

Nous envisagerons donc seulement l’hypothèse où le propriétaire peut reprendre les lieux loués sans s’exposer à payer l’indemnité d’éviction, tel que ce droit lui est maintenu par la loi du 18 avril 1946.

Ce droit de reprise peut s’exercer dans trois cas.

1° RECONSTRUCTION DE L’IMMEUBLE.

En premier lieu, le propriétaire peut refuser le renouvellement du bail s’il est établi que l’immeuble doit être totalement ou partiellement détruit parce que menaçant ruine ou se trouvant en état d’insalubrité reconnue.

Auparavant, il pouvait exercer le droit de reprise dans tous les cas dès lors qu’il s’agissait de reconstruire l’immeuble ; il n’était pas exigé que celui-ci menaçât ruine ou fût en état d’insalubrité. Le propriétaire était seulement tenu de payer au commerçant une somme représentant deux années de loyer lorsque la reconstruction n’était pas motivée par la ruine ou l’insalubrité de l’immeuble.

Le commerçant ainsi menacé d’éviction a le droit de rester dans les lieux jusqu’au commencement des travaux. Il a, en outre, un droit de priorité pour louer dans l’immeuble reconstruit.

2° HABITATION DES LOCAUX PAR LE PROPRIÉTAIRE OU SA FAMILLE.

Le propriétaire peut aussi refuser le renouvellement du bail s’il reprend les lieux soit pour les habiter lui-même, soit pour les faire habiter par son conjoint, ses descendants ou leurs conjoints.

Le droit du propriétaire a été restreint sur ce point par la loi nouvelle en ce sens qu’il ne peut plus exercer légalement le droit de reprise des locaux loués au commerçant pour faire habiter ces lieux par ses ascendants ou leurs conjoints.

3° EXERCICE PAR LE PROPRIÉTAIRE D’UN COMMERCE DIFFÉRENT.

Jusqu’à la publication de cette loi du 18 avril 1946, le propriétaire pouvait, à fin de bail, reprendre les lieux loués, sans être tenu à l’indemnité d’éviction, s’il voulait les reprendre en vue d’une affectation commerciale ou industrielle, soit pour lui-même, soit pour son conjoint, ses descendants ou leurs conjoints, à la condition qu’il ne s’agisse pas d’un commerce similaire, l’occupation, dans un cas comme dans l’autre, devant être de cinq ans au moins.

La loi du 18 avril 1946 ne permet au propriétaire de reprendre les lieux loués pour l’exercice d’un commerce ou d’une industrie qu’à son profit personnel ; il ne peut plus, par conséquent, exercer le droit de reprise au bénéfice de son conjoint, de ses descendants, ou de leurs conjoints.

Mais ce droit de reprise personnel ne peut être invoqué que dans les trois cas suivants :

a. Si le commerçant n’a pas exploité personnellement pendant quatre années entières et consécutives le fonds de commerce installé dans les lieux ;

b. Si le propriétaire a été sinistré dans son habitation personnelle ou dans son exploitation industrielle ou commerciale de telle sorte qu’il est dans l’impossibilité de l’occuper ou d’y exercer son entreprise ;

c. Si le commerçant est une société anonyme en commandite par actions ou une entreprise à succursales multiples, à moins que le propriétaire entre lui-même dans l’une de ces catégories.

Le commerçant ainsi habilité à refuser le renouvellement du bail est soumis à trois conditions quant à l’exercice de son droit de reprise.

Tout d’abord l’occupation industrielle ou commerciale doit être rigoureusement personnelle.

En second lieu, l’occupation des lieux par le propriétaire devra être de cinq.ans au moins, sauf en cas de motif légitime.

Enfin cette occupation ne pourra avoir pour objet l’exploitation d’un fonds de commerce de même nature que celui du locataire sortant.

Sanctions.

— Au cas où le propriétaire n’exercerait pas son droit de reprise conformément aux dispositions ci-dessus, il s’exposerait notamment au payement de l’indemnité d’éviction au profit du commerçant sortant.

Pour la fixation de cette indemnité, le tribunal civil doit tenir compte de tous les éléments de perte que le commerçant aura à subir et de gain dont il sera privé par suite de l’éviction

Cette indemnité, précise la loi, sera au moins égale à la valeur du fonds, sauf le cas où il serait démontré par le propriétaire que le commerçant évincé possède d’autres fonds de commerce, ou que le local dont il s’agit abrite une succursale, ou encore le cas où le propriétaire fera la preuve que le préjudice est moindre.

Observation très importante.

— L’article 3 de la loi du 18 avril 1946 dispose que, lorsque le bailleur aura consenti au renouvellement du bail, il ne sera plus fondé à exercer le droit de reprise.

Cette disposition peut surprendre : le but de la législation sur la propriété commerciale a été de faciliter le renouvellement des baux ; or le nouveau texte de l’article 3 peut tendre à l’effet contraire par la sanction dont est menacé le propriétaire.

À propos des loyers d’habitation.

— Au mois de juin dernier, nous avons traité de la majoration des loyers d’habitation autorisée par la loi du 28 juin 1945.

Une loi du 17 septembre 1946 vient d’accorder aux locataires qui étaient forclos un délai de six mois à compter de sa publication pour demander la révision du prix de location servant de base à cette majoration, lorsque celui-ci était illicite.

Nous ne donnons qu’un extrait de cette loi (étant donnée l’urgence de la question) dont les lecteurs trouveront le texte à l’Officiel.

L. CROUZATIER.

Baux commerciaux.

— La prorogation accordée jusqu’au 1er janvier 1948 aux commerçants ne doit comporter d’augmentation du prix du loyer. Les lecteurs sont priés de considérer comme nuls les trois derniers alinéas du paragraphe E de mon article d’octobre.

L. C.

Le Chasseur Français N°611 Décembre 1946 Page 360