Fédération nationale des chasseurs.
— Le 26 août dernier, les neuf présidents des
régions cynégétiques se sont réunis à Paris pour envisager l’avenir de la
chasse française.
La réunion était présidée par M. Gouilly-Frossart,
président du Conseil supérieur de la Chasse, assisté de M. Maleville, chef
de cabinet au ministère de l’Agriculture.
Quatre lois ou arrêtés ministériels récents furent vivement
critiqués : l’article 42 bis du statut du fermage d’abord (loi
du 15 avril 1946), aussi néfaste aux chasses communales qu’aux chasses
privées ; le droit de battue accordé aux maires (loi du 3 avril
1946) ; les statuts des sociétés départementales de chasseurs (arrêté
ministériel du 6 août 1946) ; enfin l’ouverture prématurée de la
chasse à la caille, dans les régions de Bordeaux et Marseille.
Puis, le projet de loi sur la chasse fut repris par les
présidents de régions, modifié dans plusieurs de ces articles, enfin voté à
l’unanimité. Il représente une transaction heureuse entre les amateurs de
chasses privées et les organisateurs des chasses communautaires ouvertes aux
chasseurs des villes comme à ceux des campagnes.
Enfin, les présidents de région décidèrent de se constituer
en organisme permanent, émanation de tous les chasseurs de France : la
Fédération nationale des Chasseurs, dont le bureau fut constitué de la façon
suivante :
M. Jean Verzier (Lyon), président ; M. Le
Marie (Tours), vice-président ; M. G. Béjot (Paris),
vice-président ; M. Perreaudin (Marseille), secrétaire ; M. Soissons
(Clermont-Ferrand), trésorier ; M. Guilmot (Strasbourg),
membre ; M. Parcellier (Bordeaux), membre ; M. de Toury
(Dijon), membre ; M. Belin (Rennes), membre.
Cet organisme nouveau aura sa vie propre, différente de
celle du Conseil supérieur de la Chasse, qui reste l’établissement public si
utile à la gestion du budget de la chasse, et à l’étude des questions
administratives.
Dès le lendemain, M. le ministre de l’Agriculture, en
instance de départ pour Copenhague, faisait recevoir la Fédération nationale
des Chasseurs par M. Bou, directeur de son cabinet. Celui-ci félicitait
les représentants de la chasse française de leur unanimité sur un texte de loi
relatif à la chasse. Il intervenait immédiatement pour la question de la chasse
à la caille dans le Midi de la France, faisait préparer un nouveau texte pour
le statut des fédérations (arrêté ministériel du 30 août 1946) et assurait
les chasseurs de la plus grande compréhension de ses services.
(Communiqué.)
Société départementale des chasseurs de la Drôme.
Réunion du conseil d’administration du 7 août
1946.
— Le conseil décide :
De créer une brigade mobile de contre-braconnage dotée de
moyens de transports rapides et fixe à 10 francs la cotisation qui sera
demandée à chaque membre des sociétés de chasse du département pour couvrir une
partie des frais supplémentaires résultant de cette création.
Qu’un bulletin trimestriel d’information sera établi et
adressé aux présidents des sociétés.
Compte rendu est donné de la réunion des gardes du 16 juillet
1946, des démarches entreprises au sujet des munitions, et certaines questions
diverses sont examinées et réglées.
(Communiqué.)
De la rareté du lièvre en Haute-Loire et de ses causes.
— De l’avis de tous les chasseurs de la Haute-Loire, le
lièvre est en sérieuse régression dans notre région, qui, à juste titre, était
réputée une des régions privilégiées pour ce gentil animal. Nous avons de
vastes forêts domaniales : le Meygal (1.500 mètres d’altitude) et le
Mézenc (1.732 mètres), véritables réserves, qui sont recouverts de neige à
partir de novembre. À ce moment-là, les lièvres de ces régions inclémentes
émigrent vers le plateau, à la recherche des semis de seigle, des champs de
choux, et la plupart de ces migrateurs s’y cantonnent et se reproduisent, d’où
repeuplement naturel.
Il n’y a guère que les gros vieux lièvres qui hivernent dans
ces hauts sommets, se cantonnant dans les plantations où, tant bien que mal,
ils trouvent leur provende.
Comme tous les ans, muni d’une licence spéciale des Eaux et
Forêts, j’ai été explorer ces vastes forêts domaniales avec de très bons chiens
courants. Avec quelques amis, nous avons parcouru en tous sens ces fameux
cantonnements où, l’an passé encore, nous lancions de douze à quinze lièvres
par journée de chasse. Eh bien ! ma foi, cette année, avec le même
équipage, nous avons lancé quatre ou cinq lièvres dans la journée, la plupart
des levrauts. Et il en est ainsi dans toute la région. J’ai voulu savoir quelle
était la cause de ce déficit. J’ai fait une petite enquête auprès de nombreux
chasseurs et propriétaires de la région du plateau. L’un d’entre eux, qui a ses
terres en bordure de forêt, m’a dit que, le lendemain du sulfatage de ses
pommes de terre, il avait, en allant visiter les effets du poison sur les
doryphores, trouvé une hase et un bouquin crevés en bordure. Nouveau sulfatage
quinze jours après, nouvelle visite ; deux levrauts gisaient. Un autre
m’apporta une hase pleine qu’il avait trouvée crevée dans une rigole
d’irrigation de pré. Cette hase fut ouverte par un vétérinaire, qui
diagnostiqua un empoisonnement par arséniate. D’autres nombreux cas m’ont été
révélés, tous après sulfatage des pommes de terre. Il faut que je vous dise
que, dans les champs de pommes de terre, pousse une variété d’herbe dont le
lièvre est très friand. Lors des sulfatages, forcément l’herbe est aspergée du
liquide nocif, et notre pauvre capucin est intoxiqué et meurt. Voilà la
véritable cause de cette notable diminution de notre cheptel gibier.
