Les lecteurs qui nous ont fait l’honneur de suivre nos
causeries d’avant guerre se souviennent certainement que nous avons toujours
conseillé l’emploi de cartouches chargées par les soins de spécialistes
qualifiés. Et nous n’avons pas eu de peine à démontrer que c’était pour le
chasseur le meilleur moyen de mettre toutes les chances de son côté en évitant
une besogne parfois fastidieuse.
Mais les temps ont changé, malheureusement. Nous avons reçu dernièrement
un certain nombre de lettres insistant sur la pénurie de munitions actuelle,
l’impossibilité de trouver des douilles dans le commerce, et nous demandant
quelques indications susceptibles d’éviter un certain nombre d’inconvénients
inhérents à la pratique du réamorçage.
Indépendamment du remplacement de l’amorçage, qui s’impose
évidemment, une douille usagée diffère d’une douille neuve sur plusieurs
points. Au cours du tir, elle a subi une certaine dilatation avec déformations
permanentes, principalement au culot ; il existe un délabrement de la
partie réservée au sertissage, et l’on constate enfin un encrassement interne,
moins important avec les poudres pyroxylées qu’avec la poudre noire, mais
générateur d’une oxydation du renfort métallique à plus ou moins longue
échéance.
La première opération à faire sera donc de désamorcer la
douille et de la nettoyer intérieurement. Pour le désamorçage, les chasseurs
n’ont que l’embarras du choix entre divers petits matériels bien étudiés et
dont le meilleur type est probablement la pince à usages multiples. En ce qui
concerne le nettoyage intérieur, il suffit d’un bon coup de brosse pour enlever
les résidus de la combustion de la poudre et repolir le culot aussi bien que
possible. Faute de cette précaution, on s’expose à la détérioration des charges
subséquentes par action des résidus de la combustion, au cas où la nouvelle
cartouche ne serait pas tirée dans un délai raisonnable.
On arrive très facilement à brosser l’intérieur des douilles
en montant sur une chignole de mécanicien un écouvillon en crin ou mieux en
laiton. La chignole sera fixée dans un étau, et, en tournant la manivelle d’une
main et en présentant les douilles de l’autre, il ne faut que quelques minutes
pour nettoyer un cent de douilles très convenablement.
Le nettoyage et le désamorçage effectués aussitôt que
possible, les douilles pourront attendre les opérations de recalibrage. On sait
en effet que beaucoup de douilles entrent difficilement une deuxième fois dans
les chambres, par suite des déformations subies par les culots. Si l’on
insiste, on fatigue la fermeture de l’arme et on s’expose à des difficultés
d’ouverture ; il est donc de toute nécessité de rendre à la douille ses
dimensions normales en la faisant passer, à petits coups de maillet, dans une
lunette à recalibrer, y compris le culot. Il est même préférable d’avoir une
lunette comportant un drageoir et d’enfoncer la douille en interposant un petit
bloc métallique entre le culot et le maillet. La lunette sera placée sur un
bloc de bois percé d’un trou, et on arrivera ainsi facilement à remettre le
culot à ses cotes normales, en même temps que l’on donnera à sa face arrière
une forme bien plate. Nos douilles ainsi recalibrées une ou deux fois ne nous
donneront plus aucun souci pour la fermeture et l’ouverture des fusils et
glisseront dans les chambres comme des douilles neuves.
On trouve dans le commerce des lunettes à recalibrer ;
à défaut, tout mécanicien muni d’un tour exécutera très facilement l’outil, y
compris le drageoir.
Il est bon de paraffiner très légèrement la partie réservée
au sertissage par immersion et essuyage immédiat, en même temps que l’on
introduit un mandrin de calibre. L’outillage consiste en un couvercle de boîte
à cirage contenant 5 millimètres de paraffine tout juste fondante et non
fumante. Cette petite opération donnera au carton la consistance convenable
pour supporter plusieurs sertissages et elle facilitera grandement
l’introduction des bourres, toujours difficile dans des douilles usagées.
Il restera enfin à introduire à sa place l’amorçage
neuf ; nous nous trouverons ici en présence de deux difficultés
possibles : L’amorçage entre difficilement, et il est nécessaire de passer
délicatement une queue de rat très fine dans l’orifice du culot.
L’amorçage entre avec jeu, et il sera indispensable de
resserrer le culot en frappant quelques coups à l’intérieur au moyen du maillet
et de l’outil à réamorcer. En cas de besoin, on peut fixer l’amorçage au moyen
d’un peu de vernis à l’alcool, lequel ne devra déborder ni intérieurement ni
extérieurement.
Mais, le plus souvent, heureusement, l’amorçage reprendra sa
place à frottement dur sans difficulté. Il sera assujetti bien au ras du culot,
de manière à ne pas gêner la fermeture et à ne pas donner de ratés.
Moyennant ces diverses opérations, nous aurons à notre
disposition des douilles presque équivalentes à des douilles neuves ; en
opérant chaque fois avec soin, nous arriverons à employer quatre ou cinq fois
nos douilles en moyenne. Nous disons en moyenne, car, dans une même
fabrication, il y a de notables différences dans la résistance du carton,
matière peu homogène. Dans tous les cas, nous n’aurons ni ratés, ni ennuis pour
la fermeture ou l’ouverture des armes, trois inconvénients sur lesquels la
plupart de nos correspondants ont insisté.
Mais nous souhaitons à tous les chasseurs que l’an 1947 leur
apporte un approvisionnement normal en munitions de bonne qualité et les
décharge du soin de réamorcer leurs douilles. En attendant, le plaisir de
quadrupler ses possibilités de tir vaut bien que l’on prenne quelque peine.
M. MARCHAND,
Ingénieur E. C. P.
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