Le perdreau lui-même n’échappe pas au désastre. Il faudrait
que le Conseil national de la Chasse prenne la chose au sérieux et que les
pouvoirs publics trouvent un produit de remplacement efficace pour le doryphore
et inoffensif pour le gibier. Mais cela est une autre histoire.
Marcel VALINO, ancien piqueur, Le Chambon-sur-Lignon.
Chasse au gibier d’eau. Une protestation.
— Il y a quelque temps, je protestais énergiquement
contre l’ouverture prématurée de la chasse au gibier d’eau le 14 juillet.
Aujourd’hui, je tiens à m’élever contre la fermeture de cette même chasse que
M. le préfet de la Charente a décidé de fixer au 2 février prochain,
contrairement aux usages locaux et constants, et sur avis, paraît-il, du
conservateur des Eaux et Forêts et du président de la fédération départementale
de chasse.
Les sociétés départementales ont protesté contre cette
mesure que rien ne justifie, et, malgré cela, le président de la fédération
— nommé par ces mêmes sociétés et devant refléter, auprès du préfet, leurs
désirs — a demandé à ce dernier de prendre cet arrêté de fermeture.
Si, dans notre département, nous fermons la chasse au gibier
d’eau le 2 février, nous ne pourrons pas profiter du passage de retour, et
ce sont les départements voisins qui seront privilégiés vis-à-vis de nous. Nous
serons donc absolument lésés, sans avoir au moins la consolation de protéger du
gibier qui, s’il ne se fait pas tuer dans notre département, le sera dans
d’autres ou même au delà des frontières. J’ajoute que la chasse au gibier d’eau
a toujours fermé, en Charente, le 31 mars.
Il est à mon avis, absolument inadmissible de prendre une
telle mesure au moment où les permis, les cartes de sociétés, les munitions
viennent d’augmenter dans des proportions considérables.
Je suis certain d’apporter ici l’opinion de bien des
chasseurs charentais représentant la grande majorité des chasseurs du
département.
J. GAUTIER.
La ruse stoïque d’une renarde.
— Le 7 avril dernier, quelques chasseurs et
moi-même procédions à une battue en vue de la destruction des renards sur le
territoire de notre commune. À 15h.30, après une matinée déjà fructueuse, nous
décelions un terrier habité par une renarde et sa portée.
Après la mise hors de combat de notre petite fox, trop
courageuse, nous décidons d’ouvrir le terrier. Cela nous vaut sept heures d’un
travail acharné, mais la certitude du succès, aidée du cidre breton, multiplie
les forces et l’ardeur. À 22h.30 donc, devant une assistance de curieux, à la
lueur de lanternes, le plus acharné d’entre nous extirpe un à un de la chambre
quatre renardeaux. Et c’est le tour de la « vieille », avec,
évidemment les précautions d’usage.
Dans le style le plus classique, notre ami parvient à se
saisir de la renarde et à la maintenir vigoureusement au fond de la fosse. À
l’aide d’une forte bêche, il lui assène quatre violents coups de tranchant sur
la tête. La renarde ne bouge plus. Néanmoins, un aide lui ayant fourni une
fourche, il lui transperce le cou à la base du crâne. Je prends la fourche et
sors la bête de la fosse. Elle est absolument inerte, pas un tressaillement,
pas un spasme des mâchoires légèrement ouvertes. Un œil est à moitié ouvert,
l’autre fermé. Les reins ont été déchirés par le harpon. Deux dents de la
fourche percent complètement le cou. Je tends l’ensemble à un ami, qui s’assure
de la mort en tâtant la poitrine et le ventre et fait le tour de l’assistance
avec le trophée. Puis il me repasse et la fourche et la bête que je fais sentir
aux chiens. La petite fox lui mord le ventre, un griffon vendéen tente de lui
briser une patte arrière. Toujours pas un mouvement, pas un tressaillement, le
corps ballottant comme chiffon au vent. À un moment donné, la renarde entre en
contact avec le sol : un vigoureux coup de rein et c’est la fuite,
extrêmement rapide. La menée des huit chiens se prolongea durant une heure, et,
si nous présumons, avec raison, que la renarde fut finalement prise, nous n’en
avons, néanmoins, aucune preuve ...
Inutile de décrire la stupéfaction profonde des assistants
devant une simulation si extraordinairement stoïque. Il faut, en effet, écarter
l’hypothèse d’un évanouissement passager. En ce cas, le corps aurait été agité
de soubresauts, les mâchoires de spasmes. Nous aurions perçu la respiration et
la fuite n’aurait pas eu cette vigueur, ni cette rapidité.
Non, nous avons bien eu affaire à une ruse diabolique, et
tous, nous avons sans regrets admiré ce magnifique exemple de courage et de
malignité. Personnellement, je souhaite à cette renarde longue vie et nombreux
poulets. Elle l’aurait bien mérité.
Ce fait s’est passé dans le taillis de Kerveguen, en Melgven
(Finistère), et de nombreux assistants peuvent en témoigner.
R. NERZIC-PUCHEU.
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